Hier à la mi-journée, aux abords du marché de Djicoroni, des morceaux de pierres et des bouteilles de gaz lacrymogènes jonchant par-ci, par-là, témoignaient de la violence des évènements qui avaient commencé au petit matin. C’est en substance l’atmosphère qui régnait au marché de Djikoroni Djénékabougou. Des éléments du GMS (Groupement mobile de sécurité), à bord de trois pick-up sécurisaient le marché totalement démoli dont le site appartiendrait à Djibril Coulibaly (un héritage de sa défunte mère). Un policier du GMS a expliqué que son équipe était venue prêter main forte aux collègues du 14ème Arrondissement sur le point d’être débordés.
Fanta Sanogo, vendeuse d’orange et présidente de l’association des femmes dudit marché, est une dame qui va sur ses 57 ans. Elle explique que c’est très tôt le matin que les éléments du 14ème sont arrivés sur les lieux. Les policiers étaient venus sécuriser la clôture de la parcelle de Djibril Coulibaly. Le groupe de femmes conduites par Fanta Sanogo, aurait alors refusé de vider les lieux. « Ce qui a obligé les policiers à les déguerpir de force », explique le même agent.
Béret couleur chocolat sur la tête, tout de kaki vêtu (uniforme de la garde nationale), Tiètigui Coulibaly est le fils de Djibril Coulibaly. La justice lui a donné l’autorisation de construire son terrain. C’est la raison pour laquelle il a demandé à la police de sécuriser les lieux afin de clôturer la parcelle. Ce que les commerçantes ne voulaient pas. Elles se sont opposées à l’exécution de la décision de justice. La police est donc passée à la vitesse supérieure.
Selon la présidente de l’association, c’est lorsque les policiers ont commencé à les matraquer que les enfants sont intervenus. « Personne ne peut regarder des gens exercer des violences sur sa mère sans rien faire. Surtout si c’est elle qui fait vivre la famille », lance-t-elle. A la suite de ces jets de pierres, un policier a été blessé à la cheville, confirme Mama Bagayoko, vendeur de céréales. L’on pouvait voir aussi le viseur brisé du casque d’un policier.
Rencontré à la mairie du District où il participait à un séminaire, le maire du Centre d’état civil secondaire de Djikoroni, Moussa Bagayoko, donne sa version des faits. Il explique qu’il a été informé par des populations de l’arrivée de plusieurs éléments du 14ème Arrondissement. Ils étaient accompagnés d’un huissier. Leur mission consistait à sécuriser les travaux de clôture de la parcelle.
L’élu dit s’être déplacé en personne pour rencontrer l’huissier. Ce dernier lui a dit qu’il est muni d’un mandat, donc dans le cadre de l’exercice de sa fonction. « Les femmes et tous les jeunes qui occupaient l’espace de Djibril ont été condamnés », lui aurait-il affirmé. Pour apaiser le climat social, Moussa Bagayoko a alors demandé au maire de la Commune IV d’intervenir. Ce qui a été fait par téléphone. L’huissier a répliqué qu’il détient des documents officiels.
Pourtant il aurait été attribué à Djibril une parcelle de recasement derrière le Centre secondaire d’état civil, rappellent en chœur les commerçantes interrogées. Le maire confirme cette affirmation. « Mon père a renoncé à cette parcelle au profit de celle de sa défunte maman », fait savoir Tiètigui Coulibaly. Les membres de la commission auraient alors accepté sa demande. C’est ainsi qu’il a remis les dossiers à la commission sur le titre de recasement.
La population a demandé à Djibril Coulibaly de renoncer à sa parcelle au profit d’une compensation en nature. Ce qui est attesté par une correspondance du maire d’alors. « Considérant que ce commerce permet à ces femmes veuves de soutenir leurs familles respectives, je viens vous proposer une compensation de votre parcelle », dit la lettre en substance. Ce qu’a catégoriquement refusé Djibril Coulibaly. Mais le maire Moussa Bagayoko reconnaît que la parcelle incriminée n’est pas dans le plan du marché.
En réalité, poursuit-il, « il n’y a plus de marché dans le quartier ». Le bitumage de la Route nationale 5 (RN5) a pris tout le marché. La population n’a plus d’espace où vendre. Les gens se sont installés progressivement sur l’espace qui restait. Ce qui a amené une confusion. Comme l’a témoigné Sitan Dembélé, une vendeuse qui ne soutient pas le mouvement de protestation. Attitude qu’elle paiera avec la démolition de son kiosque. Elle dénonce la démolition de son kiosque par l’association des vendeuses. « J’ai refusé de les soutenir, c’est la seule raison », murmure-t-elle, dépitée. A la différence des autres, elle a été autorisée à s’installer. En attendant, les vendeuses de Djicoroni-Djénékabougou sont convaincues qu’elles sont délestées de leur espace au profit d’un individu.
Cheick. M. TRAORE
source : essor