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Mamadou Frankaly Keïta : « Nous sommes confiants»

la tête d’un département stratégique, il est régulièrement interpellé sur les délestages intempestifs et les coupures d’eau récurrentes constatées au mois d’avril.

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Mamadou Frankaly Keïta, qui occupe le portefeuille de L’Énergie et de l’Eau depuis septembre 2013, avec un interlude de 9 mois ou le secteur de l’eau avait changé de tutelle, est un ancien cadre d’EDM SA, la société publique au sein de laquelle il a fait l’essentiel de sa carrière. À la tête d’un département stratégique, il est régulièrement interpellé sur les délestages intempestifs et les coupures d’eau récurrentes constatées au mois d’avril.

[ b Votre département est au cœur de l’attention ces dernières semaines. La situation a-t-elle évolué depuis votre passage à l’Assemblée nationale ?]

[ Mamadou F. Kéïta]: Depuis le 21 avril dernier, la population pourra témoigner qu’il y a eu amélioration du service de l’électricité. J’avais annoncé lors de mon passage à l’Assemblée que nous étions en train de faire la mise en service de nouvelles centrales. La première est déjà faite et deux autres le seront la semaine prochaine. En ce qui concerne l’eau, l’opération citerne est en cours. C’est une activité qui est devenue traditionnelle, mais le niveau de déficit de cette année a atteint des proportions très inquiétantes. De ce fait et pour la première fois, cette opération a été élargie à la rive droite dans les quartiers de Sabalibougou et 1008 logements à Missabougou. Nous avons constaté que malheureusement certains forages n’ont plus d’eau, les puits dans les familles ont tari, ce qui fait qu’en si peu de temps, le besoin a été multiplié. Il faut donc dans l’immédiat soulager la population, parce que si nous considérons les prévisions, nous aurons encore deux mois et demi de canicule, jusqu’à ce que l’hivernage s’installe en juillet. L’État déploie de gros moyens avec l’opération citerne, qui coûtait jusqu’à lors en moyenne 400 à 600 millions de francs CFA. Cette année, il est prévu d’aller jusqu’à 900 millions, voire un milliard. Je peux donc affirmer que même s’il n’y a pas de véritable satisfaction, nous sommes confiants parce que nous avons les moyens aujourd’hui d’améliorer l’accès à l’eau potable et à l’électricité.

Comment se porte le secteur de l’eau au Mali ?
La problématique de l’accès de la population à l’eau potable et à l’électricité a toujours été au cœur des politiques et stratégies du Mali. Les gouvernements précédents depuis 2010 avaient adoptés un schéma directeur d’approvisionnement de la ville de Bamako en eau potable. Devant l’absence totale d’investissements, l’État a été obligé de procéder à une étude du schéma directeur sur l’horizon 2032. Mais les raisons de l’absence de financement sont connues. Il s’agit de la réforme du secteur de l’énergie qui avait été demandé par les bailleurs. Ces derniers rechignaient en effet à financer l’eau, car ces montants servaient à renflouer les comptes pour gérer le service de l’électricité. Cette réforme institutionnelle qui a eu lieu en 2010 a abouti dans un premier temps à la séparation du secteur de l’eau et de l’électricité et en second lieu à la création de deux sociétés : une société de patrimoine chargée du développement du secteur, la SOMAPEP, et une société chargée de l’exploitation et de la commercialisation de l’eau potable, la SOMAGEP. Depuis que cette réforme a été adoptée, les bailleurs de fonds ont à nouveau un grand engouement pour financer le secteur de l’eau.
C’est pourquoi de 2014 à la fin 2015, l’État a pu mobiliser un financement de 170 milliards de francs CFA, le plus gros jamais obtenu, pour financer la première phase du plan d’approvisionnement de la ville de Bamako. La seconde phase de 152 milliards a été signée avec déjà 62 milliards mobilisés. Aujourd’hui le Mali peut se considérer comme un pays où il y a de l’espoir, parce que son déficit en eau ne sera bientôt plus qu’un mauvais souvenir pour l’ensemble du peuple malien, car nous avons adopté des stratégies et des politiques qui permettront de mettre définitivement fin à cette pénurie récurrente.

Qu’en est-il de l’électricité ?
En ce qui concerne l’électricité, le taux d’accès en milieu urbain est de 35% pour 17% en milieu rural. Le Mali a donc un grand besoin d’électrification. Il y a eu beaucoup de plans qui n’ont pas pu être réalisés à cause du manque de financement. Le Mali a finalement décidé d’aller vers des réformes institutionnelles du secteur de l’électricité pour pouvoir bénéficier des financements à un taux concessionnel et faire face aux besoins d’investissements. En 2014, un plan de redressement a été adopté avec au menu des investissements notamment en matière d’ouvrages de production, des infrastructures comme des centrales hydroélectriques et des centrales solaires. Il prévoyait également l’amélioration de la gestion d’Énergie de Mali (EDM), avec, entres autres, le choix par la direction commerciale des compteurs à prépaiement (Isago, ndlr) qui permettent d’éviter les impayés et de conforter un peu la trésorerie. Nous avons aussi fait instaurer le field management parce que beaucoup de rumeurs ont fait état de vol de carburants à EDM. Désormais, la société ne paye que ce qu’elle a effectivement utilisé pour produire l’électricité. Enfin, nous avons imposé un moratoire sur les nouveaux tarifs. En 2013, une formule de tarif d’indexation avait été adoptée en Conseil des ministres, qui prévoyait une augmentation de 9% chaque année. Mais compte tenu de la situation économique du pays, le gouvernement a décidé de surseoir à l’application de cette formule. Il est cependant convenu avec les partenaires financiers d’un réaménagement progressif du système tarifaire.

Ces informations, le public ne les a pas. Ne péchez-vous pas par défaut de communication ?
C’est effectivement mon constat personnel. Nous avons une structure de communication au niveau du département comme chaque entité a la sienne propre, mais le reproche nous est fait de ne pas communiquer. Je l’ai compris quand je suis passé à l’Assemblée nationale parce que des élus de la Nation, ne disposaient pas de certaines informations ou ne les comprenaient pas. J’ai alors mesuré les nombreux efforts que nous devrons fournir pour communiquer. Nous communiquons à travers la presse écrite et les radios de proximité mais ce n’est pas suffisant. J’ai demandé récemment à EDM d’étudier le système de SMS pour informer les citoyens en cas de panne, qu’ils sachent à quoi c’est dû et quand aura lieu la reprise du service. Il faut que l’information soit donnée en temps réel.

Vous annoncez un certain nombre d’investissements, dont le bénéfice ne sera visible qu’après plusieurs mois, comme c’est le cas de Kabala. Mais en attendant ?
Bien entendu, l’État a pris des dispositions pour des mesures d’urgence. Il s’agit de l’installation de stations compactes qui sont des équipements qu’on peut installer en moins de neuf mois. Des requêtes ont été envoyées par le ministère de l’Économie et des Finances car nous avons aujourd’hui des partenaires qui sont prêts à les installer en un temps très court de manière à pouvoir coïncider avec la période chaude de 2017. Cette solution sera toujours accompagnée de l’opération citerne car le réseau SOMAGEP ne couvre pas l’ensemble du district de Bamako. Voilà les mesures que nous proposons d’ici 2018 pour diminuer le déficit en eau potable.

On parle essentiellement de Bamako. À l’intérieur du pays, qu’est-ce qui est prévu ?
Le périmètre de la SOMAGEP couvre 18 localités, des grandes agglomérations dans toutes les régions du pays. Un schéma directeur est en cours d’élaboration pour l’approvisionnement des localités hors de Bamako et il faut reconnaitre que les partenaires financiers nous soutiennent. Nous avons des financements danois, allemands et suédois qui participent beaucoup au développement de ces zones. Nous avons oublié de parler de l’électrification rurale. J’ai compris à mon passage à l’Assemblée nationale que la conception générale est que l’AMADER est un échec. Mais l’AMADER est une première expérience qui avait pour objectif d’augmenter le taux d’accès de la population rurale à l’électricité, et cela a marché ! Entre 2005 et 2012, on est passé de 1% à 17%, même si le service n’était pas accessible à tous. Aujourd’hui, le constat est que dans les zones rurales, le besoin est une énergie à faible coût avec un service continu. C’est pourquoi, avec la Banque mondiale, nous avons élaboré le projet de centrales hybrides avec utilisation du solaire dont le financement pour 50 localités est acquis. Les fournisseurs seront choisis sur appels d’offres à partir de juillet.

Les énergies renouvelables font-elles partie de la solution ?
Le Mali est en train de faire une vraie transition vers les énergies renouvelables notamment les panneaux solaires photovoltaïques. Nous avons conçu, et je crois que c’est une première dans la sous-région, un projet qu’on appelle « Prêt énergie renouvelable » ou les « toits solaires du Mali ». Une convention a été signée avec l’ensemble des banques de la place pour permettre à chaque Malien qui souhaite équiper son toit de panneaux solaires de pouvoir accéder à cette l’installation à partir d’un prêt accordé par sa banque, remboursable sur quatre ou cinq ans. Le projet est lancé et normalement les annonces seront faites d’ici fin juillet pour expliquer comment on peut s’inscrire. Cela a deux avantages : premièrement il permet aux bénéficiaires de réduire considérablement leur facture d’énergie, et ensuite, de pouvoir vendre le surplus à l’EDM.

Les deux entités, EDM et SOMAGEP appartiennent en partie à l’État. L’ouverture du marché ne serait-elle pas une solution aux problèmes ?
C’est déjà le cas au niveau de l’eau, et la même chose est en train de se faire au niveau de l’énergie car c’est à ce niveau qu’on manque sérieusement de financements. En deux ans, nous avons signé des conventions de concession pour la construction de la centrale solaire de Ségou, d’une centrale solaire à Kita et d’une centrale hydroélectrique à Kenié. Le dossier avance normalement mais pas comme nous le souhaitons, car l’absence des réformes du secteur fait que même les conventions signées tardent à se réaliser. Nous pensons aujourd’hui que l’ouverture du secteur de l’eau et de l’électricité est nécessaire. Mais je voudrais préciser que la production d’énergie a été ouverte en 2000 et qu’aujourd’hui, n’importe quelle entreprise privée a le droit de produire de l’électricité et de le vendre à EDM.

Par Célia d’ALMEIDA

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