Ces premières mesures prises par le Conseil de sécurité font suite à un rapport d’août 2018 qui accusait des signataires de l’accord de retarder sa mise en œuvre.
Après le temps des menaces, celui des sanctions. Le Conseil de sécurité de l’ONU a désigné, jeudi 20 décembre, à l’unanimité de ses quinze membres, trois Maliens accusés d’entraver le processus de paix dans le nord du pays.
Le Conseil s’était doté en 2017 d’un régime général de sanctions ouvrant la voie à des désignations. Les diplomates avaient alors fait valoir leur « impatience » face aux retards pris dans l’application de l’accord de paix signé en 2015, pour mettre fin au conflit dans le nord du Mali, et jamais appliqué depuis. Ils avaient brandi le spectre de sanctions pour les trois parties signataires : la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), la Plateforme (groupes armés progouvernementaux) et l’Etat malien.
Paris a finalement choisi une approche « progressive » et « équilibrée » selon un diplomate, en décidant de sanctionner d’une simple interdiction de voyager des membres de groupes armés qualifiés « de responsables intermédiaires ». Une méthode qui doit ménager les principaux acteurs « pour ne pas fragiliser l’accord de paix », tout en envoyant le message que les sanctions « ne sont pas que des menaces ».
Trafic de drogue
Les trois individus sanctionnés – avec effet immédiat – avaient été identifiés dès le mois d’août 2018 par les experts du comité des sanctions de l’ONU. Leur profil donne une idée claire des acteurs qui gravitent dans le nord du Mali et qui nuisent à la mise en œuvre de l’accord pour satisfaire des intérêts particuliers.
Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune appartient à la Coalition pour le peuple de l’Azawad. Il est accusé d’entretenir des liens avec le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) dans la région de Tombouctou et de Gao. Ce groupe a mené des attaques meurtrières contre des camps militaires des forces de sécurité maliennes.
L’ONU sanctionne aussi Ahmoudou Ag Asriw, membre du Gatia, un groupe progouvernemental. Les experts onusiens l’accusent d’être engagé depuis 2016 dans la sécurisation de convois transportant de la résine de cannabis. Ce trafic de drogue lui permettrait ensuite de financer des attaques contre les forces maliennes.
Travail forcé, exploitation sexuelle
Le troisième homme est un nom connu dans la région de Kidal. Souvent présenté sous les traits d’un « homme d’affaires » influent, Mahamadou Ag Rhissa est membre du HCUA (Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad) issu de la rébellion. Il serait à la tête d’un réseau de contrebande de pétrole entre le sud de l’Algérie et la ville de Kidal. Il participerait aussi au trafic de migrants et est accusé de travail forcé, exploitation sexuelle et punitions corporelles.
A travers ces sanctions, les diplomates veulent condamner « les abus des droits de l’homme et les activités terroristes » qui nuisent à l’accord de paix. L’interdiction de voyager aura « des conséquences », estime un expert, qui souligne « les voyages fréquents au sein du Sahel et les Touareg qui vont se faire soigner en Afrique du Nord ». Cette approche graduelle des sanctions – qui pourrait potentiellement conduire par la suite à un gel des avoirs – doit permettre de faire monter la pression.
Car, au-delà de ces trois noms, une source diplomatique estime qu’il s’agit « d’une première étape » et n’exclut pas « d’étoffer » la liste des sanctionnés à des niveaux de responsabilités supérieurs si aucune accélération de mise en œuvre de l’accord n’est enregistrée prochainement.Marie Bourreau (New York, Nations unies, correspondante)
Source: www.lemonde.fr