RÉCONCILIATION. À l’approche du sommet de N’Djamena, la tenue de la réunion du comité de suivi de l’accord d’Alger apparaît comme un signe de normalisation.
« Le drapeau malien flotte de nouveau à Kidal ». Tout un symbole, car depuis neuf ans, c’est la première fois que le drapeau national du Mali flotte sur le gouvernorat de la ville du nord du Mali. Et pour cause, Kidal est le fief de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), principale coalition d’anciens rebelles indépendantistes touareg qui ont combattu les forces maliennes dans le Nord à partir de 2012. La CMA a signé en 2015 avec le gouvernement de Bamako et des groupes armés progouvernementaux un accord de paix, dit d’Alger. Mais sa mise en ?uvre accuse de nombreux retards. C’est donc la première fois, en cinq ans que le comité de suivi de l’accord se retrouve dans cette ville, après maints reports. Pour les partenaires internationaux de Bamako, la mise en ?uvre de cet accord de paix est la condition indispensable d’une sortie de crise au Mali et au Sahel. Car Kidal demeure toujours sous le contrôle de l’ancienne rébellion. Et l’État malien n’avait quasiment plus mis les pieds entre mai 2014 et février 2020 après que l’armée en fut chassée avec de lourdes pertes.
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Faire bouger les lignes
Quelques jours encore avant la réunion de jeudi, la CMA avait semé le trouble en annonçant la création d’une zone de défense relevant de son état-major dans le nord du Mali. Depuis 2012 et le déclenchement de rébellions indépendantiste puis djihadiste dans le Nord, le Mali est plongé dans une tourmente multiforme
qui a fait des milliers de morts, civils et combattants, malgré le soutien de la communauté internationale et l’intervention de forces de l’ONU, africaines et françaises. Malgré la signature de cet accord par les ex-rebelles, le Mali reste en proie aux agissements des groupes liés à Al-Qaïda et à l’organisation État islamique (EI), aux violences intercommunautaires et aux trafics en tous genres. Ces violences se sont propagées au Burkina et au Niger voisins. Mais c’était sans compter sur la détermination des autorités de la transition. Depuis le début elles tentent de faire bouger les lignes quant à l’accord de paix d’Alger. Au-delà des blocages politiques ou techniques, le gouvernement du président Bah N’Daw a affiché sa volonté de marquer l’appartenance de Kidal à l’ensemble national. Fin janvier, une délégation ministérielle se rendait sur place pour la première fois depuis le putsch qui a renversé le 18 août le président Ibrahim Boubacar Keïta.
Des blocages de part et d’autre
Concrètement, il reste encore beaucoup à faire, car les parties signataires ne s’accordent pas sur certaines dispositions notamment sur les questions de l’intégration d’ex-rebelles dans les forces de défense et celle d’une plus grande autonomie des régions tandis que flottent régulièrement dans la ville des drapeaux de l’Azawad, du nom de l’État réclamé par les indépendantistes avant la signature de l’accord de paix. S’il n’évoque pas le fédéralisme, encore moins l’autonomie, l’accord, négocié par Alger, chef de file de la médiation internationale du processus, reconnaît tout de même l’Azawad comme « une réalité humaine, socioculturelle mémorielle et symbolique partagée par différentes populations du Nord ». Dans tous les cas, ces objectifs sont considérés comme le corollaire indispensable à la riposte militaire. En siégeant à Kidal, le comité de suivi envoie le message que la souveraineté malienne doit aussi s’appliquer ici alors que les deux tiers de ce vaste pays échappent à l’autorité de l’État central. Au cours de la réunion, le ministre malien de la Réconciliation, le colonel Ismaël Wagué, a donné quelques pistes de solutions au problème du DDR (Désarmement-démobilisation-réinsertion). Il a affirmé que plusieurs ex-combattants des régions du nord du Mali étaient en formation pour intégrer le moment venu les forces armées maliennes reconstituées. Le chef de la mission de l’ONU a également évoqué le déploiement, prochain selon lui à Kidal, du bataillon incorporant d’anciens rebelles, ainsi que la construction d’un barrage pour constituer des réserves d’eau dans cette ville qui n’a pas non plus accès à l’électricité.
Source: lepoint.fr