L’Accord d’Alger signé le 1 Mars 2015 par une majorité des acteurs de la scène malienne à l’exclusion de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) réclamant du temps afin de consulter sa base marque une avancée significative vers un règlement de la crise malienne déstabilisant le flanc sud de la Tunisie. Néanmoins, manifestant l’affirmation par l’Algérie de son leadership sur ce qu’elle considère comme sa sphère d’influence, cet accord, en ne s’attaquant pas courageusement aux racines profondes de la conflictualité malienne et sahélienne, n’apportera aucune solution durable.
Décentralisation, réinsertion des rebelles du nord dans l’armée, promesses et divers programmes de développement économique des régions nord, etc. ont depuis des décennies démontré leurs limites et nourri rancunes et amertumes tenaces. Les mêmes causes engendreront les mêmes effets. Sans s’attaquer aux racines profondes de la conflictualité caractérisant cet espace, stratégique quant à la sécurité de la Tunisie, aucune sécurité durable ne pourra être instaurée. En dépit du rôle joué par M. MongiHamdi en tant que chef de la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali), la Diplomatie tunisienne fait preuve d’une timidité déconcertante.
Les racines du mal
Ligne de frontière entre Méditerranée et Afrique subsaharienne, le Sahel organise la transition entre l’Afrique du Nord méditerranéenne et l’Afrique subsaharienne. L’espace sahélien, sous-défendu et sous-administré, est fragilisé par des forces centrifuges et des facteurs de tension justifiant, à la faveur de l’incubateur libyen, l’explosion de la crise malienne, risquant par effet de contagion de déstabiliser toute la zone.
L’espace sahélien, véritable polygone de crises, est travaillé par des lignes de fracture inscrites dans le temps long de l’histoire et qui continuent à produire leurs effets, et par des éléments plus récents amplifiant la vulnérabilité du champ. La géographie même de cet espace, dit désertique, favorise une remise en question des frontières coloniales ayant bouleversé les frontières ethniques et les équilibres traditionnels, notamment la libre mobilité des hommes et des biens, caravanes, commerce, transhumance et nomadisme. Le télescopage entre l’autorité étatique et l’autorité traditionnelle des populations nomades Touaregs, Toubous, etc. participe à l’explication du système de conflits que révèle notamment la crise malienne mais aussi la déstabilisation en cours de l’aire péri-tchadienne, la somalisation de la RCA (République Centrafricaine), etc.
La plupart des États du Sahel – situés entre les latitudes 10° Nord et 20° Nord – sont caractérisés, dans leur architecture interne, par une fracture Nord-Sud qui traduit une opposition avant tout ethnique entre populations blanches, souvent arabisées, et populations noires. Ainsi, une véritable ligne de feu chargée d’histoire s’étendant de l’océan Atlantique à la mer Rouge brise en deux les Etats sahéliens. Au Mali, l’opposition fondamentale est celle des Blancs, Maures et Touaregs, et des ethnies africaines noires, les premiers dominant traditionnellement les populations du sud. La décolonisation, en attribuant le pouvoir aux populations du sud, a abouti à une inversion des rapports de domination. La rébellion est depuis lors nordiste et touareg. La fracture Nord-Sud, ancrée dans l’histoire et à la base d’une profonde conscience ethnico-tribale, a retardé la formation consensuelle de l’État-nation légué par la décolonisation. Les implications philosophiques de cette question sont lourdes de conséquences. Les Touaregs acceptaient-ils l’ordre post-colonial qui confère la suprématie des ethnies du Sud sur leur territoire ?De véritables murs d’incompréhension, parfois d’hostilité, ont longtemps bloqué la voie d’édification d’une véritable appropriation nationale, indispensable à l’émergence de l’État-nation. C’est sur cette réalité ethno-politique que prospère l’extrémisme islamiste.
Dans ce contexte, les représentations géopolitiques, c’est-à-dire les perceptions des acteurs, justes ou erronées, priment sur la réalité des faits. En ce sens, l’occupation de la ville de Gao par les islamistes extrémistes a réveillé parmi les populations noires le souvenir de la poussée musulmane venant du nord et surtout le démantèlement de l’empire Songhaï par le pacha Djouder au XVIème siècle en provenance du Maroc. Tant que cette problématique de fond ne sera pas posée de manière claire, sans dérobade, aucune solution durable à la stabilité de l’océan sahélien, et en particulier à la crise malienne, ne sera envisageable.Difficulté supplémentaire, le concept de démocratie tel que formulé par l’Occident, à savoir « un homme, une voix », est difficilement conciliable avec les réalités ethniques caractérisant le Mali. En effet, « la variante africaine de la démocratie fondée sur le « one man, one vote » est d’abord une ethno-mathématique donnant automatiquement le pouvoir aux plus nombreux, en l’occurrence les Noirs sudistes, ce que les nordistes ne peuvent accepter » . Bernard Lugan souligne : « au Mali, les sudistes étant plus nombreux que les nordistes, ces derniers, en plus d’être forcés de vivre dans le même Etat que les premiers, sont condamnés à leur être politiquement soumis. D’où les révoltes continuelles dont les actuels événements ne sont qu’une résurgence » .Jean Ping abonde en ce sens dans son dernier ouvrage « Eclipse sur l’Afrique : fallait-il tuer Kadhafi ? », « l’Afrique doit prendre son temps ; les Occidentaux qui « réagissent sous la pression des émotions et des passions immédiates qui emportent leurs opinions » sont trop impatients. L’Afrique a son rythme et ses fondamentaux : « Chacun sait que c’est l’ethnicité qui constitue l’élément le plus important dans les conflits internes en Afrique ». C’est pourquoi la démocratie ne peut y être implantée d’un coup. « Trop souvent en effet les élections en Afrique se sont malheureusement transformées en simples recensements ethniques… L’instauration de la démocratie est un processus d’une très grande complexité qui ne se décrète pas instantanément de l’extérieur, comme du Nescafé et du prêt-à-porter ».
Nous pouvons citer d’autres facteurs : l’opposition centre-périphérie et l’impact du colonialisme. La colonisation n’a fait qu’instrumentaliser les rivalités entre les différentes ethnies et les peurs des plus vulnérables qui cherchaient à échapper à la pratique de la traite et aux razzias, afin d’ancrer et de consolider son emprise. Lors de la décolonisation, les antagonismes, les rivalités et les haines « en sommeil » émergent, plongeant le théâtre sahélien dans des guerres civiles ou des conflits dits internes. Les événements d’aujourd’hui en sont la conséquence directe car les nordistes ne s’assimilent pas aux Etats post-coloniaux tels qu’ils ont fonctionné depuis cinquante ans. Ils ne peuvent endosser indéfiniment la domination des populations du sud consacrée par la décolonisation.
Comme le souligne Hervé Juvin, « prenez l’exemple de la lettre que le chef des bambaras adresse au lieutenant-colonel Gallieni vers 1865 pour lui demander de protéger son peuple des attaques des Touaregs : vous avez très exactement le schéma de l’intervention militaire française Serval au Mali aujourd’hui ! ». Le fondamentalisme islamique n’est donc pas la cause du séisme sahélien, mais la simple surinfection d’une plaie ne pouvant être refermée que par le retour à un équilibre ethnique estimé équitable. La lutte contre le terrorisme en Tunisie et au Maghreb ne peut ignorer cette réalité sous peine de se fourvoyer.
A ces facteurs historiques s’ajoutent de nouveaux facteurs déstabilisateurs : la défaillance politique et économique des États sahéliens, incapables d’assumer les attributs de la souveraineté sur l’ensemble de leur territoire ; la spéculation islamiste par des forces obscures qui sont loin de toute foi religieuse, encore plus de l’islam ; l’instrumentalisation des référents identitaires, ethniques et religieux, les sécheresses et les famines ; la pauvreté, la précarité économique et sociale et le manque de perspective d’avenir pour de nombreux jeunes désœuvrés ; l’effondrement des systèmes éducatifs, la forte croissance démographique (en 2040, la population sahélienne devrait doubler pour atteindre 150 millions d’habitants) ; la montée en puissance des trafics en tous genres, notamment du trafic de drogue en provenance d’Amérique Latine ; la prolifération d’armes légères alimentant les conflits, le terrorisme incarné essentiellement par AQMI, la généralisation de la corruption et du népotisme, les rivalités et tensions entre États sahéliens, les ingérences des puissances extérieures instrumentalisant les facteurs de tension afin de mieux contrôler les richesses avérées et potentielles (pétrole, gaz, uranium, fer, or, cuivre, étain, bauxite, phosphate, manganèse, terres rares, etc.), les vulnérabilités environnementales attisant les tensions entre sédentaires et nomades, enfin les effets induits par la guerre en Libye.
L’ensemble de ces vecteurs de tensions est dopé par une importante circulation financière qui permet l’entretien d’équipements modernes et multiplie les espoirs de gain immédiat pour des prédateurs organisés.
Passé et présent interagissent ainsi et restructurent Méditerranée-Maghreb-Sahel-Afrique de l’Ouest selon de nouvelles lignes de force. Nul doute que la Tunisie sera directement impactée. Le Sahel africain concentre tout un système de conflits qui, à la moindre étincelle, éclatent en chaîne.
Le jeu des puissances
Progressivement, se dessine au Sahel un nouveau « Grand jeu » fait de manœuvres subversives et de manipulations où la duplicité et les stratégies de l’ombre sont la règle. Les développements inhérents aux bouleversements actuels ne s’arrêtent pas au seul Mali. L’appui du Qatar aux groupes islamistes témoigne d’un prolongement de la stratégie ayant déjà ciblé la Libye et la Syrie. La finalité de cette stratégie est de pousser jusqu’à son terme la logique politique du printemps arabe sur fond d’exploitation des richesses naturelles régionales.
Qatar développe une stratégie singulière: ayant considérablement renforcé ses positions en Libye relativement aux ressources énergétiques, il aspire à étendre son influence au Sahel (Mauritanie et Mali) en s’appuyant sur les groupes islamistes. Quelle stratégie sous-tend cette orientation ? Qatar abrite approximativement 15 % des réserves prouvées de gaz. En additionnant la Russie et l’Iran, ces trois Etats détiennent 60% des réserves prouvées à l’échelle mondiale. En aspirant à étendre son emprise sur le Moyen-Orient (Syrie) et sur le Sahara (Libye, Sahel et demain l’Algérie sur laquelle plane la menace d’une révolution arabe soutenue par Doha), le Qatar, de concert avec les États-Unis, vise à couper l’Europe de la Russie (principal fournisseur de gaz des Européens) et à se substituer à Moscou à l’Est et à Alger au Sud (cette orientation est renforcée par l’exploitation des gisements américains de gaz de schiste). Les ressources minières de la zone créent une rude compétition entre les acteurs. Des accusations sont portées contre les uns ou les autres pour des calculs d’inspiration hégémonique. Ces controverses entretiennent dans la région une atmosphère trouble.
Ainsi, les puissances extérieures, sous couvert de lutte contre le terrorisme et le crime organisé, convoitent les ressources naturelles avérées et potentielles et visent, à terme, une militarisation croissante et durable de la zone afin d’asseoir leur contrôle et d’évincer les puissances rivales (Chine, Russie, Inde, Brésil, Turquie, Iran, etc.). Ces puissances ont tout intérêt à favoriser l’émergence d’une équation géopolitique les plaçant en situation de force pour le partage des richesses du Sahel. En outre, se positionner militairement au sein de ce couloir stratégique reliant l’océan Atlantique à la mer Rouge offre la double faculté de peser sur les équilibres géopolitiques et énergétiques du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest.
Plus précisément, fournisseur prépondérant d’énergie à l’horizon 2030, le Sahel suscite des rivalités pour le contrôle des gisements (lieux de production), enjeu majeur, mais également des itinéraires d’évacuation dessinant jour après jour une nouvelle géopolitique des tubes. Une superposition de la carte des conflits et des ressources est édifiante.
Deux projets assortis de dispositifs diplomatiques et militaires s’affrontent sur fond d’enjeux énergétiques au sein du couloir sahélien : un projet chinois visant à désenclaver les richesses pétrolières et minérales du Sahel à travers Port Soudan vers la mer Rouge suivant un axe horizontal depuis la Mauritanie (dans ce cadre s’inscrit la volonté de connecter le pétrole nigérien au pétrole tchadien), et un projet occidental visant à désenclaver les richesses à travers le Golfe de Guinée. Ce double tropisme pourrait être bouleversé par la puissance établissant son influence en Libye : la jonction entre les ressources libyennes et sahéliennes (éventuelle prolongation du Green Stream reliant la Libye à la Sicile vers l’oléoduc Doba Kribi désenclavant le pétrole tchadien vers le Golfe de Guinée), pourrait également aboutir, à travers le point d’appui libyen, à la création d’une ouverture sur la Méditerranée.
Enfin, selon des lignes historiques, nous assistons à une nouvelle poussée de l’Islam radical s’opposant à la domination occidentale dans la droite ligne des anciens empires musulmans du XIXème siècle tels que l’empire Toucouleur ou l’empire de Sokoto. Ainsi, derrière l’émergence de certains groupes terroristes se cacherait la volonté de certaines puissances musulmanes de favoriser la reconstruction des anciens Etats historiques pré-coloniaux dominés par l’islam.
Cette expansion de l’islam jihadiste en Afrique et au Sahel s’inscrit dans le cadre d’une compétition confuse où se mêlent tout autant la volonté de fortifier la foi islamique, l’intention charitable et des calculs de rivalité et d’hégémonie propres à la sphère des Etats islamiques. Plus précisément, les pays du Golfe et le Pakistan poursuivent un double objectif :
- Contrer l’influence croissante de la puissance chiite iranienne rivale s’appuyant sur une importante diaspora, notamment libanaise ;
- S’opposer à la pénétration des Occidentaux et relativiser la percée des thèses véhiculées par les évangélistes dans la région.
Du fait de ces interférences, la communauté islamique africaine est devenue un terreau du jihad et est entrée avec fracas sur la scène politique, contribuant à déstabiliser les Etats et les sociétés islamiques traditionnelles. En ce sens, superposer une carte des richesses, de la pénétration du wahhabisme et des foyers de tensions est riche d’enseignements.
En définitive, les puissances occidentales poursuivent plusieurs objectifs
- Sécuriser l’espace sahélien et profiter de la menace terroriste et criminelle pour revenir en force ;
- Eviter l’embrasement généralisé de la région tout en tolérant une insécurité circonscrite justifiant leur pénétration militaire et économique sur le long terme (bases militaires permanentes) ;
- Contrôler les richesses énergétiques et minérales ;
- Neutraliser les ambitions hégémoniques algériennes inconciliables avec ces objectifs sur le long terme. Si, à ce stade, la stratégie algérienne de lutte contre le terrorisme est valorisée, la manœuvre est conjoncturelle et de court terme ;
- Entraver le retour des puissances islamiques (Pakistan et pays du Golfe hormis Qatar) ;
- Evincer les puissances rivales (Chine, Inde, Brésil, Turquie, Iran, etc.).
La guerre de Libye, éliminant l’imprévisible Kadhafi, fut l’étape liminaire permettant la pénétration vers les profondeurs sahéliennes. La disparition du guide libyen ouvre la voie à la reconfiguration du théâtre sahélo-maghrébin et au contrôle des grandes Majors sur les gisements pétroliers et gaziers.
Un nouvel ordre sahélien
Le pacte post-colonial a épuisé ses vertus. Un nouveau Sahel se cherche et il convient de favoriser cette nouvelle réalité au moyen d’un règlement politique fondé sur le consensus et non sur la force. Une plus grande flexibilité politique au Sahel dicte également une plus grande flexibilité plus au nord, dans le Grand Maghreb. Les cartes vont être rebattues !
Dans ce cadre, le concept d’océan sahélien prend tout son sens. Partons du principe qu’aucune solution durable ne prévaudra si les riverains de l’océan sahélien sont en conflit entre eux. Dans ce contexte, il convient de mettre en avant le règlement entre Sahéliens, au moyen d’une conférence régionale regroupant l’ensemble des riverains de cet océan. La Tunisie, puissance d’équilibre, pourrait en formuler la proposition et l’héberger. Comme en mer, la sécurité ne saurait relever que d’un effort concerté des riverains, basé sur une perception commune des menaces et sur des mécanismes de concertation et de coordination afin de dissiper des stratégies qui, pour le moment, ne convergent pas. Bien au contraire, elles se croisent, voire se neutralisent au nom de calculs étroits.
Le retour au statu quo ante n’étant plus concevable, il conviendrait d’initier une réflexion autour d’un nouveau concept de l’Etat associant les intérêts des uns et des autres par des procédures non contraignantes admises par tous. L’Etat centralisé et la domination des ethnies du sud ne peuvent plus subsister tels quels. La paix des armes est subordonnée en tout premier lieu au règlement du problème national touareg. Se pose ainsi la question d’arbitrages douloureux mais vitaux quant à l’avenir de cette nation, héritière des grands empires sahéliens.
Par ailleurs, la dynamique en cours dicte une restructuration de l’ordre régional impactant l’équilibre maghrébin lui-même en voie de redéfinition. Les Etats sahéliens, à l’instar de la Libye, doivent consolider l’Etat central, développer l’économie et promouvoir une sécurité collective. Sur cette base, il convient de renforcer les Etats dans la mesure où une plus grande balkanisation multipliant des Etats fantoches incapables d’assumer leurs obligations de souveraineté ne ferait que perpétuer le désordre régional. En contrepartie, les Etats doivent admettre une large autonomie au bénéfice des communautés qui sont autant de composantes de l’Etat. Moyennant des aménagements tenant compte des spécificités de chacun, la solution marocaine pour le Sahara occidental pourrait s’étendre au Nord du Mali au profit des communautés enracinées dans le territoire.
Le détricotage de la région ne serait profitable à personne sur le long terme. Séparatismes touareg, sahraoui et autres ne sont qu’une manifestation de la crise de l’ordre post colonial qui a atteint ses limites. L’Afrique doit former un concept de règlement constitutionnel à l’échelle africaine : reconnaitre l’autonomie de ces provinces dans le cadre de la souveraineté nationale. Or, jusqu’à présent, le continent reste captif d’un concept déphasé, celui de l’Etat national centralisé niant la réalité historique des nations pré-coloniales. Il incombe impérativement à l’Union africaine d’encadrer cette évolution et de favoriser l’émergence d’un consensus sur cette problématique. Faute de quoi, c’est la voie ouverte, à travers la militarisation croissante et l’ingérence étrangère, à une recolonisation ne disant pas son nom.
Le cadre de règlement doit assurer la cohérence des initiatives destinées à la stabilisation et à la restructuration de la région. Il s’agit d’esquisser la vision d’un avenir commun basé sur un Partenariat stratégique entre Méditerranée, Maghreb et Sahel : tel est le véritable chantier de l’avenir ! L’espace sahélien ne doit pas être livré aux initiatives individuelles de tel ou tel pays que ce soit l’Algérie, la France ou les Etats-Unis qui ne manquent pas d’instrumentaliser leur engagement au service de leurs intérêts stratégiques propres. La Tunisie, compte tenu de son image très positive dénuée de toute suspicion, gagne à faire prévaloir une démarche multilatérale et des institutions multilatérales auto-centrées (le commandement doit incomber aux pays du Sahel). En effet, le caractère transnational des menaces projetées place le théâtre sahélien « comme partie intégrante d’un champ de confrontation globale » et dicte la mise en place d’une coopération régionale et internationale soutenue et convergente afin de produire des réponses proportionnées et collectivement maîtrisées. Le 16 février 2014 est créé à Nouakchott le G5 sahélien associant la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Tchad et le Burkina Faso. Cette coopération inter-sahélienne doit aller de pair, à l’image du Dialogue 5+5 établi en Méditerranée occidentale, avec la mise en place d’un 5+5 sahélien associant les cinq pays du Maghreb et le Mali, le Niger, le Tchad, le Burkina Faso et le Sénégal (G5 sahélien élargi). Un continuum sécuritaire serait ainsi établi entre les deux espaces en miroir que sont la Méditerranée occidentale et le Sahel africain. Cette initiative pourrait être portée par les autorités tunisiennes.
Tunis, le 2 Mars 2015
Mehdi Taje
Géopoliticien et prospectiviste, spécialiste du Maghreb et du Sahel
Directeur de Global Prospect Intelligence
Source: Leaders.com.tn