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Le Pays : Le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) a parachevé la lutte patriotique du peuple malien portée par le M5-RFP. Ce travail a été fait sans effusion de sang. Quelle est votre analyse ?
Mamadou Hawa Gassama Diaby : Je dis bravo aux jeunes officiers. Je les salue. Ce sont de braves officiers. Réussir à parachever ce travail démontre leur intelligence, leur bravoure et ils doivent en être salués pour ça. Ce sont eux, les jeunes officiers qui ont sauvé le Mali alors qu’il y a plus de 100 généraux. Ils ont rendu au Mali tout son honneur et sa dignité. Ils doivent être félicités et accompagnés pour ce travail.
Pour une transition réussie, les concertations ont commencé depuis hier et prendront fin le 12 septembre. Avez-vous foi aux conclusions de ces concertations ?
Je salue le colonel Assimi Goita et ses éléments qui ont dit, devant tout le monde, qu’ils sont venus parachever le combat du M5-RFP. Mais avant le M5, nous les partisans de Soumaila Cissé, nous avons contesté le régime IBK. Nous avons été gazés ici. Lors des élections législatives dernières, le régime IBK a fait des nominations. Ce ne sont pas des élections et le peuple a dit non à cette mascarade. Dans ce combat, nous avons été gazés, des balles réelles ont été tirées sur les manifestants, 23 personnes ont été tuées et 150 blessés. Il n’y a pas eu de justice pour toutes ces victimes. Si les jeunes officiers qui sont venus parachever ce combat voulaient, ils pouvaient utiliser leurs armes et diriger la transition. Mais ils ont voulu impliquer tout le monde. Ils disent qu’ils veulent un nouveau Mali. Et un nouveau Mali se construit avec tout le monde. C’est dans ce cadre qu’entrent les concertations en cours. Même si, au début, ils ont commis des erreurs, les militaires se sont rattrapés. S’ils (les militaires) ont allié aujourd’hui, c’est bien le M5. S’ils doivent travailler avec un groupe, ça doit être le M5. La tenue des concertations est une bonne chose. Que tout le monde participe.
Pour vous, qui des militaires ou des civils doit diriger la transition ?
Je salue IBK pour nous avoir facilité la tâche en dissolvant l’Assemblée nationale et en démettant le Gouvernement. Si on dit qu’on va donner le pouvoir à un civil, il n’y aura pas d’entente aujourd’hui. Il y a 207 partis politiques et nul n’acceptera que l’autre camp dirige. Pour moi, il faut confier la transition aux militaires pour éviter que les politiques s’entretuent. Il n’y a pas de société civile, il n’y a pas de religieux : tout le monde est dans un parti politique au Mali. Une deuxième raison pour laquelle il faut confier la transition aux militaires est qu’ils nous ont montré une preuve en neutralisant plusieurs terroristes depuis leur arrivée à la tête du pays.
Une autre raison pour laquelle les militaires doivent diriger, c’est que ce sont eux qui peuvent ramener de l’ordre dans le pays parce qu’il y a trop de désordre actuellement.
Mais il faut que le poste de Premier ministre soit confié à civil. Pour le choix de ce Premier ministre, il faut que les militaires réfléchissent bien et choisir une personne consensuelle. Il faut également avoir un bon ministre de l’Intérieur, de la Défense, des Affaires étrangères, la justice et des Finances. Pour que les bailleurs aient confiance au Mali, il faut avoir un Malick Coulibaly à la justice. Au niveau des finances, il faut penser à Mamadou Igor Diarra. Il est le mieux placé. Daffé peut être le ministre du commerce. Parlant d’un bon premier ministre, pourquoi pas Younouss Touré ? Oumar Tatam Ly ?
Avec qui les militaires doivent travailler, selon vous ?
Je veux être le conseiller sans salaire des militaires. Il ne faut pas que les militaires écoutent tout le monde. Ils peuvent demander l’avis du chérif de Nioro, Mahmoud Dicko , Lassana Kané.
Je voulais profiter pour répondre à ceux qui disent d’écarter les anciens. Quand on écarte tous les anciens, que nous reste-t-il ? On peut écarter les anciens qui sont mauvais, mais on ne doit pas écarter tous les anciens. Je demande au M5-RFP de faciliter la tâche aux militaires. Le M5 a gagné le pari. Pour moi, il faut travailler avec tout le monde, même avec les soutiens d’IBK : le RPM, l’Adema. Il y a aussi de bonnes personnes dans ce groupe. Il faut de l’inclusivité. Je leur ai aussi demandé d’aller voir les anciens chefs d’État. On a besoin de tout le monde.
La durée de la transition doit être de combien de mois et d’année à votre avis ?
Je pense qu’on peut aller pour une année pour un début. Si tous les problèmes ne peuvent pas être résolus dans ce délai, on peut aller à 18 mois.
La saisine de la CEDEAO par les anciens députés, qu’en pensez-vous ?
J’ai appris que les ex-députés ont saisi la CEDEAO parce qu’ils ne sont pas d’accord de la dissolution de l’Assemblée nationale. Je veux leur dire que ce n’est pas IBK qui a dissout l’Assemblée, mais le peuple malien. Ce qu’ils doivent penser, ce n’est pas le discours qui compte, mais le décret que le président sortant a signé. Dieu a fait d’eux des députés de trois mois et ils doivent l’accepter.
A qui faut-il confier le pouvoir après la transition ?
Nous, à l’URD, notre victoire, c’est le retour de Soumaila Cissé. Nous ne voulons pas la transition. Nous, notre leader peut diriger le Mali. Il a l’intelligence, il a des relations. Nous, on veut aller et gagner dans les urnes.
Qu’en pensez-vous de l’ultimatum de la CEDEAO à la junte pour la mise en place de la transition ?
La CEDEAO a fauté. Cette institution née au Mali avait dit qu’elle était venue aider le Mali pour la sortie de crise. Nous sommes d’accord avec ça. Mais elle se dédit. La preuve : elle avait dit qu’un Président démocratiquement élu ne peut pas démissionner, mais ils ont fait démissionner ATT, un président démocratiquement élu aussi.
Je pense que la mise en place de la transition n’est pas le problème de la CEDEAO. Elle ne peut pas nous imposer un délai. Le choix du président de la transition n’engage que le peuple malien, ce n’est pas un problème de la CEDEAO. Les Maliens doivent décider et elle peut nous accompagner après. On ne savait pas que la CEDEAO était un club de soutien ou un club des amis. Elle devait être plus importante que tout ça. Il faut aussi dire qu’au-delà du Mali, tous les présidents qui ont modifié la constitution pour se représenter à un 3e mandat ont aussi fait un coup d’État. C’est le cas de la Cote d’Ivoire et de la Guinée Conakry.
Réalisée par Boureima Guindo
Source: Journal le Pays