Mamadou Lamine Siby est le président du Front Populaire Républicain (FRP), une formation politique du pays. Dans cette interview, il jette un regard sur la situation du pays, un an après la chute du régime du président Ibrahim Boubacar Kéïta. Il estime que les choses semblent prendre une bonne direction pour donner la certitude tant souhaitée par le peuple. Et que la “loge” qui contrôlait le vrai pouvoir sous IBK est aux abois et semble se préparer méthodiquement et discrètement pour faire échec au déroulement normal des choses. Lisez plutôt l’entretien.
Le Challenger : Le régime démocratiquement élu du président Ibrahim Boubacar Kéïta a été renversé le 18 août 2020, par un coup d’Etat. De cette date à nos jours, quel constat faites-vous de la situation du pays ?
Du 18 août 2020, date à laquelle le président Ibrahim Boubacar Keïta a été déposé par cette génération de Colombos réunis au sein du Comité National pour le Salut de Peuple (CNSP), il y a eu un temps où c’est le balayeur (le M5-RFP) qui a été balayé, caractérisé par des moments de désillusions et à la limite de grande déception.
Le CNSP, certainement sur conseils de gens de grands réseaux tapis dans l’ombre a récupéré la lutte du M5-RFP tout en retournant cette même lutte contre lui.
Nous avons donc passé un moment avec un gouvernement qui ne reflétait pas tout l’historique dynamique de changement envié par le peuple malien au travers du M5-RFP. Mais, comme vous le savez, il y a un adage qui dit que ‘’qui trahit sera trahi’’.
Ainsi, le CNSP lui-même a fini par comprendre finalement que ceux qui les avaient conseillés de trahir le M5-RFP, ne sont en fait que de bien malignes gens qui ne pensent qu’à détruire tout le monde pour maintenir l’establishment et pérenniser le système qui est le leur.
Ayant donc compris cela et en voulant sauver leurs têtes, les Colombos ont donc déposé Moctar Ouane et Bah N’Daou et se sont retournés vers ceux qui devaient être leurs alliés dès le départ, question de réalisme politique.
Et depuis, la “loge” qui contrôlait le vrai pouvoir sous IBK est aux abois et semble se préparer méthodiquement et discrètement pour faire échec au déroulement normal des choses, c’est-à-dire, une transition débouchant sur la rupture d’avec l’ordre ancien.
Pour me résumer sur cette question, je dirai que d’un temps plein d’incertitudes et de désespoir, nous nous sommes retrouvés dans un contexte où l’espoir semble renaître avec un Premier ministre aux penchants nationalistes et un jeune officier discret et apparemment patriote comme chef d’État.
Selon vous, au stade actuel de la situation du Mali, peut-on espérer le changement auquel le peuple aspire ?
Comme je le disais en conclusion sur la question précédente, l’espoir semble renaître parce qu’on semble comprendre que les solutions deviennent maliennes. Toute chose que nous demandions depuis longtemps.
Les politiques sont divisés entre prolongation de la transition et la tenue des élections à dates indiquées. Quelle proposition faites-vous ?
Vous savez en 2012, une grande pression a été exercée sur les autorités de la transition d’alors afin qu’elles organisent très rapidement les élections et permettre le retour à l’ordre constitutionnel. Elles s’y sont soumises et ce qui en est sorti est que nous avons repris les mêmes et nous avons continué pour nous arrêter encore le 18 août 2020.
Donc, au regard de la nature structurelle des crises que nous connaissons, il n’est pas conseillé de faire plaisir à un idéalisme ou hypocrisie, j’allais dire, que l’on sait contre-productive. Donnons-nous le temps de repenser le contrat social. D’autres l’ont fait à des moments critiques de leur histoire. Je ne citerai pas d’exemple, vous en savez assez.
Après une courte durée de la transition, le M5-RFP a fini par prendre la Primature. Quel commentaire faites-vous ?
Je l’ai dit supra, c’est de l’espoir parce que, c’est le M5 qui a créé la dynamique du changement, quoiqu’on dise. Donc nous n’avons plus qu’à espérer que l’esprit à l’origine demeure intact.
Selon vous, par où devrait commencer le changement espéré par le peuple ?
Il peut y avoir plusieurs bouts, mais ce qui est simple, c’est de montrer l’exemplarité sur tous les plans. Les responsables actuels en charge de la transition doivent être les plus irréprochables d’entre nous pour qu’on arrive à redonner confiance dans les institutions.
Tout commence là, et dès lors que les Maliennes et les Maliens reprendront confiance et espoir dans leur pays, croyez-moi, la nécessaire mobilisation autour du pays deviendra une réalité et le PAG pourrait au-delà d’un portage politique avoir l’accompagnement populaire.
Propos recueillis par Drissa Togola
Source : Le Challenger