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Mandats d’arret contre le MLNA : chronique d’un fiasco annoncé

Bilal ag acherif mnla azawadBilal Ag Achérif, secrétaire général du MNLA

Nombre de terroristes sous le coup de mandats d’arrêt lancés contre eux par le Parquet de Bamako pourraient passer entre les mailles de la justice, en raison d’insuffisances notoires quant à leur identité, le manque de collaboration de leurs hôtes, l’omission sur la liste de personnes-clés, le maintien du statut lié au mandat électif pour quelques uns, les concessions des négociations, l’évanouissement dans la nature des principales cibles…

 

Avec seulement un peu de recul, l’on réalise que de nombreuses embûches parsèment le chemin de la manifestation de la vérité pour ce qui est du nord du Mali où des narcoterroristes ont infligés les plus atroces souffrances aux innocentes populations sous des prétextes fallacieux.

Pendant près d’un an,  elles ont subi l’occupation avec son corolaire de viol sur les femmes et les jeunes filles, d’amputation de présumés voleurs, de flagellation des couples adultères, de vol et de pillage des biens publics, de vol de documents historiques, de destruction des lieux saints à l’instar des mausolées…

La population, pendant plusieurs mois, a vécu les affres de l’humiliation, du déshonneur au nom d’une charia dont il n’était plus un secret pour personne qu’elle n’était qu’un paravent pour dissimuler les actes les plus crapuleux.

Poursuites sous contrainte

Face aux nombreuses exactions commises par les jihadistes et à la pression des Maliens, le Gouvernement a alors entrepris des enquêtes sur les crimes commis, au nord, depuis le mois de janvier 2012, par les jihadistes et leurs sbires qui sont souvent apparus plus royalistes que le roi tant leur zèle était exacerbé.

C’est après avoir ficelé le dossier d’enquête que la justice de notre pays a lancé, le 8 février 2013, des mandats d’arrêt contre des responsables du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), de Ansar Eddine, de Iyad Ag GHALY, du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest (MUJAO), de Al qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qui ont eu à semer la terreur au sein des populations civiles.

“Des poursuites ont été engagées contre plusieurs responsables des mouvements criminels suivants : MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad, rébellion touareg), Ansar Dine (islamiste), Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest), des narco-trafiquants, et tous font l’objet de mandats d’arrêt à exécuter tant sur le plan national qu’international”, a précisé Daniel Tessougué, le procureur général près la Cour d’appel de Bamako, dans un communiqué lu à la télévision nationale.

Il a précisé : “Les faits qui leur sont reprochés sont, entre autres: terrorisme, sédition, crimes portant atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat, à l’intégrité du territoire national par la guerre, l’emploi illégal de la force armée, la dévastation et le pillage publics, crimes et délits à caractère racial, régionaliste et religieux, trafic international de drogue”.

Pour ce qui est du groupe visé par un du mandat d’arrêt national ou international 28 personnes sont concernées dont 26 par les mandats de la justice de notre pays.

Pour ce qui est de Ansar Eddine, il s’agit de : Iyad Ag GHALY ; Algabass Ag INTALLAH ; Ahmada Ag BIBI ; Cheick Ag AOUSSA ; Soultane ould BABY (Ansar Charia) ; Amada Ag HAMA alias abdelkrim El TRAGUI ; Oumar ould HAMAHA (Ansar Charia-Aqmi) ; Sidi Mohamed Ould BOUMANA alias SANDA (Aqmi).

Les membres impliqués dans les crimes du MUJAO (mouvement pour l’unicité et le Djihad en Afrique de l’Ouest) sont : Cherif Oul ATTAHER (connu sous le nom de Cherif Ould TAHAR, aussi narcotrafiquant) ; Abderhamane Ould EL AMR alias Ahmed El TLEMSI ; Aliou Mahamane TOURE.

Du côté du MNLA (mouvement national de libération de l’Azawad), les personnes concernées sont : Bilal Ag ACHARIF ; Mohamed DJERI ; Mohamed Ag NAJIM ; Hamma Ag MOSSA ; Deity Ag SIDIMOU (narcotrafiquant) ; Ibrahim Ag MOHAMED ASSALEH ; Iglas Ag OUFEN ; Baye Ag DICKNANE ; Moussa Ag ASSARID ; Abdallah Ag ALBAKAYE ; Mahdi Ag MOHADA.

Enfin, les narcotrafiquants sur la liste noire sont : Mohamed Ould AHMED DEYA dit Mohamed ROUGGY ; Dina Ould DAYA ; Mohamed Ould SIDATI (maire de Ber) ; Baba Ould CHEICK ; Mohamed Ould AWAINAT ; Abinadji Aga Abdallah (maire de Aguelhoc).

Les écueils de taille

Après la libération des principales villes du Nord, alors que l’on pare au plus pressé pour lancer le processus de dialogue et réconciliation (un bâton dans les roues de la justice ?), il s’impose de mettre au goût du jour l’épineuse question des mandats d’arrêt contre des criminels qui ont sévi pendant l’occupation. Ce, d’autant plus que des limites objectives apparaissent quant à l’applicabilité de ces mandats d’arrêt qui avaient pourtant suscité beaucoup d’espoir au sein de tous ceux qui sont épris de justice et de paix sociale dans notre pays. Ce qui pourrait laisser filer entre les mailles de la justice de nombreuses personnes qui ont des comptes à rendre après leurs multiples forfaits et qui cherchent à se faire une nouvelle virginité à la suite d’une débâcle militaire.

Parmi les écueils de taille dans l’application de la justice, l’on souligne des erreurs sur les noms de certaines personnes poursuivies. Elles sont désignées, remarquent des sources concordantes, par des sobriquets ou des noms de guerre comme cela est fréquent le cas ici comme ailleurs. Or, une erreur sur le nom suffit pour entacher largement la procédure judiciaire au nom de « l’erreur sur la personne » quand bien même il s’agit réellement de la personne poursuivie. C’est dire que les personnes concernées par cette situation pourraient bien en user pour ne pas avoir à répondre de leurs actes criminels. Ce qui représenterait un énorme gâchis.

Selon nos sources, les erreurs de nom portent sur au moins neuf personnes retenues sur la liste de 28.

Parallèlement, il faut relever de graves omissions sur la liste de personnes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt.

L’on peut citer, entre autres, les noms de Zakiatou Walett HALATINE, ancienne ministre de l’Artisanat et du tourisme ; Mossa Ag ATTAHER, porte-parole du MNLA, qui ont tous pris une part très active dans la campagne de dénigrement contre le Gouvernement, d’exacerbation de la haine raciale et contre lesquels les chefs d’accusation ne devraient pas manquer.

L’on apprend qu’une liste additive des personnes pouvant être visées par des mandats d’arrêt existe au niveau des autorités nationales.

Mais là également, il existerait, selon nos sources, des blocages quant à l’identité précise de ces personnes auxquelles des crimes sont reprochés.

Ce qui leur épargne, pour le moment, des poursuites judiciaires malgré tous les griefs retenus contre eux pendant la période d’occupation des 2/3 du territoire national par des illuminés au nom d’un jihad anachronique et de l’application d’une charia vidée à dessein de toute sa substance.

Un autre facteur entravant de la mise en œuvre effective des mandats d’arrêt, c’est le processus de négociation qui est en cours depuis quelques temps avec le Mouvement national de libération de l’Azawad qui refuse jusqu’à preuve du contraire de déposer les armes. A l’évidence, il s’agit là d’un couteau à double tranchant. Et cause, les responsables du MNLA avec lesquels Gouvernement va devoir négocier sont les mêmes contre lesquels des mandats d’arrêt ont été lancés. Point besoin alors d’être un foudre d’intelligence pour réaliser que ces rebelles feront de la pierre des négociations deux coups : obtenir la levée des mandats d’arrêt et arracher un accord-cadre auquel ils semblent tenir tant.

Dans tous les cas, ce sont les efforts de faire triompher la justice qui auront été anéantis au nom d’une réconciliation sur des bases totalement biaisées.

La levée des mandats d’arrêt est d’autant plus plausible qu’il ne s’agirait pas d’une première entorse à la règle, en la matière, dans notre pays.

On se rappelle en effet que de dangereux terroristes ont été matinalement libérés à l’issue de ce que tout le monde s’accordait à qualifier de simulacre de procès en contre partie de la libération d’otages français. Absoudre alors d’office des terroristes du MNLA pour recouvrer la paix ne devrait pas être une pilule amère pour le Gouvernement de transition qui semble disposé à tous les compromis et compromissions avec le MNLA.

L’objectif principal de ce Gouvernement visiblement à la peine dans ce dossier étant la réconciliation avec le MNLA qui est une « exigence amicale » de la communauté internationale.

Lever les mandats d’arrêt serait également imposé comme gage de son ouverture à la réconciliation entre les fils du pays.

Il faut dire que l’attitude de certains pays dits amis du nôtre n’est pas pour arranger les choses en ce qui est de l’application de ces mandats d’arrêt. Ce n’est à présent qu’un secret de polichinelle que des pays comme le Burkina-Faso ou la Mauritanie ont toujours offert gîte et couvert aux terroristes du MNLA. Même la France ignore allègrement ces mandats d’arrêt. Des choix ambigus qui font  que l’on ne devraient raisonnablement pas s’attendre à ce que ces pays, peut-être parmi tant d’autres, n’extraderont jamais les personnes visées par la justice de notre pays.

Auront-ils le même comportement lorsque la Cour pénale internationale (CPI) qui a été saisi par notre Gouvernement entrera effectivement en action ?

Cela est une autre paire de manches qu’il faudra attendre de voir.

Entre le marteau et l’enclume

En tout état de cause, force est d’admettre que la phase judiciaire de la résolution de la présente crise sécuritaire n’est pas particulièrement bien emmanchée en raison des nombreux obstacles qui jonchent le parcours.

Pour un Gouvernement de transition qui est entre le marteau des injonctions des puissances étrangères et l’enclume des irrecevables revendications du MNLA, il est fort à parier qu’il fasse contre mauvaise fortune, bon cœur.

La marge de manœuvre étant d’autant plus réduite depuis qu’il doit sa survie à des interventions extérieures : Accord-cadre et installation d’un président intérimaire au-delà du délais constitutionnel ; intervention militaire française pour stopper la progression des troupes jihadistes et sécurisation des villes libérées par les forces de Mission internationale de soutien au Mali (MISMA) et du Tchad ; reprise progressive des activités des partenaires techniques et financiers et dégel de certains financement…

Le Mali, à vrai dire,  a le couteau sous la gorge par les temps qui courent en raison de la crise multidimensionnelle dans laquelle il a inexorablement plongé.

Il est aussi vrai qu’il a eu à son chevet une certaine communauté internationale pour l’aider à sortir la tête de l’eau pendant qu’il se noyait.

Mais il faut aussi reconnaître qu’il y a pour cette assistance un prix fort à payer. Ce prix passe par la béatification et la canonisation de groupes armés, la renonciation à des principes fondamentaux de la souveraineté nationale, comme dans bien d’autres domaines auparavant, accepter de jouer la girouette au gré de la direction du vent international.

Mais à qui la faute de tout cela finalement ?

Les réponses peuvent être aussi variées que contradictoires chacun ayant sa vision, sa propre analyses des causes lointaines et immédiates des malheurs qui frappent notre pays qui se retrouve, par la force des choses, quasiment au ban des pays sous-développés.

Pour autant, le vin étant tiré, il devient obligatoire de la boire.

Notre pays, quoi qu’il fasse, ne saurait nullement se détourner de cette triste page de son histoire où il est apparu plus que jamais come un enfant malade dont il faut prendre soin de toute urgence.

Au contraire, la morale de cette crise qui est essentiellement l’humilité (Le Mali n’était pas en réalité un pays aussi démocratique que l’on voulait le faire croire pour se bomber le torse) doit à présent nous conduire à tirer tous les enseignements de nos échecs précédents, de nous assumer et de prendre les bonnes dispositions pour relever les défis futurs.

Dans cette quête, ni le Mouvement national de libération de l’Azawad, ni quelqu’un d’autre ne devrait plus pouvoir nous détourner de l’essentiel : le Mali avant tout et au dessus de tout. Le tout étant étroitement lié à une nouvelle race de citoyen avec une conscience patriotique aiguisée au plus haut niveau.

Par Bertin DAKOUO

Source: info-matin

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