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Marché de la carte d’identité Cedeao : Pour annuler le marché le Premier ministre louvoie entre approximation exacte et fausse précision

On croyait vivre le dernier épisode de ce feuilleton juridico-administratif concernant le marché de confection de cartes d’identité Cédéao couplées à l’Assurance maladie obligatoire, avec l’acceptation par l’adjudicataire, la société Cissé Technologies plus précisément, des conditions financières imposées par le ministère de l’Economie et des Finances. Mais c’était sans compter avec la caste de vautours qui tient le haut du pavé appuyée par la versatilité du Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga qui a écrit pour demander l’annulation du marché. Tout le contraire de ce qu’il soutenait il y a peu de temps, exactement dans sa correspondance N° 425/PM-CAB du 20 juin 2017, dans laquelle il exhortait le ministre de la Protection civile et de la sécurité, maître d’œuvre du projet, de tout faire pour poursuivre le processus d’attribution définitive de ce marché à Cissé Technologies en application d’une décision de justice.

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Les Maliens devront attendre encore longtemps avant de pouvoir entrer en possession de leur carte d’identité Cédéao biométrique sécurisée, parce que le Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga en a ainsi décidé. Certainement sous ordre l’engeance de rapaces tapie dans l’ombre. En effet, on croyait que c’en était fini des tergiversations du Gouvernement lorsque l’entreprise adjudicataire, choisie suite à un appel d’offres régulier, Cissé Technologies notamment, a finalement accepté le prix proposé par le ministre de l’Economie et des Finances suite à des négociations.

En effet, le blocage entretenu autour du prix unitaire de la carte d’identité a été finalement levé lorsque Cissé Technologies a accepté de produire lesdites cartes d’identité biométrique au prix de 6 000 FCFA l’unité. Même si, comme l’a fait savoir Cissé technologies lors d’un point de presse, ce prix ne l’arrange pas du tout, mais il faut consentir des sacrifices pour que les Maliens puissent enfin détenir leur carte d’identité biométrique Cédéao. A cette occasion, Cissé Technologies d’ajouter qu’elle a même investi beaucoup d’argent dans l’acquisition de nouveaux équipements en vue de l’exécution de ce marché.

D’ailleurs, par lettre n°0548/MSPC-SG du 30 août 2017 ayant comme objet : « Fourniture de cartes nationales d’identité biométriques sécurisées Cedeao couplées à l’assurance maladie personnalisées et l’exploitation de services associés pour le compte du ministère de la Sécurité et de la Protection civile », le ministre de la Sécurité et de la Protection civile informait son homologue de l’Economie et des Finances en des termes sans équivoque : « Dans le cadre de la passation du marché en objet, j’ai l’honneur de vous faire parvenir, pour toutes fins utiles,, la lettre sus référencée par laquelle la société Cissé Technologies et son partenaire, Imprimerie nationale de France, marquent leur acceptation pour la fourniture de la carte biométrique sécurisée Cedeao couplée à l’assurance maladie personnalisée au prix de six mille francs CFA hors taxes ».

Mais c’est ce moment que choisit le Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga pour instruire aux trois ministres concernés par ce marché de confection de cartes d’identité Cédéao couplées à l’Amo, de tout faire pour procéder à son annulation. Cette instruction se trouve contenue dans la lettre du Premier ministre référencée sous le n° 582/PM-CAB du 21 septembre 2017, adressée à Messieurs les ministres de : la Sécurité et de la Protection civile ; l’Economie et des Finances ; la Solidarité et de l’Action humanitaire.

Cette lettre dont l’objet est clairement mentionné : « Annulation du marché relatif à la carte biométrique couplée à l’Amo » comporte des instructions claires. Par exemple, y lit-on : « Au demeurant, je vous invite à initier l’annulation du marché susmentionné pour les raisons suivantes :

-Le couplage de la carte biométrique et de la carte Amo pose un réel problème en ce qu’elles ne sont pas régies par les mêmes normes juridiques, l’une relevant d’un décret, l’autre de la loi ;

-la prise en compte de la loi n° 2017-0022 du 02 juin 2017 déterminant les conditions générales d’exonération qui conditionne la légalité du marché et donc de l’appel d’offres ;

-la nécessité de préparer une loi sur le couplage aux fins d’adoption urgente. »

Il convient d’emblée de signaler que le Premier ministre fait fausse route car en parlant de normes juridiques, il fait du dilatoire dans la mesure où le Décret n° 2016-0253/P-RM du 29 avril 2016 portant institution et réglementation de la carte d’identité nationale sécurisée Cedeao couplée à l’assurance maladie, fait mention de la Loi n° 06-040 du 11 août 2006 portant institution du Numéro d’identification nationale des personnes physiques et morales et de la Loi n°09-015 du 26 juin 2009 portant institution du régime d’Assurance maladie obligatoire ; de la Loi n°09-016 du 26 juin 2009 portant création de la Caisse nationale d’Assurance maladie obligatoire et surtout de la Loi n° 2013-015 du 21 mai 2013 portant Protection des Données à caractère personnel en République du Mali. Autant de lois, parmi d’autres, visées par le Décret instituant le couplage de la carte d’identité à l’assurance maladie obligatoire. C’est dire que ce décret n’est qu’une application des lois précitées et qui existent bel et bien.

Par ailleurs, si le Premier ministre veut faire annuler un marché lancé et dépouillé il y a plus d’un an, parce que désormais il veut « la prise en compte de la Loi n° 2017-0022 du 02 juin 2017 déterminant les conditions d’exonération qui conditionnent la légalité du marché et donc de l’appel d’offres » comme précisé dans sa lettre de demande d’annulation dudit marché, il y a de quoi désespérer de nos gouvernants qui doivent savoir que les offres financières ont été faites selon la législation en vigueur au moment de l’appel d’offres et par conséquent ne pouvaient prendre en compte une loi qui n’existait pas. Est-ce suffisant pour motiver l’annulation d’un marché ? Monsieur le Premier ministre, le monde entier nous regarde et l’histoire retiendra tout acte de gestion publique que vous aurez à poser.

En plus, est-il utile de rappeler au Premier ministre qu’une commission a été mise en place par le gouvernement dès le début de l’année 2016 chargée de l’étude de faisabilité du couplage entre les cartes d’assurance maladie obligatoire et les cartes d’identité nationale biométriques Cedeao. Dans cette commission, siégeaient des cadres des deux ministères concernés, en l’occurrence le ministère de la Sécurité et de la Protection civile et celui de la Solidarité, de l’Action humanitaire et de la Reconstruction du Nord, en plus des cadres de la Caisse nationale d’assurance maladie (Canam), de l’Institut national de prévoyance sociale (Inps) et de la Caisse de sécurité sociale.

Ils étaient au total 11 cadres de l’administration publique à cogiter pour ensuite présenter au gouvernement un rapport daté de mars 2016 dont nous détenons copie et contenant les conclusions de l’étude de faisabilité ayant conduit le gouvernement à prendre la décision du couplage, notamment en adoptant le Décret n° 2016-0253/P-RM du 29 avril 2016 portant institution et réglementation de la carte d’identité nationale sécurisée Cedeao couplée à l’assurance maladie. Faut-il croire, Monsieur le Premier ministre que tout ce travail n’est pas bon aujourd’hui parce que, tout simplement, on s’obstine à spolier un citoyen malien de son droit élémentaire de bénéficier d’un marché public enlevé dans les règles de l’art ?

Doit-on considérer que cette lettre du Premier ministre sonne comme un mea culpa sur l’incompétence du gouvernement qui prend une mesure aussi importante pour revenir en arrière un an et demi après, reconnaissant que rien de ce qu’il avait fait n’était en règle ?  Après tout,  nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude.

De toute façon, la décision d’annulation de ce marché que le Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga instruit à ces ministres divorce d’avec celle qu’il avait manifestée auparavant dans sa correspondance n°  425/PM-CAB du 20 juin 2017 (donc tout récemment) adressée au ministre de la sécurité et de la Protection civile et dans laquelle il ordonnait de poursuivre le processus d’attribution du marché à Cissé Technologies, démontrant ainsi qu’il se conformait à la loi car la section administrative de la Cour suprême, par l’Ordonnance n° 28/CS-PSA du 03 novembre 2016 autorisait la poursuite de la procédure d’attribution du marché en question, suite à une saisine du directeur de la Direction générale des marchés publics et des délégations de services publics.

Auparavant, le Comité de règlement des différends de l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de services publics avait aussi ordonné la poursuite du dossier par décision n° 16-043/Armds-Crd du 23 août 2016, désavouant ainsi la décision d’annulation que voulait prendre le directeur général des marchés publics.  La décision de l’Armds est très claire et précise : « Dit bien que la décision d’infructuosité de la Dgmp-Dsp est mal fondée, ordonne la poursuite de l’appel d’offres en cause ». Est-ce que les juges de notre plus institution juridique sont eux aussi nuls pour ne pas voir ce disfonctionnement juridique que le PM vient de sortir de son chapeau de prestidigitateur ?

C’est dire que le Gouvernement, dans ce dossier, fait preuve de tout, sauf de bonne foi car en constatant que l’obstacle du prix qu’il avait expressément posé a été franchi, le même gouvernement, par la signature de son chef, le Premier ministre, essaie d’annuler purement et simplement ce marché et évidemment, en cherchant à se parer d’artifices pour motiver sa décision.

La volonté de ne pas laisser l’adjudicataire, Cissé Technologies, exécuter ce marché est manifeste et les conséquences seront néfastes pour le pays car avec l’élection présidentielle de 2018 qui approche à pas de géants, faire voter les électeurs avec une carte d’identité biométrique infalsifiable serait l’une des meilleures garanties d’un scrutin fiable. Mais en agissant ainsi, l’on se demande finalement si ce n’est pas le contraire qui est recherché par nos dirigeants actuels, c’est-à-dire tenir le prochain scrutin présidentiel sans ces cartes biométriques Cédéao. Question de retomber dans des manipulations que nous dénoncions en 2013 avec notamment cette histoire de carte NINA et de NINA A et autres artifices irréguliers.

C’est là tout le sens du débat qui interpelle, au-delà du Mali, la communauté internationale qui soutient notre pays car non seulement les cartes biométriques Cédéao aident à une meilleure identification des personnes en ces temps de menace terroriste permanente, mais permettrait l’organisation d’une élection présidentielle plus crédible en empêchant les fraudes sur le fichier électoral.

C’est dire que pour faire preuve de bonne foi – ce dont on doute jusqu’à présent- le gouvernement a intérêt à en finir avec ce jeu de cache-cache et laisser l’adjudicataire exécuter son marché pour le bonheur des populations maliennes qui auront ainsi accès à une carte d’identité infalsifiable parce qu’établie sur la base de données biométriques.

 

Il faut rappeler qu’un des soumissionnaires avait demandé au ministre de l’Economie et des Finances  la prise en compte de sa soumission dont l’objectif recherché était de parvenir à faire annuler le DAO  relatif à la fourniture de cartes nationales d’identité biométriques sécurisées Cedeao couplées à l’assurance maladie personnalisées. Le même soumissionnaire qui avait introduit une plainte auprès de l’Autorité de Régulation des marchés publics contre l’appel d’offres de la Canam, l’avait finalement retirée,  à la demande d’un expert-comptable qui avait monté un de ses dossiers qui l’opposait à l’Etat malien, avec la ferme promesse qu’il va en sous-traiter une partie. C’est ce même expert-comptable  qui était chargé par le Premier ministre, Abdoulaye Idrissa Maiga de lui faire une proposition pour la remise en marche d’une importante unité industrielle de Koulikoro, qui a donné à ce dernier la lettre N° 582 PM-CAB demandant l’annulation dudit marché. C’est ce qui fait qu’aucun membre de son cabinet de PM n’a vu ladite lettre que le Premier ministre  leur a cachée comme une maladie honteuse. Mal lui en a pris. Cela lui aurait évité pareille ineptie.

Car de deux choses l’une : soit le PM a pris comme parole d’évangile la littérature de notre sulfureux  expert et jamais un gouvernement n’a fait preuve d’autant d’ignorance crasse.

Soit, Abdoulaye Idrissa Maiga savait que les arguments développés dans ladite lettre ne sont qu’affabulation et jamais un gouvernement malien n’a fait autant de banditisme juridique au bénéfice d’intérêts sordides d’une caste de rapaces qui tient le haut du pavé. (Voir notre article : la sarabande des rapaces en pages 4 et 5)

Et dans tous les deux cas, cela n’honore nullement notre pays qui devenu un véritable pandémonium où l’odeur pestilentielle de la corruption sent à mille lieues.

A.D

Par Aujourd’hui-Mali

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