Après plusieurs mois de silence, l’Imam politicien, Mahmoud Dicko, refait surface. Dans une interview accordée à nos confrères de France 24 la semaine dernière, il charge les autorités de la transition qu’il soutenait il y a juste quatre mois. Cela, une semaine après la publication d’un manifeste dans lequel, il s’est exprimé en homme politique. Voici des extraits de ladite interview !
« Le Mali est effectivement dans une situation qui n’est pas tellement enviable, souhaitable. Même si on n’est pas dans le gouffre, je pense que pour quelqu’un qui est un observateur avisé, nous devons vraiment faire en sorte que la situation ne puisse pas perdurer de la même manière. C’est pour cela que j’ai publié ce manifeste pour en faire vraiment un appel à l’endroit d’abord de mes concitoyens pour qu’on puisse se mettre tous ensemble. Parce que c’est seulement unis, qu’on peut vraiment relever les défis qui sont devant le peuple malien. Dans peu de temps, peut-être que la communauté internationale va dire d’aller à des élections. Nous allons à des élections pendant que le tissu social est complètement abîmé, les forces politiques sont dispersées. Je crois réellement que la situation mérite qu’on se mette ensemble pour voir ce qu’on peut faire avant les futures élections »,souligne l’Imam
Parlant de la situation actuelle du pays, Mahmoud Dicko laisse entendre : « C’est la situation qui peut nous emmener dans l’impasse. Parce que le coup d’État devait être une occasion de sceller une certaine réconciliation entre l’armée et le peuple malien. Malheureusement, il faut le constater avec beaucoup de difficultés, tout ce qu’il y a eu comme haut et bas dans cette situation a fait en sorte qu’il y a encore des méfiances de part et d’autre entre cette armée qui est une armée républicaine et une grande partie de la classe politique malienne. Nous devons, aujourd’hui, restaurer cette confiance. On ne peut faire une refondation de notre pays si on ne refonde pas cette situation. Ça va commencer d’abord par la refondation de notre armée, la moralisation de notre armée, et la réconciliation entre l’armée et le peuple ; la restauration de la confiance entre l’armée et son peuple. C’est à partir de cela que nous pouvons ensemble bâtir quelque chose qui va être salutaire pour l’avenir du Mali. »
S’agissant de l’organisation des échéances électorales, l’Imam souligne : « Je ne parle pas de calendrier, je parle des conditions dans lesquelles nous allons arriver à ces calendriers. Ce sont ces conditions qu’il faut changer, pas le calendrier. Je pense que si on va à des élections dans cette situation, dans ce contexte, ça va être difficile. Et ça, je le maintiens. »
La République en péril…
En ce qui concerne le dialogue avec des leaders comme Amadou Koufa et Iyad Ag Ghali, Mahmoud Dicko se montre clair : « Je ne sais pas ce que la France dit, ou ce que la France souhaite. La France est un pays souverain, je respecte son opinion. Mais, je pense qu’au Mali ici, nous sommes dans une situation où le bon sens oblige à chercher une solution, si on ne peut pas, par le bout des armes, arriver vraiment à bout de ces gens-là. Ceux qui nous aident aujourd’hui sont dans l’impasse. Qu’est-ce qu’il faut faire ? On n’arrive pas à les vaincre militairement, on ne parle pas avec eux, on ne discute pas avec eux. Alors, comment on peut accepter d’installer le pays dans une guerre infinie. Le bon sens ne peut pas accepter ça. Il faut qu’à un moment donné le peuple se mette ensemble pour dire, mais qu’est-ce qu’on veut ? Vous ne pouvez pas nous demander de ne pas parler avec des gens alors que militairement on n’arrive pas à venir à bout de ces gens. Ceux qui nous aident n’y arrivent pas. Et vous ne voulez pas qu’on parle avec eux. Ça veut dire qu’on va rester dans une guerre infinie. Un peuple avec tous les défis qui nous assaillent, avec tous les problèmes que connaît le Mali aujourd’hui, si on doit s’installer dans une guerre infinie, alors là, c’est la République qui est en péril. »
Pas d’agenda caché !
A la question de savoir s’il a actuellement un agenda caché, l’Imam répond : «C’est cette affaire d’agenda caché qui hante tout le monde. Je n’ai pas d’agenda caché. Je le dis, je n’ai pas d’ambition personnelle. Ce qui me préoccupe aujourd’hui, c’est le sort de mon peuple, de mon pays. De ces milliers de personnes qui vivent la misère noire, qui sont dans des situations difficiles de précarité qu’on ne peut pas expliquer aujourd’hui. Il y a des milliers de personnes qui n’ont pas d’école, qui n’ont pas de centre de santé, qui n’ont pas d’eau potable. Mais, quel agenda cherche-t-on quand on a un peuple comme ça, et qu’on n’arrive pas à trouver une solution. Quel est l’agenda que moi je vais cacher, pourquoi cacher un agenda si je l’ai ? Je suis un citoyen libre de ce pays. Si j’ai un agenda, je n’ai pas besoin de le cacher. »
Ismaël Traoré
Source : Ziré