L’aventure continue pour une année supplémentaire. Le mercredi 29 juin 2022, le Conseil de sécurité des Nations Unies a voté une résolution qui prolonge d’un an, jusqu’au 30 juin 2023, la présence de la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilité au Mali). Adoptée avec 13 voix sur 15 (Chine et Russie s’étant abstenues), la décision de prorogation affiche certes la volonté de donner plus de moyens d’actions au dispositif. Mais, certains aspects du texte validé font grincer des dents. Et font naître des réserves aux allures d’opposition sur le futur proche du mandat.
Les plus intransigeants défenseurs de la souveraineté absolue des Etats s’indigneront sans cesse, et s’offusquent déjà de ce qu’ils voient comme un continuum impérialisme-hégémonie-volonté unipolaire occidentalisée du monde. Pour eux, l’illogique évidence est là : il s’agit d’un diktat, d’une cohabitation imposée au Mali dans des termes qui vont contre son gré de pays souverain.
Les partisans de la logique terre-à-terre des choses, ceux pour qui le jugement doit être fonction du bilan, ne sont pas tendres non plus. A leurs yeux aussi, le paradoxe est net : il s’agit d’une prime à l’inefficacité accordée à une Mission dont les résultats sont en deçà des attentes.
Certains poids lourds de la scène internationale (Chine et Russie notamment), qui soupçonnent le paramètre “droit de l’homme” de n’être qu’un cheval de Troie destiné à jeter le discrédit sur un pays qui aspire à sa liberté, y vont aussi de leurs réserves. Selon eux, on nage en pleine contradiction car on est en face d’une « Résolution » qui fait fi en partie du droit du Mali à disposer souverainement de son territoire.
Les autorités maliennes elles-mêmes, opposées à toute décision ou action qui contournerait leur mainmise souveraine, tracent des lignes rouges et préviennent que rien ne doit se faire sans leur “ok”. Surtout, avertissement-elles, il ne saurait être question d’une quelconque enquête “droit de l’hommiste” sans leur aval formel. « Le Mali réitère son opposition ferme à la liberté de mouvement de la MINUSMA dans l’exécution de son mandat dans le domaine des droits l’Homme », a réagi sans détours Issa Konfourou, l’ambassadeur du Mali près les Nations Unies.
Autant de réactions et de positions de tranchées qui prouvent à quel point la prorogation du mandat de la MINUSMA, actée par le Conseil de sécurité de l’ONU à « 13 voix pour » et 2 abstentions, ne suscite qu’un enthousiasme bien pâle. Désormais présente au Mali jusqu’au 30 juin 2023, la MINUSMA pourra-t-elle enfin gagner le pari de l’efficacité anti-insécurité en étant prise dans ce tourbillon de méfiance, de défiance et de scepticisme qui souffle autour de son bail renouvelé ? A moins d’être parmi les plus optimistes des plus optimistes, l’on ne peut qu’envisager une réponse qui tire vers le doute voire le pessimisme. Car, déjà considérée comme un géant aux pieds d’argile frileuse, la Mission onusienne, avec ses effectifs totaux actuels de 13.289 militaires et 1.920 policiers, a toujours souffert et continuera sans doute de pâtir de cette espèce d’ambiguïté attachée à son engagement sur le terrain. Entre force “offensive“, force “de stabilisation“, force “de maintien de la paix“, force “d’appui” etc. ; les populations victimes de la dévastation jihadiste en sont toujours à se demander quelle peut bien être la différence sémantique. Etant entendu que pour elles, toute force armée, surtout de l’envergure de la MINUSMA, doit inévitablement s’assigner une unique mission salvatrice : celle de devenir un rouleau compresseur fatal à la tentacule jihadiste qui écume le Mali.
La grande faiblesse de la MINUSMA vient justement de l’interprétation diverse et trop souvent négative faite sur la nature de son mandat. Diversité préjudiciable qui a placé ce dispositif mastodonte au carrefour des incompréhensions, des mécontentements, des attentes déçues et des espoirs fondus. Une situation qui ne promet pas de s’améliorer au vu des critiques nombreuses et des réserves fortes déjà exprimées à l’endroit de sa présence prolongée pour un an.
MOHAMED MEBA TEMBELY
Source: Les Échos- Mali