Même si elle était loin d’être une inconnue au bataillon du mouvement féministe malien, cet ouvrage prouve à suffisance que celle appelée communément Oumou CAFO n’a nullement usurpé son parcours et qu’elle a forgé son engagement et son militantisme au fil d’une lutte parfois féroce.
«Mars des femmes 1991- Chronique d’une révolution malienne» est l’une des récentes publications de Cauris Livres. Cet ouvrage rédigé avec le concours d’une excellente consœur, Ramata Diaouré et de la photographe Oumou Traoré, rend hommage au combat mené par les femmes maliennes dans l’avènement de la démocratie en donnant la parole à 25 héroïnes qui ont pris une part active à la lutte pour un Mali plus libre et prospère. Parmi ces 25 héroïnes, figure l’actuelle ministre de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, Mme Traoré Oumou Touré. Même si elle était loin d’être une inconnue au bataillon du mouvement féministe malien, cet ouvrage prouve à suffisance que celle appelée communément Oumou CAFO n’a nullement usurpé son parcours et qu’elle a forgé son engagement et son militantisme au fil d’une lutte parfois féroce. Oumou CAFO a milité au sein du Collectif des femmes, de la Coordination des associations et Ong Féminines du Mali (CAFO) sans oublier l’ONG Woiyo Kondeye.
Une pionnière modèle
De Niafunké au Lycée des jeunes filles de Bamako en passant par Tombouctou, Mme Oumou Touré s’est forgé une large réputation de leader sans jamais transgresser les principes familiaux et sociaux grâce à l’éducation reçue dans la famille. Cette benjamine d’une famille de garçons qui ne se laissait pas intimider, raconte ses bagarres avec les petits garçons et ses séances de football avec ses amies. « Sous le regard bienveillant et plein de confiance » de son père, la petite Oumou a grandi, sans peur, sans contrainte. «A l’école, j’étais pionnière car je faisais partie des meilleurs élèves. Considérée comme un modèle, la pionnière, c’est la petite fille bien habillée, en jupe et chemise, béret vissé sur la tête et qui s’engage pour servir la nation », témoigne-t-elle.
Du lycée à l’école supérieure, elle retrace les différentes étapes de sa formation idéologique : « Lorsque j’ai eu mon DEF, on m’a orientée vers le lycée de Jeunes Filles de Bamako. J’étais à l’internat, en pension complète. Il y avait une grande diversité culturelle et linguistique, nous venions de tout le Mali. Nous qui étions du nord du pays, nous avons vite appris le bambara avec nos camarades de Kayes ou de Bamako. Je n’étais plus la petite Oumou du nord mais une Oumou nationale. On avait appris à se connaître, à vivre ensemble. Il n’y avait pas d’esprit régionaliste. Il y avait entre nous ce lien spécial fait de compassion et de solidarité, ce lien précieux que les Bambaras appellent “tin”. Toujours au lycée, avec d’autres, on s’ouvrait au monde du militantisme, nous étions alors ouïes quand nos secrétaires générales de l’UNEEM Kadidia Oumar Touré ou encore Aïssata Dianguina Coulibaly prenaient la parole. Elles étaient nos modèles, leur confiance et leur détermination à défendre la cause des lycéens nous inspiraient. A l’école normale supérieure où je poursuivais mes études, d’éminents professeurs comme Kari Dembélé ou Mamadou Lamine Traoré, de brillants aînés tels que Tiebilé Dramé ou Cabral aux convictions fortes, ont raffermi notre formation idéologique. De la même façon que ces camarades et professeurs ont été des modèles, en 1991, au cœur de l’agitation politique, c’est vers des aînées, des grandes sœurs à nous que nous allions nous diriger ».
« Nous avions nos idées et notre génération a son histoire »
Dans son témoignage, elle donne des détails poignants sur les événements de mars 1991 avec son trio de soutien aux blessés formés avec Rokia Sanogo et Ramata Dia.
Outre son militantisme au sein de la coopérative COFESFA, Oumou Touré rappelle que des jeunes diplômées sans emploi, comme elle, ramassaient des ordures, vendaient des journaux de la presse privée et suivaient leurs « grandes sœurs du COFEM » dans les réunions. « Je tiens à préciser une chose : nos aînées ne nous ont pas cooptées comme ça. Nous aussi, nous avions nos idées et notre génération a son histoire. Notre génération, c’est celle qui a vu disparaître Cabral, qui a vu assassiner Cabral. Les militaires, on les avait déjà affrontés. Nous avions été maltraités. Nous avions souffert. Nous avions connu le « violon », défend-t-elle. Dans cet ouvrage, elle rend un vibrant hommage à toutes les femmes qui ont soutenu, appuyé le mouvement démocratique notamment Bintou Camara, une mécène qui mettait son bureau à la disposition des femmes du COFEM.
Mme Oumou Touré confesse sur la CAFO : « Lorsque les associations ont vraiment commencé à pulluler, les femmes du collectif et d’autres leaders du mouvement féminin comme Hawoye Boukanem du CNFT, Fatoumata Siré de l’APDF, Aïssata Diallo, du CADEF ont décidé de prendre les choses en main pour canaliser les actions. C’est de cette manière que la CAFO est née. Elle est née pour coordonner les activités des associations de femmes. Sa vocation, ce n’était pas une perte d’identité des associations mais une action de coordination.
Le but était aussi d’harmoniser nos points de vue afin de n’avoir qu’un interlocuteur auprès des pouvoirs publics ».
A la nouvelle génération, la ministre Oumou Touré donne de précieux conseils : « Et à la nouvelle génération, je voudrais dire ceci : il ne faut pas attendre d’être appelé, il faut être dans le mouvement. Nous, nous n’avons pas été appelées. Nous avons suivi les aînées et c’est ce qui nous a permis de ‘’faire le boulot’, d’être là ».
Chiaka Doumbia
Le Challenger