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Mali – GAO : Le «Far Nord»

Une terre hostile, où la loi n’a pas encore pu s’imposer et dont les immensités échappent toujours au contrôle de l’État : voilà les caractéristiques du Far West (l’Ouest lointain). Ce rappel des westerns américains des années 1940 fait doublement penser à une région du Mali d’aujourd’hui : Gao. À 1 188 km de Bamako et avec son insécurité récurrente, elle réunit tous les ingrédients d’un bon Far NordLes chameaux et les voitures remplaçant les chevaux.

 

Après le Far West, voici le Far Nord : la région de Gao. Occupée en 2012 par des djihadistes à la suite d’une rébellion armée, la zone est depuis revenue dans le giron de l’État en 2013, suite à l’intervention française. Mais sa situation sécuritaire reste toujours préoccupante. Le 8 septembre, une ambulance en provenance du village de Temera, cercle de Bourem, a été enlevée aux environs de six heures. Le malade, âgé de 10 ans, est mort dès son arrivée à destination à pied, aidé de ses accompagnants. Le même jour, un homme a été blessé lors d’un braquage en pleine journée au quartier Château de Gao, sous le regard stupéfait des habitants, et son véhicule emporté par des hommes armés non encore identifiés. Au soir du 5 septembre, c’est l’enlèvement d’un entrepreneur bien connu qui a ému la ville. Le 26 août dernier, un protocole d’accord entre différentes communautés mettait pourtant fin à des violences entre jeunes qui avaient fait 4 morts. Ce tableau de la situation sécuritaire n’est pas exhaustif. En dépit de la présence de l’armée et de l’administration dans toute la région, il dépeint un no man’s land, qui depuis des années s’étend. Selon le dernier rapport trimestriel (avril, mai et juin) du Secrétaire général des Nations Unies, les forces de défense et de sécurité maliennes ont été la cible de 49 attaques, qui ont fait 67 morts et 86 blessés parmi elles. Et c’est dans la région de Gao, cercle de Bourem, que l’on enregistre les plus meurtrières. Le 19 mars, à Tarkint, 30 morts et 20 blessés et le 6 avril à Bamba, 25 morts et 12 blessés. La note sur les tendances des violations et abus des droits de l’Homme au Mali, rédigée par la MINUSMA, présente la région de Gao comme celle qui a enregistré le plus d’incidents sécuritaires du 1er avril au 30 juin 2020 au nord du pays. Sur 198, elle en a à son actif 81.

Indignation

C’est dans cet écosystème d’anxiété que vit la population de Gao. Et la situation est loin de la laisser indifférente. Moussa Bouréïma Yaro est le Coordinateur du mouvement des Jeunes patrouilleurs de Gao, qui menait des patrouilles citoyennes en 2012 pour veiller sur la sécurité des personnes et de leurs biens alors que la ville était entre les mains des terroristes. Patrouilles qu’ils ont dû arrêter en 2013, quand la ville a été reprise par l’armée malienne. Selon lui, cette situation dénote d’un «  manque de volonté » des forces militaires et de police dont la ville regorge. « Ce sont des événements qui étonnent tout le monde à Gao, la première région militaire, avec en outre de la présence de Barkhane et de la MINUSMA. Malgré cela, on n’arrive pas à sécuriser ne serait-ce seulement que la ville de Gao. Les gens se posent la question de savoir si ce problème de terrorisme ou de rébellion n’est pas une question d’affaires ». L’analyste politique Khalid Dembélé relativise. « Ce sont des forces qui ont des missions bien définies. Les raisons pour lesquelles elles sont là peuvent être débattues. C’est l’appareil militaire malien qui a failli à protéger les personnes ». Pour Boubacar Dacka Traoré, maire de la commune urbaine de Gao, les événements qui surviennent dans sa ville ne datent pas d’aujourd’hui. Et il est bien placé pour le dire. Le 27 mai dernier, il s’est fait braquer dans sa ville vers 9h30 et sa voiture a été emportée. « Jusqu’à là je ne l’ai pas revue ».

Armes

Pour les habitants et de nombreux observateurs, cette situation est liée à la circulation des armes. Selon la Colonel-major Nema Sagara, Secrétaire permanente de la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre, il est « impossible » de déterminer le nombre d’armes en circulation dans la région de Gao. « Il est exponentiel, les armes viennent de partout ». À en croire un acteur sur place, les mouvements armés n’arrivant pas à prendre en charge leurs éléments, ces derniers se livrent à des enlèvements et à des braquages pour survivre. Certains jeunes, à ses dires, « ont même vendu leurs animaux ou leurs motos, pour acheter des armes et bénéficier du cantonnement, qui tarde toujours ». « Des jeunes qui ont des armes, qui n’ont pas de travail et qui ont des familles à nourrir. Et bien, la seule manière pour eux d’avoir de l’argent, c’est de sortir et braquer une à deux personnes. Ensuite ils ont quelque chose pour tenir une semaine ou un mois », conclut-il.

Boubacar Diallo

Journal du Mali

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