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Mali: l’armée française cherche à empêcher la “résurgence” des groupes armées

Neuf mois après le lancement de l’opération Serval, les soldats français traquent les djihadistes au nord-est du Mali.

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Plantées dans la terre orangée du nord du Mali, des centaines de tentes couleur sable sont alignées tel un camp romain. La plupart ne sont pas climatisées, alors que la température frôle les 40 degrés. L’installation se veut nomade, à l’opposé des Forward operation base (FOB) en Kapissa afghane, ces bases avancées entourées de fortifications. Une manière de montrer que la force Serval ne s’isole pas, bien à l’abri derrière ses enceintes, à la sortie de Gao, au bord du fleuve Niger, dans le nord-est du pays.

Ce matin d’octobre, la situation est calme dans le centre ville. Des blindés légers du 1er régiment de hussards parachutistes longent la place de la Révolution, anciennement place de la Charia. Avant la libération de la ville par les soldats français, en janvier 2011, les djihadistes y multipliaient les démonstrations humiliantes et sanguinaires. A deux pas, le palais de justice, criblé de balles, est en ruine. Comme tous les jours, les militaires doivent collecter du “renseignement d’ambiance” en discutant avec les habitants.

Il est 7h30 et la chaleur est déjà écrasante. Lorsqu’ils mettent le pied au sol, les soldats troquent leurs casques lourds pour le béret, mais ils conservent leur gilet pare-balles – le journaliste qui les accompagne doit faire de même. Malgré les gestes de la main des enfants, les sourires des femmes et les mercis des passants, ils craignent un “rezou” des hommes des sables, une attaque subite et concentrée, ou pire, un ” suicide bomber ” – un kamikaze. Les Français savent que des djihadistes sont revenus en ville et qu’ils observent leurs mouvements. “Notre meilleur rempart, c’est la population qui nous parle. Elle repère aussitôt celui qui n’est pas d’ici”, affirme le lieutenant Guillaume, qui dirige la patrouille. A la différence des Afghans, la majorité des Maliens sont favorables au déploiement militaire et souhaitent, pour l’instant, que les soldats restent. “Attention à l’excès de confiance, avertit toutefois un officier. On peut toujours se faire surprendre.”

La présence de militaires armés et bien équipés rassurent les habitants. Croisé au coin d’une rue, un petit vendeur ambulant, Al Hader, désigne du doigt la place de la Révolution. “Là, les islamistes coupaient les mains des gens, raconte-t-il encore effrayé. Je crains qu’ils ne reviennent si les soldats s’en vont.” Pendant que l’officier discute avec lui, ses hommes, sur leurs gardes, se positionnent à la ronde. Al Hader confirme que la célébration de l’Aïd el-Kébir – nommée ici Tabaski – s’est bien déroulée. Aucune anicroche n’a terni cette fête importante pour les musulmans, malgré les menaces des islamistes du Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest). Pour l’heure, c’est l’information principale. Ces trois journées représentaient un test avant les élections législatives des 24 novembre et 15 décembre, qui risquent de se dérouler sous tension. “Si Serval et l’armée malienne se donnent la main, il ne va rien nous arriver”, se rassure Youmoussa, un vendeur de pièces détachées.

Des missions comme celle-ci, les militaires en mènent entre quatre et sept par jour, et aussi la nuit, dans Gao et sa périphérie, à la recherche de petits groupes suspects, de caches d’armes, de sites de stockage ou de camps d’entraînement – souvent un champ avec des carcasses de voitures. Les patrouilles s’effectuent à l’intérieur de cercles concentriques aux noms de serpents : boa (ville) constrictor (50 kilomètres de distance) et anaconda (100 kilomètres). Une zone intermédiaire (20 kilomètres), baptisée Squale, a été ajoutée après le 7 octobre, lorsque plusieurs roquettes sont tombées sur la ville : elles ont été tirées à une quinzaine de kilomètres de distance. “Le fait de naviguer dans ces espaces crée de l’incertitude et un sentiment de désorientation chez l’ennemi, qui peut se retrouver à tout moment face à un blindé”, souligne un colonel. Depuis le début de l’offensive contre les groupes armés, plus de 230 tonnes de munitions ont été découvertes et détruites.

La guerre est terminée, mais Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et ses alliés ne sont pas morts. Les incidents se sont multipliés ces derniers temps. Le 28 septembre, deux kamikazes projettent leur véhicule piégé avec 100 kilos d’explosifs contre un camp militaire malien, à Tombouctou. Même si les djihadistes manquent leur coup (frapper l’intérieur de la caserne), deux civils meurent dans l’attentat et sept soldats maliens sont blessés. Trois jours plus tard, à proximité de cette ville, un hélicoptère français survole un groupe de véhicules suspects, qui se dispersent aussitôt. Les forces spéciales “neutralisent” une dizaine d’insurgés, après quatre heures de combat dans les dunes. “Ils se sont battus jusqu’au dernier”, indique le colonel Gilles Jaron, porte-parole de l’état-major. Une quinzaine de jours plus tôt, lors d’une mission de reconnaissance à l’est de Bourem, dans la région de Gao, les soldats français avaient déjà dû engager le feu contre d’autres insurgés.

Désorganiser les réseaux de ravitaillement des djihadistes

Les groupes armés sont-ils en train de se reconstituer? Les militaires français voient plutôt, dans ces épisodes, la preuve qu’ils n’ont plus la capacité d’entreprendre des actions de grande ampleur. ” Ils mènent une stratégie d’évitement, souligne un haut gradé. Ils essaient de faire parler d’eux alors que leurs actions sont mal montées. ” Il n’empêche : l’armée vient de déclencher une vaste opération de contrôle autour de la boucle du Niger, afin d’empêcher leur “résurgence” et désorganiser leurs réseaux de ravitaillement. Mais surveiller l’immensité désertique est une tâche impossible.

Après les élections législatives, vers la fin de janvier 2014 plutôt qu’à la fin de 2013, Paris réduira son dispositif, comme l’a annoncé François Hollande. Près de 2000 soldats rentreront à la maison. Un millier resteront sur place, vraisemblablement pour longtemps tant les défis demeurent.

Selon les accords de Ouagadougou, signés le 18 juin 2013 entre les autorités de transition d’alors et les groupes du nord, les combattants du nord doivent ainsi être cantonnés. Mais Bamako a dû renoncer à un désarmement immédiat des Touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) dans leur fief de Kidal, une ville plus au nord. De son côté, le MNLA a accepté la présence de soldats maliens. A Gao, les gens ne comprennent pas cette tolérance envers les Touaregs, ces ennemis d’hier. A leurs yeux, en restant neutre, Paris les soutient.

Les habitants ne se privent pas de le dire aux militaires en patrouille. Comme cet enseignant qui a fui Kidal : “On était content quand la France est arrivée et a chassé les djihadistes, mais pourquoi laisse-t-elle flotter aujourd’hui le drapeau du MNLA ? Là-bas, c’est lui qui domine et nous empêche de travailler.” “S’ils veulent la guerre, on est prêt, renchérit un ouvrier. Des armes, tout le monde peut en trouver. La violence peut se déclencher n’importe quand.” La preuve : il y a peu, un accrochage entre des jeunes Touaregs et l’armée malienne, dans le centre de Kidal, aurait pu dégénérer si les soldats français n’étaient pas intervenus.

A Gao, le sentiment de frustration s’accentuent, malgré l’élection du nouveau président Ibrahim Boubacar Keïta. Les habitants se plaignent du manque de travail et des services publics qui ne fonctionnent pas : ils se sentent délaissés par Bamako. Des manifestations ont eu lieu récemment contre le gouverneur. “Une ville sans électricité, ce n’est pas une ville”, tempête un homme. “Les fonctionnaires ne sont pas revenus, déplore le maire, Sadou Diallo. A leur décharge, il n’y a plus de bureaux ni d’ordinateurs.” Lors de leur patrouille dans cette ville de 78 000 habitants, les militaires entendent beaucoup ces griefs ces jours-ci, conscients qu’ils peuvent, à moyen terme, constituer un facteur de déstabilisation. Mais, pour mener cette bataille-là, ils n’ont pas d’armes.

SOURCE: l express

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