C’est avec une rare virulence que le Président du Conseil National du Patronat du Mali (CNPM), Mamadou Sinsin Coulibaly, charge la classe politique, toutes tendances confondues, et 15 généraux des Forces Armées de Défense et de Sécurité du Mali.
Le Président du CNPM a organisé, le 17 janvier dernier, en sa résidence à la Cité du Niger, une soirée à l’occasion du nouvel an. De nombreux diplomates, hommes d’affaires et leaders de la société civile ont répondu à l’appel du Patron des patrons du Mali.
Le Conseil national du Patronat du Mali, a souligné son président, a initié depuis quelques années la rentrée économique. Il a remercié le Président de la République pour avoir placé cette initiative au plus haut sommet de l’Etat. Le patron des patrons a aussi félicité le Premier ministre, ministre de l’Economie et des Finances, Dr Boubou Cissé. « La politique économique du Premier ministre cadre bien avec la vision économique du monde de l’entreprise », a-t-il déclaré.
Cependant le Président de la République et son Premier ministre n’ont pas d’équipe derrière eux, a regretté Mamadou Sinsin Coulibaly. En ligne de mire du Président de la CNPM, le ministre de l’Energie et le Directeur général de l’Energie du Mali. L’augmentation récente des tarifs d’électricité sans concertation a mis les entreprises dans une précarité totale, a-t-il déclaré. « Nous voulons que les partenaires techniques et financiers et la société civile se joignent à nous pour une libération du secteur énergétique. Il faut privatiser rapidement EDM-SA », a-t-il lancé en demandant l’application de la recommandation tarifaire de la CEDEAO de juillet 2010 pour rendre le Mali attractif et compétitif.
Suspension immédiate des contrôles des Inspecteurs des Impôts
Le deuxième goulot d’étranglement qui pèse sur les entreprises est les impôts. «Les impôts créent l’insécurité juridique et judiciaire dans nos entreprises. La productivité de nos entreprises baisse suite à l’intrusion des inspecteurs des impôts. Je demande la suspension immédiate de tous les contrôles abusifs en cours dans les entreprises. Cette situation est un harcèlement des opérations et favorise l’instrumentalisation de la corruption», a martelé le patron des patrons. Mamadou Sinsin Coulibaly exige que les inspecteurs généraux en charge des finances, des domaines, de l’hygiène et de la sécurité, les directeurs généraux des Douanes, des Impôts et du Trésor déclarent leurs biens sans délai à l’Office Central de lutte contre l’enrichissement illicite. «Chaque Inspecteur des impôts qui vient dans nos entreprises doit d’abord présenter son récépissé de déclaration de biens », a-t-il souhaité. Le Président du CNPM exige le paiement de tous les crédits TVA sans condition.
Il attaque avec virulence la classe politique. «Ce n’est pas la politique qui nourrit les Maliens. Ce n’est pas l’insécurité qui nourrit les Maliens», a lancé Mamadou Sinsin Coulibaly. A l’en croire la classe politique a échoué et va de reculade en reculade. « Elle a le dos au mur et ne peut plus avancer ni reculer, c’est la chute dans l’abîme. Tout d’un coup, on nous fait croire que c’est la faute des autres, des occidentaux, de la MINUSMA, des français, etc. maintenant il faut un dernier tour magique : les russes, les chinois… Personne ne viendra faire la gestion politique du Mali à votre place », a-t-il avisé. L’homme d’affaires appelle les politiciens à bien faire les choses. « Messieurs les politiciens, vous allez la faire et de la bonne manière sans intervention étrangère», a lancé Mamadou Sinsin Coulibaly.
Le patron des patrons fait une sortie musclée contre 15 généraux de l’Armée malienne qui sont devenus des entrepreneurs de premier ordre. Ces haut-gardés de l’Armée, a-t-il dit, sont au sommet des flux économiques de notre pays. «Retirez-vous des affaires ou déposez vos galons. Ça ne peut plus continuer. Vous êtes hélas, les tueurs de nos entreprises. Vous ne payez ni d’impôts ni taxes », a-t-il lancé. Ces généraux et la classe politique ont oublié que « la société malienne est fondée depuis des siècles sur la garantie universelle de quatre libertés à Kouroukanfouga : la liberté de parole et d’expression, la liberté de religion, la liberté de vivre à l’abri du besoin et la liberté de vivre à l’abri de la peur». Le président du CNPM pense que les généraux et les politiciens ont fait fi de toutes ces valeurs pour instaurer une République de privilège et de passe-droit. Il sollicite l’appui des partenaires techniques et financiers pour mettre fin à ces privilèges.
2020, une année de lutte contre la corruption des élites
Pour lui, l’avenir du Mali, c’est le partenariat public privé par le développement des corridors, le développement des espaces économiques manding et celui des infrastructures. « Il s’agit de laisser à nos enfants, nos héritiers un pays où il fait bon vivre ». Il a soumis à la réflexion deux sujets à savoir le renforcement du pouvoir de régulation des juges via le concept de juge souverain et l’étude de l’intérêt économique et social de l’instauration d’un régime minimum universel aux bénéfices des couches défavorisées en situation de précarité. « Pour nous, a reconnu le Président du CNPM, 2020 sera l’année de lutte contre la corruption des élites. Je vous promets cette année une lutte pour obtenir les réformes économiques nécessaires à l’épanouissement des entreprises », a-t-il conclu en présentant ses vœux à l’ensemble des invités.
Pour Moussa Alassane Diallo, 2ème vice-président du CNPM, l’administration publique ne croit pas en l’entreprise. Selon lui, les pouvoirs publics doivent penser à l’ouverture du secteur énergétique à la concurrence. Chaque inspecteur des impôts constitue le code général des impôts, a-t-il lancé. A l’en croire, il faut se féliciter d’avoir un Boubou Cissé à la Primature et au ministère de l’Economie et des Finances mais il faut plusieurs Boubou Cissé pour faire bouger les lignes. Moussa Alassane Diallo est persuadé que « rien ne sera donné à l’entreprise ». L’intervention de Pr Clément Dembélé était essentiellement axée sur la lutte contre la corruption.
La soirée a été agrémentée par un défilé de mode et une exposition des produits Made in Mali.
Chiaka Doumbia
Source: Le Challenger