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Mali : Interview de Brahim Thiam

Quatrième de la CAN en 2004 avec le Mali, Brahim Thiam est désormais l’un des consultants incontournables de beIN SPORTS. Il sera évidemment un élément clé du dispositif de la chaîne, qui retransmettra la CAN 2019 dans son intégralité.

Quel est ton premier souvenir de la CAN ?

Je pense que c’est lors du dernier match de qualification pour la CAN 2004, aux Seychelles. On était tellement contents qu’on était partis en boite de nuit. On a fait la fermeture de la boite et on avait failli louper l’avion pour rentrer en France !

C’était une belle semaine : on était parti aux Seychelles trois ou quatre jours avant pour préparer la rencontre. On était sur l’île de Mahé, je te laisse imaginer ! On a gagné, on s’est qualifié et on a fait la fiesta derrière. C’était un très bon moment.

Tu as disputé la CAN en tant que joueur en 2004 : quel souvenir en gardes-tu ?

C’était une belle expérience, avec une belle génération de joueurs. Malheureusement, elle s’est terminée sur une frustration, avec une défaite 4-0 en demi-finale contre le Maroc, sans être totalement dépassés. Ce jour-là on a appris que notre gardien avait eu une rage de dent qui l’avait empêché de dormir toute la nuit, et qu’il n’avait prévenu personne. Quand on prend le film du match, on se rend compte qu’il est un peu responsable sur trois buts.

Ça a été un petit goût d’inachevé, car cette année-là on avait l’équipe pour la gagner. On avait une génération dorée : Seydou Keita, Frédéric Kanouté, Momo Sissoko… C’était une équipe armée pour la gagner. D’ailleurs les Tunisiens avaient peur de nous, et ne voulaient absolument pas nous affronter en finale.

C’est la première fois que la CAN va être disputée en juin et non plus en janvier : qu’est-ce que cela va changer ?

Il y a deux différences majeures : d’abord, l’aspect physiologique. Quand on arrivait en janvier, on était en plein milieu de la saison donc on était encore assez frais physiquement. Là on arrive une fois la saison terminée, donc il y a de l’usure physique et mentale. À cela il faudra ajouter l’aspect climatologique : il va faire quasiment 40 ou 45° par moment en Egypte, donc ça va faire deux difficultés en plus, d’autant qu’il y aura 24 équipes désormais.

À choisir, je préfère le mois de juin. En janvier, quand tu quittes ton club, tu peux perdre ta place selon ce qui se passe. Si tu es en fin de contrat et que tu te blesses, cela peut changer des choses. En fin de saison, chacun connait son avenir pour l’année d’après, tu peux anticiper ou te montrer. En janvier, c’est un risque ou une insécurité pour certains. Moi j’ai eu de la chance en 2004 : j’étais à Istres où l’on luttait pour monter en Ligue 1. Quand je suis revenu de la CAN, j’avais tout de suite retrouvé ma place, mais certains reviennent et la route est complètement barrée.

Morel a choisi la nationalité malgache à l’approche de la CAN, Andy Delort celle de l’Algérie : tu ne trouves pas ces démarches un poil hypocrites ?

Lorsqu’on connait l’engagement d’un Jérémy Morel ou d’un Andy Delort en tant que joueur, on sent d’abord que la démarche va dans le sens de leur qualité. Ensuite, ce n’est pas interdit de le faire, tardivement ou pas, c’est le choix de chacun. Pour ma part, j’ai commencé par l’équipe de France, avant de choisir le Mali à 23 ans. Après, c’est au sélectionneur de te choisir ou pas.

Toutes les bonnes volontés ou motivations sont valables. Après, il y en a qui font des choix par défaut, peut-être dans d’autres circonstances. Moi, ça ne me dérange pas plus que ça à partir du moment où il montre qu’il est prêt et qu’il a de l’envie. Il ne réclame rien. Pour Morel, peut-être que ce n’était pas le moment dans sa carrière avant. Delort aussi : peut-être qu’il éprouve pour la première fois de sa carrière une certaine plénitude et qu’il ressent l’envie d’aller chercher quelque chose d’autre. Il a marqué pour son premier match, et peut-être qu’il marquera plus en quelques matches que d’autres joueurs en 2-3 ans. Et pour te dire, j’ai vu jouer l’Algérie à la CAN 2017, et bien je préfère largement avoir Andy Delort dans mon équipe que ceux que j’ai vus à l’époque en termes d’investissement. Et je pense que les Algériens sont contents de l’avoir avec eux.

Ça fait aussi écho aux propos d’Assou-Ekotto sur Mbappé. Quelle est ta position sur le sujet ?

Déjà, je n’étais pas d’accord avec Benoit Assou-Ekotto. L’objet de sa remarque, c’était la visite de Mbappé avec Adjovi-Boco à l’Elysée. Malheureusement pour Assou-Ekotto et heureusement pour Kylian, lui représente quelque chose, et il a des parents africains. Nous, on a la double culture : nous sommes des Français d’origine africaine. Chacun choisit ce qu’il a envie de faire. Et s’il y a des bonnes âmes qui ont envie de donner de leur temps ou de l’argent à l’Afrique, moi je ne suis pas contre.

Comme je l’avais dit à l’époque, je pense que Mbappé va donner une meilleure image à l’Afrique que quand Assou-Ekotto s’était battu avec Moukandjo en plein match de la Coupe du monde. Ça, c’était plus préjudiciable à notre continent par exemple. Donc en termes de leçon sur la morale, je ne sais pas si c’est le plus à même à pouvoir le faire.

Les trois meilleurs buteurs de Premier League cette saison sont africains : cela prouve que le foot africain est en train de progresser ?

Oui, il décolle et ça le prouve vraiment. On retrouve des gros joueurs qui évoluent dans les grands championnats, qui gagnent des titres, mettent des buts et qui ont des stats de très haut niveau. C’est la première fois depuis très longtemps que l’on va avoir d’aussi gros joueurs aussi efficaces. Et on sent que les clubs ont franchi des paliers importants.

Mohamed Salah et Sadio Mané sont tous deux des candidats plus que crédibles au Ballon d’or. Peuvent-ils l’emporter ?

Bien sûr. En cas de victoire pour l’un ou l’autre à la CAN, conjuguée à la saison qu’ils ont fait à titre personnel et à cette victoire en Ligue des champions, forcément, au jour d’aujourd’hui, ils sont sur la même ligne de départ que les CR7 et compagnie.

L’Egypte et le Sénégal sont les grands favoris de la compétition. Qui vois-tu gagner ?

C’est difficile. Je ne sais pas. Dans le dernier carré, tout peut se passer sur un match. Si je te donne deux favoris, effectivement c’est l’Egypte et le Sénégal. Ce sont les mieux armés, avec deux configurations d’équipe et une expérience différente : l’Egypte, c’est le monstre de l’Afrique en terme de participations et de victoires. Et au Sénégal, il y a une éclosion de tous les joueurs à tous les postes, plus la patte du coach qui a mis cette rigueur qu’on retrouve en Europe et qu’il faut retranscrire en Afrique. Ils auraient déjà dû être sur la dernière marche en 2017, mais là ils arrivent à maturité. Il y a des monstres à tous les postes. On manquait de très très bon gardien, et maintenant il y a Edouard Mendy ; il y a une grosse défense avec Koulibaly qui est un des tous meilleurs centraux du monde ; au milieu il y a des supers joueurs et devant il y a une armée de joueurs compatibles et buteurs, car il ne faut pas oublier que derrière les Mané, Keita, Niang, il y a aussi des joueurs comme Moussa Konaté, qui sont des très bons buteurs que nous par exemple n’avons pas au Mali. Nous, on n’a qu’un seul attaquant, Moussa Marega, qui n’est pas un buteur pur.

Le Mali peut-il jouer les trouble-fêtes dans cette CAN ?

Le problème, c’est qu’il faut que l’on soit efficace. C’est déjà ce qui nous avait fait défaut en 2017. On n’a pas de vrai buteur comme on avait à l’époque avec Kanouté. C’était l’arme létale. Ce ne sera pas facile avec la Tunisie dans notre groupe mais je pense, et j’exige même, que l’on sorte des poules, c’est le minimum ! On a quand même été habitués à faire des demi-finales lors des compétitions passées. Il y a des générations de qualité mais ça se jugera lors du tableau final.

Quels sont les outsiders à suivre ?

Dans cette CAN, je dirais la Guinée. C’est une équipe intéressante à suivre. L’Ouganda a progressé. Après il y a d’autres équipes, comme le Nigéria, la Tunisie qui sont des grosses armées africaines et qui seront encore présents car ils ont cette culture-là. Mais pour les équipes moins attendues, la Guinée et l’Ouganda seront à suivre, car elles progressent bien, avec le petit Camara de l’Olympiakos, Naby Keita entre autre. Ça peut être pas mal.

On parle peu de la Côte d’Ivoire finalement…

C’est un « outsider + ». C’est un historique de par son nom, mais c’est vrai qu’on en parle peu car ils sont un petit peu rentré dans le rang. À force d’échecs sur le plan africain, on se rend compte qu’ils se sont un peu remis au travail, et qu’il ne faut pas hésiter de repartir d’un peu plus loin avec plus d’humilité. Pour réexister, il n’y a que le terrain.

Qui va terminer meilleur buteur ?

Je dirais Mbaye Niang. Il a fait une très belle saison, il a pris définitivement je l’espère la bonne voie. Il a des très bonnes stats en club. Il peut performer dans une compétition comme ça où il ne faut pas trop calculer parce qu’il a un petit côté fou-fou. Et il pourra profiter du fait que Sadio Mané va être surveillé comme un camion de la Brinks pour pouvoir avoir plus d’espace et être efficace. Il vient de signer définitivement à Rennes, il arrive dans les meilleures dispositions pour disputer cette CAN. Je repense à la finale de la Coupe de France : il a mis de la personnalité sur l’action du but, et c’est ce genre de joueurs qui performent dans des compétitions comme ça. On l’avait vu en 2017 avec Aboubakar en finale, qui avait tenté un geste de volée là ou d’autres joueurs auraient peut-être fait une remise à un coéquipier. Cette audace-là est importante en Afrique.

Par THIBAULT dans PARIS SPORTIFS

Nord-Sud Journal

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