« IBK » rempile. Le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, 73 ans, élu en 2013 pour un mandat de cinq ans, a été investi le 6 mai dernier candidat à l’élection présidentielle, qui se tiendra le 29 juillet prochain. Devant 3 000 de ses supporters, le chef de l’Etat a déclaré être « prêt à resservir ce pays de toutes (ses) forces ». Des forces, il va en effet en avoir besoin, tant son bilan est contesté par l’opposition. Opposition qui a lancé, le 29 avril, une coalition rassemblant une soixantaine de partis politiques et associations « pour l’alternance et le changement » afin de « mettre fin à l’immense gâchis qu’a été le quinquennat finissant ».
Un bilan marqué par d’innombrables scandales
Un immense gâchis : c’est bien ce à quoi ressemble le bilan de celui que les Maliens surnomment IBK. Magouilles diverses et variées, détournements de deniers publics, surfacturations : les scandales financiers ont égrené le mandat du président sortant. Tout en restant largement impunis, contrairement aux promesses du candidat IBK, qui lors de sa précédente campagne avait juré de mener une lutte féroce contre la corruption et la délinquance financière.
Le scandale le plus symptomatique du mandat d’Ibrahim Boubacar Keïta est, sans doute, celui lié à l’achat d’un nouvel avion présidentiel. Un Boeing 737 payé 20 milliards de francs CFA, acquis à la suite d’un montage financier opaque et mafieux, mêlant sociétés-écrans et intermédiaires sulfureux. Et ce alors que le Mali disposait déjà d’un avion présidentiel. Le FMI et la Banque mondiale ont estimé que l’achat de ce nouvel avion avait donné lieu à des surfacturations comprises entre 29 et 38 milliards de francs CFA.
La liste des scandales financiers entachant le mandat d’IBK est sans fin : violation des règles de marché public en faveur d’un proche de la famille présidentielle ; surfacturation d’équipements militaires ; opérations douteuses d’achat d’engrais et de tracteurs pour les agriculteurs maliens ; attribution de logements sociaux selon des critères politiques ; augmentation alarmante de la corruption et de la délinquance économique et financière, qui ont conduit à un manque à gagner de plus de 150 milliards de francs CFA pour les caisses de l’Etat en moins de deux ans ; etc. Le tout, sur fond d’explosion de la pauvreté, de chômage des jeunes et de mécontentement croissant de la population.
Soumaïla Cissé, le candidat de « l’espoir »
Pour tirer un trait sur la présidence d’IBK, de plus en plus de Maliens rejoignent l’Union pour la République et la démocratie (URD) et son charismatique leader, Soumaïla Cissé. Le chef de file de l’opposition malienne, affectueusement surnommé « Soumi Champion » par ses partisans, rassemble nombre de ses compatriotes, excédés par la désastreuse gestion du président sortant. Signe d’un besoin de renouvellement, il est aussi rejoint par de nombreuses formations politiques ayant précédemment fait allégeance à la majorité présidentielle d’IBK.
L’Alliance des démocrates rénovateurs (ARD), composée de 18 partis politiques et de près de 300 élus municipaux, a ainsi officiellement sollicité la candidature de Soumaïla Cissé. Ironie du sort, ces partis politiques étaient, tous, précédemment membres de la Convention de la majorité présidentielle (CMP). Pour le premier vice-président de l’ARD, Almoubarek Ag Oumar, ce ralliement a pour « objectif premier de sauver la nation Mali ». Et de dénoncer le manque de cohésion, la mauvaise gouvernance et l’absence de vision d’IBK.
« La majorité actuelle n’a jamais eu de solutions pour le Mali. (…) Le leadership de (l’opposition), Soumaïla Cissé, se montre à chaque moment dans chaque action, prouvant son patriotisme et son engagement total pour rehausser l’image du Mali. La patience de Soumaïla Cissé, son pouvoir de rassemblement (…) et sa clairvoyance nous ont amené en toute liberté et sincérité à demander sa candidature aux élections présidentielles de 2018 », explique-t-on à l’ARD.
Il est vrai que « Soumi » ne manque pas d’atouts. Pour Almoubarek Ag Oumar, Cissé « a modernisé l’opposition malienne. (…) L’opposition a organisé des marches sans troubles à l’ordre public », comme cela s’était produit au milieu des années 1990. A la tête de l’URD, « Soumi » a également fait de sa formation politique la première force d’opposition du pays. Enfin, à 66 ans, le député de Niafunké, sa ville natale, affiche un CV qui appuie ses ambitions : carrière débutée en France, président de la Commission de l’Union monétaire Ouest Africaine, ministre des Finances (1993-2000) puis de l’Equipement (2000-2002), jamais son nom n’a été attaché au moindre soupçon de scandale financier. Un respect du bien public qui contraste avec la réputation d’IBK et renforce encore sa crédibilité en tant que challenger pour les prochaines élections.
Source: mediapart