Des soldats de l’armée malienne sont accusés par plusieurs témoins d’avoir tué et brûlé trois personnes entre Gossi et Gao, dans le nord du pays. Un porte-parole de l’armée affirme que des investigations sont en cours afin d’identifier les responsables.
Le trafic routier entre Gao et Mopti était complètement interrompu ce 25 avril. Des manifestants, y compris des hommes armés appartenant au Groupe d’autodéfense touareg imghad et alliés (Gatia), occupaient la route nationale à Tin Essamed. Au cœur de leur protestation : l’assassinat présumé de trois personnes de leur communauté, dont les manifestants réclament l’arrestation des auteurs.
La veille, quatre touaregs s’étaient arrêtés au bord de la route principale entre Gossi et Gao, dans le nord du Mali, pour réparer un pneu de leur moto. Après quelques minutes, des hommes en tenue militaire qui escortaient des bus de voyageurs se seraient alors arrêtés à leur niveau, selon plusieurs témoins interrogés par Jeune Afrique. Pris de peur, l’un des quatre hommes aurait fui. Les trois autres, dont l’un serait lui-même un militaire de l’armée malienne, auraient tous été arrêtés puis ligotés par les soldats, avant d’être jetés dans l’arrière de leur pick-up.
Des membres de l’armée responsables ?
Le convoi aurait continué sa route sur Gao, avant de s’arrêter à Intahaka, dans un poste de l’armée. « Les soldats de l’armée malienne ont fait descendre les trois personnes et les ont battues à mort, raconte à Jeune Afrique un villageois, sous couvert d’anonymat, qui a assisté à la scène. Ils ont ensuite demandé aux voyageurs d’apporter du bois et des branches sèches pour les mettre sur le corps des victimes. Les soldats ont mis de l’essence sur les corps, et y ont mis le feu ». Plusieurs autres témoins, notamment des villageois et des passagers présents dans les bus, ont affirmé avoir assisté à une scène similaire.
Dans un communiqué, le Groupe autodéfense touareg imghad et alliés (Gatia) a dénoncé ce qu’il qualifie d’« exécution » et « l’incinération publique des corps d’un adjudant-chef de la Garde nationale et de deux jeunes civils » membres de leur groupe, « sans aucune raison valable (donné) par l’escorte des FAMa », les Forces armées maliennes.
Si l’armée malienne n’a pas encore rendu publiques les conclusions de son enquête, les investigations menées par la gendarmerie de Gao étaient toujours en cours vendredi afin d’identifier les coupables et leurs responsabilités, a confirmé à Jeune Afrique le porte-parole de l’armée malienne, le colonel Diarran Koné. « Pour le moment, nous ne sommes pas certains que ce sont nos soldats qui ont brûlé ces gens », a précisé le colonel Diarran Koné.
« Que justice soit rendue »
Leur mort a provoqué la colère de membres de la communauté touareg Imghad, dont les hauts responsables dans l’administration malienne sont sortis de leur silence. « Ce qui fait mal, c’est que ce sont des jeunes membres du Gatia, des républicains qui défendent le pays, qui sont ainsi victimes des soldats de l’armée malienne », a déploré Mohamed Ag Mahmoud, cadre de la communauté touareg à Bamako et directeur de l’Agence de développement du Nord.
De son côté, le général de l’armée malienne a demandé aux familles des victimes « durement éplorées de s’armer de patience ». « Nous allons nous battre pour que justice soit rendue, a ainsi précisé le général El Hadj Ag Gamou, également fondateur de la milice Gatia. J’ai demandé aux chefs militaires d’arrêter les soldats concernés et de les mettre à la disposition de la justice ».
Ce n’est pas la première fois que l’armée malienne est citée dans une affaire de violation des droits humains. En février 2018, Human Rights Watch dénonçait l’exécution de sept civils peuls dans la commune de Sokolo, près de la forêt de Wagadou, connue pour être un fief de jihadistes. Moins de deux mois plus tard, en avril, 14 personnes avaient été tuées dans un camp de l’armée malienne à Dioura, dans le Centre, « lors d’une tentative d’évasion », selon un communiqué de l’armée. En mai, au moins 12 personnes avaient été tuées à Boulikessi par un détachement de l’armée malienne sous le commandement du G5 Sahel. Malgré les appels à la justice émanant des associations de défense des droits humains, aucun soldat n’a pour le moment été entendu par un juge.
Jeune Afrique
Source: Nord-Sud Journal