– Une année après le coup de force du 24 mai 2021, les experts dressent un bilan mitigé.
24 mai 2021 – 24 mai 2022, un an jour pour jour que le régime transitoire de Bah N’Daw, alors colonel à la retraite et président de la Transition, a été renversé par le colonel Assimi Goïta vice-président chargé de la Sécurité et de la Défense nationale, après le coup d’Etat d’août 2020 contre Ibrahim Boubacar Keita. Une année après ce coup de force, des experts et de la Coordination des associations et regroupements de la société (Carsoc) estiment que le bilan est mitigé.
– Blocage politique
Me Cheick Oumar Konaré, avocat et spécialiste des questions politiques, explique que « quand il y a eu le coup d’Etat d’abord en août 2020, Bah N’Daw a été installé au pouvoir essentiellement parce qu’on pensait qu’il était à la retraite et qu’il allait gouverner le pays dans le sens voulu lors du soulèvement populaire. Alors que Bah N’Daw a voulu rester sur le vélo sans vouloir pédaler. Et quand on fait ceci, on tombe ».
Konaré ajoute que l’ancien président de la Transition n’a pas voulu travailler avec les forces du changement. Bref il a voulu faire de l’IBKisme sans IBk (Ibrahim Boubacar Keita, NDLR). Ce qui a conduit au blocage politique du pays. Finalement, la tension a tellement enflé qu’il y a eu des discordances entre lui et les membres de la junte qui l’a installé ».
Jean François Marie Camara, enseignant chercheur à l’Université de sciences politiques et Juridiques de Bamako, explique pour sa part que « le Président Bah N’Daw après avoir effectué un voyage en Europe, notamment en France, a procédé à un remaniement ministériel en excluant deux pivots du coup d’Etat contre le régime d’Ibrahim Boubacar Keita à savoir le Colonel Modibo Koné qui occupait le ministère de la Sécurité et le Colonel Camara à la Défense ».
« Malheureusement, le nouveau gouvernement qu’il a mis en place n’a pas été représentatif ni des auteurs du coup d’Etat, encore moins de la classe politique et la société civile. Conséquence : renversement de régime. Le Colonel Assimi Goita s’autoproclame président de la transition, chef de l’Etat » poursuit la même source.
– Changement de stratégie
« Ce deuxième coup d’Etat a donné l’occasion à la junte militaire de se tourner vers le Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP). Depuis lors, un processus de changement a été entamé. Ce processus a conduit à la désignation du leader du soulèvement Choguel Kokalla Maiga comme Premier ministre », note Me Cheick Oumar Konaré ajoutant que « des actions ont été entamées, la principale action de changement c’est le changement de stratégie sécuritaire et diplomatique. Parce que les nouvelles autorités ont décidé que pour se sortir d’affaire en matière de sécurité, il fallait avoir recours à la Russie ».
Jean François Marie Camara, rétorque : « Le bilan de la réalisation des réformes entamée reste très mitigé parce que les questions fondamentales liées aux réformes pour lesquelles Bah N’Daw a été déposé n’ont pas été entamées ». Toutefois, il explique qu’« on ne peut jamais faire des réformes institutionnelles et politiques au Mali sans pour autant aller à la révision constitutionnelle parce que notre Constitution est rigide, on ne peut même pas modifier une virgule sans organiser un referendum ».
«Notre constat, c’est la vive précarité de la population. À ce niveau il n’y a pas de satisfaction. Là où nous sommes arrivés aujourd’hui, il nous faut des actions. Il faut sortir du slogan, des mouvements, des marches pour aller au travail » estime Adama Traoré Président de la Coordination des Associations et Regroupements de la Société Civile.
Et Traoré d’ajouter que « c’est l’écoute qui manque aux autorités. Il faut qu’elles se mettent à l’écoute des populations et faire face à la précarité ».
– Un prix à payer
Selon Cheick Oumar Konaré, « on ne peut pas avoir recours à la Russie dans le pré-carré français sans rompre avec la France. C’est cette rupture déchirante qui a eu pour effet le départ de l’Opération française Barkhane, la fermeture de RFI et de France 24, l’avènement des militaires russes au soutien des militaires maliens, l’expulsion de l’ambassadeur français au Mali ».
«La priorité qui a été donné à cette équipe-là, c’est de sécuriser le pays. A ce niveau, nous constatons quelques progrès », a, par ailleurs, souligné Adama Traoré.
Me Cheick Oumar Konaré indique, pour sa part, que « le processus de rectification de la transition nous a conduit aujourd’hui à une amélioration notable de la sécurité mais aussi à des difficultés d’ordre économique dues à l’embargo qui constitue une punition française contre le Mali ».
Et d’ajouter que « la deuxième attente c’était la bonne gouvernance. Aujourd’hui, il y a une meilleure gouvernance. Dans la mesure où rien que l’an passé, nous avons pu dégager 100 milliards de Franc CFA en économisant sur le train de vie de l’Etat. Nous avons pu engager des travaux de réparation de routes, les salaires ont été augmentés … ».
L’avocat estime que ” le gaspillage a diminué. Nous pensons qu’avec les reformes qui vont être mises en œuvre suite aux Assises nationales, le processus électoral aussi sera meilleur (…) Avec la montée en puissance de l’armée, le pays sera en meilleure position pour renégocier l’Accord d’Ager qui constitue une plaie au pied de l’ensemble national”.
Que faire pour que les choses aillent mieux ? Adama Traoré affirme qu’il ne faut « discuter avec personne. Nous n’avons à soumettre de chronogramme à personne”. Jean Marie François Camara, lui, conclut : ” Nous devons prendre notre destin en main, assumer les difficultés qui découlent de notre choix souverain en matière de sécurité et de diplomatie ».
* Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas forcément la ligne éditoriale de l’Agence Anadolu.
AA/Bamako/ Amarana Maiga
Source: AA.Com