Le Mali est un pays depuis longtemps malade d’une incurie générale ; ce qui place la Transition politique en cours face à un triple défi : stabiliser les fronts social et sécuritaire, engager les réformes pour la refondation de l’Etat et organiser des élections inclusives, transparentes, crédibles. Le tout, sous le contrôle vigilant de la communauté internationale et des forces socio-politiques internes. Mais de quoi le pays a-t-il vraiment besoin aujourd’hui ?
Sous l’emprise de politiciens froids et cyniques, le pouvoir s’est progressivement dilué au point que ce ne sont plus les résistants qui prennent le maquis comme à l’époque des partis uniques, mais bien le pouvoir lui-même qui semble dispersé, diffus, insaisissable aux yeux du citoyen qui n’y voit plus que mensonges et spéculations.
Pour raccorder le lien entre le pouvoir et les citoyens, il faut à tous les niveaux faire renaître la confiance et le sentiment d’appartenir à un ensemble intégré offrant pour chacun et pour tous, la possibilité de changer la vie, de se mettre au service des autres, de s’impliquer dans l’organisation de la cité. C’est pourquoi, le pays a besoin d’une véritable révolution sociologique impliquant que l’objectif soit décliné à tous les niveaux de l’échelle sociale et dans tous les rouages de l’Etat. La bataille à mener n’est pas celle du renouvellement de la classe politique par son rajeunissement, mais bien celle du changement qualitatif des hommes, afin d’intégrer durablement les valeurs d’une gouvernance vertueuse. La société malienne est pourtant riche d’idées, de projets et même d’engagements qui sont la matière première du lien social. Chacun connait dans son action quotidienne des engagements, des initiatives concrètes qui répondent à des problématiques simples, mais courantes. Nous savons la force particulière de ces initiatives construites avec pragmatisme par des gens convaincus et que notre société gagnerait à démultiplier. Mais comment avancer sans sortir des postures et de l’égoïsme, sans faire bouger les lignes de notre conception ?
Tenir un langage de vérité est perçu comme une offense et chacun voudrait tout simplement continuer à participer à la vie publique, à la gestion de l’Etat sans que jamais que soit évoquée sa responsabilité. Aucun parti ou homme politique, aucun groupe social n’a encore pris l’initiative d’une confession publique face au drame que vit le pays. Le constat qui s’impose à tous est que l’engagement politique est devenu une chose à repenser et à réinventer dans ce Mali qui n’était jamais tombé aussi bas. Il urge de sortir notre démocratie de l’ornière d’incompréhension dans laquelle des politiciens retors l’ont progressivement enfermée, jour après jour. Ceux-ci, dans leur appétit insatiable de conquête et de sa conservation du pouvoir d’Etat, ont bravé tous les interdits sociaux, sollicité et trahi les vivants, ressuscité des morts qui n’aspiraient qu’à un repos bien mérité, fait sans cesse des appels du pied à des leaders religieux lorsque cela les arrangeait sans penser à la laïcité de l’Etat, négocié et signé des accords qui hypothèquent aujourd’hui l’avenir du pays et de ses enfants. Les décisions publiques orientées à souhait, obéissent à des règles tellement complexes, empruntent des chemins tellement sinueux, qu’il n’est pas facile d’imaginer comment son propre engagement ou sa propre implication pourrait avoir une influence positive sur le cours des évènements. Les autorités actuelles de la Transition ont-elles vraiment conscience qu’il s’agit de libérer un pays pris en otage?
Pour l’heure, les fronts social et sécuritaire restent agités ; les réformes majeures sont toujours attendues et on se demande à quelle sauce pourraient bien être mangées les prochaines élections, tant les guerres de positionnement et autres passes d’armes font rage. Attention à la rechute !
Mahamadou Camara
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Source : INFO-MATIN