Pékin et Moscou ont fait front, mardi 11 janvier, pour empêcher l’adoption par le Conseil de sécurité d’une résolution, présentée par la France, soutenant les sanctions imposées par la Cedeao au Mali.
La passe d’armes était attendue. Elle s’est déroulée comme prévue. Deux jours après les sanctions imposées à Bamako par la Cedeao, le 9 janvier, la situation politique au Mali a été inscrite à l’ordre du jour du Conseil de sécurité des Nations unies. Mais impossible de trouver un consensus. Le texte présenté par la France, qui souhaitait que le Conseil soutienne les décisions prises par les chefs d’État ouest-africains lors du sommet extraordinaire d’Accra, a été retoqué. La Russie et la Chine ayant marqué leur opposition à ce que Vassily Nebenzia, le représentant de Moscou, a qualifié « d’ingérences étrangères excessives […] qui ne font que compliquer la situation ».
« Ce qui se passe au Mali est une véritable fuite en avant de la junte qui, au mépris de ses engagements, souhaite confisquer le pouvoir pendant des années et priver le peuple malien de ses choix démocratiques », avait déclaré quelques heures plus tôt Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères. « Une transition en cinq ans n’est pas dans l’intérêt du peuple malien », a déclaré en écho Linda Thomas-Greenfield, la représentante des États-Unis à l’ONU, lors des débats de ce mardi à New York, avant de s’inquiéter de la présence au Mali « d’individus liés au groupe Wagner ». Une « menace pour le peuple malien et la Minusma [mission de l’ONU au Mali] juge l’Américaine.
Les représentants du « A3 », les trois pays africains membres non permanents du Conseil (le Ghana, le Gabon et le Kenya), ont eux aussi plaidé en faveur d’un appui aux sanctions prononcées par la Cedeao. Le Conseil doit « appuyer la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la région et le Mali ainsi que le gel des avoirs de l’État malien dans les banques régionales de la Cedeao », a notamment déclaré Michel Xavier Biang, le représentant du Gabon, réclamant par ailleurs un soutien logistique, matériel et financier en faveur de la force militaire conjointe du G5 Sahel.
Pékin et Moscou sur la même ligne
En face, le représentant de la Russie a estimé que le retour à l’ordre constitutionnel devait « tenir compte des réalités sur le terrain » et insisté sur la nécessité de sécuriser le pays avant d’envisager d’éventuelles élections. « La Fédération de Russie soutient le principe “à problèmes africains, solutions africaines” », a déclaré le diplomate, affirmant par ailleurs – sans jamais prononcer le nom de la société Wagner – que « les Maliens ont le droit d’interagir avec d’autres partenaires qui sont prêts à coopérer avec eux dans le domaine du renforcement de la sécurité ».
Dai Bing, le représentant permanent adjoint de Pékin, lui a emboîté le pas, appelant « les forces qui sont hors de la région à se garder d’exercer des pressions sur le Mali ».
« Ceux qui entretiennent cette campagne de fausses informations savent pertinemment que le Mali n’a pris aucun engagement auprès de Wagner et qu’il n’y a aucun mercenaire présent sur le sol malien », a pour sa part martelé Issa Konfourou, l’ambassadeur du Mali auprès des Nations unies, dénonçant une « campagne de désinformation ».
Paris devrait maintenant se tourner vers l’Union européenne (UE) pour tenter de faire pression sur le Mali. Emmanuel Macron a en effet assuré que la France et l’UE, dont son pays assure la présidence tournante, soutenaient la « position très claire et ferme » de la Cedeao face aux « dérives de la junte ».
Alger appelle à une transition « raisonnable »
Dans le bras de fer diplomatique qui s’est intensifié depuis l’annonce des sanctions « dures » prises à l’encontre de Bamako, Assimi Goïta a trouvé un allié auprès du colonel Mamadou Doumbouya, le président de transition en Guinée. Le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) a en effet annoncé lundi que les frontières terrestres, aériennes et maritimes de son pays avec le Mali resteront ouvertes.
En revanche, Alger a joint sa voix aux tenants d’une réduction drastique de la durée de transition. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a enjoint les militaires maliens au pouvoir à adopter « une attitude responsable et constructive » et a jugé, selon des propos rapportés par les services de la présidence, « raisonnable et justifiable une période de transition d’une durée ferme de douze à seize mois ».
Source : Jeune Afrique Avec AFP