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Mali : quelle réalité du jihadisme dans le centre ?

Le Centre du Mali deviendrait-il un nouveau Nord? Depuis 2015, le GSIM (alliance jihadiste liée à Al Qaïda) tente une implantation via le Front de Libération du Massina. La diversité des groupes armés et l’opacité des exactions dans la zone rend la situation doublement explosive.

L’opération menée vendredi dernier contre le Front de Libération du Massina a mis en lumière la préoccupation croissante des autorités militaires (Fama et Minusma) pour la stabilité du Centre du pays.

On n’est pas ici dans une terre où les gens ont l’habitude de se battre: les gens ne vont pas comma ça à la guerre. Ils n’ont pas de motivation pour le recrutement. Et donc le nombre de personnes qui se battent auprès du Front de Libération du Massina n’est pas très élevé. On peut se demander à quoi servent toutes ces actions qui parlent des Peules et des autres communautés de la zone ? Je pense que c’est aussi pour faire vivre ce spectre d’Al Qaëda au Mali,,,        Alpha Oumar Ba-Konaré, chargé de cours à l’INALCO

Depuis sa première apparition en 2015, le groupe FLM menait la plupart de ses opération depuis la forêt de Ouagadou et était responsable de plusieurs attaques contre des militaires, mais aussi des meurtres de civils. Se présentant à la fois comme un libérateur des Peuls et comme un groupe jihadiste radical affilié à Al Qaïda, le Front de Libération du Massina est considéré comme le prolongement de la coalition jihadiste du GSIM (Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans) dans le Centre. Organe de propagande, ou véritable force stratégique : la stratégie jihadiste dans le centre est peut-être plus opportuniste que planifiée, mais la mort du leader-prédicateur Amadou Koufa et plusieurs têtes du groupe lors de l’attaque contre leur base y porte un coup sérieux.

La semaine dernière, sept combattants d’une autre katiba présente dans le centre, Al Mansour Ag Alkassim, avaient été tués avec leur chef dans une autre attaque française ciblée. Cette opération avait eu lieu 3 jours après une attaque suicide contre des démineurs travaillant pour la Minusma à Gao.

Avec ces deux groupes hors de combat ou affaiblis en quelques jours, les militaires semblent vouloir reprendre en main un situation qui échappe depuis le début de l’année : 500 tués, 40 % des actions violentes sont situées au Centre du Mali en 2018, selon un dernier rapport de la FIDH publié mercredi dernier.

On pourrait penser que, là en Afrique, Al Qaëda et l’État Islamique sont vraiment clivés mais la réalité est différente… il y a un fond de combattants et de radicalisation qui n’ont pas de base religieuse mais qui ont des bases sociales et économiques. A l’intérieur de ça, Al Qaëda sera toujours là en train de chercher la voie d’entrée possible. Mais c’est très différent avec le nord du Mali, où les groupes armés sont beaucoup plus structurés et où il y a beaucoup plus de combats : au centre du pays, il a vraiment un vide à remplir…     Doukoulogo Alpha Oumar Ba-Konaré, chargé de cours à l’INALCO

Cette zone du centre malien (entre Ségou – Tombouctou et Gao principalement) constitue le goulot stratégique entre Bamako et le Nord touareg ; il est aussi une des zones les plus diversement peuplées : populations peules, dogons, chasseurs traditionnel Dozos…

La situation est compliquée et les faux-semblants nombreux. Les peuls sur lesquels le Front de Libération du Massina a tenté de prendre appui sont de plus en plus souvent la cible d’exactions, accusant parfois l’armée malienne de cibler certains villages, parfois victimes avérées d’autres groupes armés.

Ces derniers mois, un groupe se présentant comme milice d’autodéfense peule, Dan Nan Ambassagou, a été tantôt accusé d’exactions contre les civils, et a lui-même accusé les FAMA de l’avoir attaqué récemment. Des villages à majorité dogons eux-même ont été plusieurs fois ciblés par des chasseurs Dozos, ou des hommes se faisant passer pour tels.

La circulation massive des armes, les crispations locales et les soupçons quant à la fiabilité des autorités, rendent difficile mais cruciale une pacification à court terme.

Pour tout un tas de raisons, les militaires maliens voient les Peuls comme des coupables. Dans cet environnement sahélien, les gens sont livrés à eux-mêmes. Et comme ces populations n’ont pas de tradition martiale, ils ne peuvent pas se constituer en groupes d’auto-défense…      Doukoulogo Alpha Oumar Ba-Konaré, Chargé de cours à l’INALCO

Dans le Nord, l’application de l’Accord d’Alger est toujours lente et lacunaire ; cependant le processus DDR qui a commencé le 6 novembre vient d’enregistrer ses premières démobilisations : 1500 combattants ont déposé les armes.

Stigmatisée, la communauté peule fait face à de nombreux défis. La terreur djihadiste crée une angoisse sociale chez les autres communautés dans les zones menacées, faisant des Peuls des boucs émissaires du fait de leurs prétendues affinités historiques avec l’islam radical.

Article de notre invité Dougoukolo Alpha Oumar Ba-Konaré

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