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Mali, Niger et Burkina Faso, nouveaux valets de l’Orient

À Niamey, les trois dirigeants de la nouvelle Confédération des États du Sahel ont expliqué les tenants et les aboutissants de leur accord conclu sous la forme d’un traité. Le colonel Goïta a loué l’association originale, gage, selon lui, d’une sécurité recouvrée. Le général Tiani et le capitaine Traoré, eux, ont tenu discours offensif contre la Cédéao et l’Occident (I) mais qui ne masque pas le manque de logique de leur politique : la soumission aux puissances orientales (II).

  1. Deux discours offensifs

 

Recevant ses homologues dans la capitale nigérienne, le général Tiani a pris la parole avant les Présidents malien et burkinabè. « Volonté commune » de reconquérir la « souveraineté nationale » et d’obtenir la « réhabilitation » de la dignité perdue : telle a été la motivation principale développée par l’homme fort du Niger quant à la création de la Confédération tripartite. L’ancien chef de la garde présidentielle a dénoncé l’ « agression armée projetée par Cédéao » à la suite de la mise à l’écart de Mohamed Bazoum, mais annihilée grâce à l’AES. Il a aussi critiqué le « déficit d’implication » de l’organisation régionale en matière de terrorisme. La charge, partiellement fondée – reconnaissons-le – a pris fin avec l’énumération des objectifs visés, une fois quelques satisfecit émis (sur le sujet diplomatique surtout) : les putschistes entendent assurer la « sécurité alimentaire » à leurs peuples et veulent industrialiser leurs pays, construire des routes… Pour cela, « adopter une armature juridique et institutionnelle permettant de donner corps et identité à la confédération » serait nécessaire, d’autant plus, comme l’affirme le Président Tiani, que Maliens, Nigériens et Burkinabés « ont irrévocablement tourné le dos à la Cédéao », parce que cette organisation « factice » les opprimerait, à cause de la « mainmise des puissances étrangères », dont les valeurs diffèreraient des « valeurs africaines » fondant la Confédération des États du Sahel… Quelles valeurs ? L’officier nigérien n’en a rien dit, pas plus qu’Ibrahim Traoré, dont le discours a été plus virulent.

Occident, bouc-émissaire. Ainsi pourrait-on en effet résumer l’exposé du capitaine burkinabè : après les fermes reproches de son comparse nigérien à la Cédéao, le chef de la junte, qui tient le palais de Kosyam depuis septembre 2022, a réprimé l’Occident dans une éloquente diatribe appréciée par le public présent. On a ainsi pu entendre des accusations déjà portées contre la France et qui rappellent l’agressive répartie de Choguel Maïga, l’inélégance et les approximations en plus. Flattant les peuples du Sahel, peuples de « frères » et de « sœurs », victimes de l’ingratitude d’États occidentaux qu’ils ont pourtant aidés à « se débarrasser du nazisme », le président du Burkina Faso a fustigé les « impérialistes », qui « n’ont qu’un seul cliché en tête : l’Afrique est l’empire des esclaves », car « pour eux, les Africains leur appartiennent », comme leurs terres et leurs sous-sols. Après les « simulacres » d’indépendances, ils auraient placé des « valets locaux » à la tête de leurs « sous-préfectures », ces « esclaves de salon » étant responsables, selon lui, de la pauvreté des pays de la nouvelle alliance régionale, car ils chercheraient à satisfaire leur « maître » et à s’enrichir avec lui. Et l’habile discoureur d’ajouter : « Nous avons demandé à ces maîtres de quitter les lieux, mais pourquoi ne veulent-ils pas partir ? »

Mais, alors, une question cependant se pose : pourquoi accepter l’installation de nouveaux maîtres ?

  1. La soumission aux puissances orientales

 

Si les dirigeants de la Confédération font de la France les responsables de leurs maux, qu’ils reconnaissent le départ son armée et la source actuelle des problèmes très graves, catastrophiques, des États du Sahel ; les soldats français ont en effet quitté le Mali en août 2022, le Burkina Faso en février 2023 et le Niger en décembre de la même année ; les États-Unis, quant à eux, auront laissé leur base nigérienne à la fin 2024. De plus, leur attribuer les causes de l’insécurité et de l’impuissance à éliminer le terrorisme, c’est négliger l’instabilité politique provenant des désirs des militaires de prendre le pouvoir. Le capitaine Traoré a renversé le lieutenant-colonel Damiba, son ancien allié, avec lequel il avait fomenté un coup d’État, en janvier 2022, contre le Président Kaboré, et si le général Tiani a renversé le Président Bazoum, c’est pour se venger d’une réorganisation de l’armée qui ne lui convenait pas. Ces départs ont aussi eu lieu suivant des accords conclus entre les dictateurs des trois pays et leurs nouveaux alliés à visée impérialiste : la Chine et la Turquie.

De nombreux journaux, comme le Monde, ont rapporté que le Niger devrait bientôt pouvoir compter sur l’aide de la Turquie – déjà, en janvier 2024, l’armée nigérienne a réceptionné des drones Bayraktar – : les liens renforcés entre les deux pays concerneraient aussi la santé et l’éducation, mais aussi le pétrole. Comme l’indique Radio France internationale, en mai 2024, au Mali, la junte a autorisé la Chine à exploiter une mine de lithium. Un tel accord ne devrait-il pas inquiéter le Président Goïta ? Le pouvoir de Xi Jinping n’est pas réputé, en effet, pour son humanisme : en 2020, le Sri Lanka a dû laisser aux Chinois la propriété du port de Colombo, la capitale, quand le pays n’a plus été capable de rembourser le prêt que le gouvernement avait contracté avec eux. Le risque est grand, si la junte continue de céder aux avances de l’Empire du Milieu, que son économie se trouve, comme celle de la République démocratique du Congo, « en situation de dépendance structurelle », comme l’affirme la Direction du Trésor dans un article publié le 20 mars 2019. Un rapport d’étude du Consortium pour la recherche économique en Afrique s’interrogeait sur ce sujet en 2008 : « L’offensive chinoise est destinée à renforcer son influence diplomatique en Afrique pour asseoir son statut de superpuissance (les Africains représentent plus du tiers des effectifs de l’ONU). » Alors, on peut se demander qui sont les nouveaux « valets de salon » du capitaine Traoré et s’ils ne sont pas non plus les dindons de la farce.

La Cédéao n’a pas renoncé à faire revenir le Mali, le Niger et le Burkina Faso en son sein : elle a nommé le nouveau président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, « facilitateur avec l’Alliance des États du Sahel ». La démarche semble toutefois vaine. En opposant les « valeurs africaines » aux valeurs occidentales, les juntes annoncent se durcir davantage et suivre les principes de Pékin et d’Ankara comme les emprisonnements arbitraires. Au Sahel, indépendance et souveraineté sont loin d’être atteintes.

Balla CISSÉ, docteur en droit public

Avocat au Barreau de Paris 

Diplômé en Administration électorale

La Sirène
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