Comment une forme très française d’arrogance a permis à Vladimir Poutine d’instrumentaliser les Maliens pour servir ses intérêts géopolitiques.
Le ver était dans le fruit, mais personne n’avait voulu le voir. Réalisé quatre mois avant la chute d’Ibrahim Boubacar Keïta, en août 2020, un sondage Afrobarometer passé à l’époque presque inaperçu révélait à quel point les Maliens avaient pris leurs distances vis-à-vis du pouvoir en place, mais aussi perdu foi dans les vertus de la démocratie représentative.
Les seules institutions à trouver grâce à leurs yeux étaient les chefs traditionnels, les leaders religieux et par-dessus tout l’armée, alors que la présidence de la République, l’Assemblée nationale, la justice, les partis politiques et la Commission électorale indépendante se voyaient sanctionnés par un taux de confiance faible, si ce n’est dérisoire. Nul doute que ce sondage, s’il avait été réalisé en Guinée à la veille du renversement d’Alpha Condé ou au Burkina Faso quelques semaines avant celui de Roch Marc Christian Kaboré, aurait produit des résultats similaires. En 2014, dernière année au pouvoir de Blaise Compaoré, les trois-quarts des Burkinabè, selon Afrobarometer, se déclaraient hostiles à un régime militaire. Quatre ans et une élection libre plus tard, ils n’étaient plus que la moitié. Depuis le coup d’État du 23 janvier, ceux pour qui le retour des Prétoriens au pouvoir est une catastrophe démocratique sont assurément minoritaires à Ouagadougou – ainsi qu’à Bamako et à Conakry.