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Mali : que faut-il attendre des négociations avec les groupes « djihadistes » ?

Les plus hautes autorités maliennes ont, enfin, officiellement décidé de prendre langue avec les « djihadistes » dits maliens. Le blogueur Mohamed Ag Assory, analyse politique et spécialiste des relations internationales, explique en quelques points la forme que pourront prendre les négociations.

 

Il est important de souligner qu’il y a eu des prises de contact et des échanges indirects, ou encore des négociations ponctuelles entre les autorités maliennes et les groupes armés « djihadistes », notamment dans le cadre de la libération d’otages. Il y a également eu plusieurs arrangements menés par des notabilités au niveau local.

Les groupes « djihadistes » n’ont, à ma connaissance, jamais rejeté catégoriquement le dialogue, même s’ils n’ont jusque-là privilégié que la violence. De son côté, l’État malien, malgré les appels pressants de la société civile et de certains acteurs politiques, a rarement eu une position officielle tranchée. La dégradation de la situation sécuritaire a sûrement insufflé une nouvelle dynamique.

Aussi, la France, bien que toujours officiellement hostile à toute négociation avec les groupes « djihadistes » parmi les partenaires du Mali, semble-t-elle également avoir revu sa position depuis le sommet de Pau. De même, Il est inconcevable que les Maliens puissent faire cavaliers seuls, sans un acquiescement officieux de Paris ou encore des pays du G5 Sahel.

Comment se tiendront les négociations ?

A cet stade, les négociations se tiendront par le biais d’émissaires interposés des deux camps. C’est un peu différent des discussions entre le gouvernement et les groupes armés rebelles, qui sont de type classique. Du moins pour l’instant… Il y aura certainement de nombreux va-et-vient entre le Macina et les recoins de l’Adrar ainsi que des rencontres à la belle étoile, loin des caméras. Au regard de la complexité des mécanismes de représentativité des mandataires et ceux des prises de décisions, il faut s’attendre à un long processus qui pourrait prendre plusieurs mois voire des années. Mais une autre question se pose : celle de la facilitation des négociations.

Qui va faciliter les négociations ?

L’Algérie, notre éternelle amie, pourrait aider une fois de plus, non seulement dans les négociations mais aussi par son expérience de la mise en œuvre de la loi de « concorde civile ». Le Qatar, qui facilite actuellement les pourparlers entre Américains et Talibans, pourrait également faire partie du pool des facilitateurs. Atout non négligeable, l’Émir du Qatar s’est attaché les services de l’incontournable Moustapha Ould Limam Chafi. Ce Mauritanien, ancien conseiller spécial de Blaise Compaoré, est un fin connaisseur de la galaxie terroriste du Sahel. Il officie désormais au Qatar et pourrait mettre à contribution ses riches carnets d’adresse et sa connaissance du dossier.

Enfin, les autorités pourront compter sur une multitude d’acteurs locaux tels que Me Hassan Barry, l’imam Mahmoud Dicko, pour établir des ponts avec Iyad Ag Ghaly à travers son « lieutenant », Hamadoun Kouffa. Ce dernier a laissé entendre, par le passé, que seul Iyad Ag Ghaly avait le plein pouvoir d’initiative concernant les négociations.

Que faut-il négocier ? 

De façon condensée, les revendications des groupes « djihadistes » se résument au départ des forces internationales et à l’instauration de la loi islamique (la Charia). Si la première peut être raisonnable, la seconde paraît très difficile à mettre en œuvre de façon générale. Jusqu’à preuve du contraire, la laïcité demeure un principe sacro-saint de la République du Mali.

Toutefois, des aménagements demeurent possibles avec la volonté des parties prenantes. Il pourrait s’agir, par exemple, d’introduire un deuxième système judiciaire inspiré de la loi islamique aux côtés de celui en vigueur. Une petite partie de l’opinion publique nationale a été, un temps, très favorable à l’introduction de la charia pour pallier le déficit ou l’inefficacité de la justice classique.

Concrètement, un éventuel modèle basé sur celui du Nigeria, avec des régions appliquant la charia, pourrait être adapté au cas malien. Dans ce cas, des régions seraient régies par la charia, et d’autres pas. Tout ceci reste une hypothèse, mais tend à démontrer qu’un terrain d’entente pourrait être trouvé à la longue.

L’autre offre, qui pourrait être alléchante, est l’amnistie et la protection contre toute extradition ou poursuite internationale des principaux chefs « djihadistes » maliens. Un asile politique pourrait être accordé à ces derniers dans un pays tiers ( Algérie, Qatar, Arabie Saoudite) en attendant le retour au calme et le retrait définitif des forces internationales ainsi que la mise en œuvre d’un plan de réinsertion.

Tout cela est-il réaliste ?

Compte tenu de l’évidente particularité, les groupes terroristes ne pourront être intégrés dans le processus de paix. Un deuxième processus, parallèle mais complémentaire qui misera sur le DDDRI ( Désarmement, Démobilisation, « Deradicalisation » et Insertion ), pourrait voir le jour.

L’échec relatif de la réponse militaire au Sahel pousse à explorer d’autres voies. Ce n’est plus une option mais un impératif. Les partenaires internationaux s’y sont indubitablement résolus et les autres pays du Sahel ne voient plus cela d’un mauvais œil. Les leaders locaux des groupes « djihadistes », conscients également que leur projet est difficilement réalisable, sont obligés de revoir à la baisse leurs ambitions. Tout est propice pour aller à la table. Mais, pour quels résultats ? Le plus immédiat serait l’obtention d’un moratoire sur les hostilités afin de préserver des vies.

Source : Benbere

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