Seule la Minusma, à travers son département chargé des droits humains, s’est rendue à Doungoura du 2 au 4 avril 2014, pour observer les faits et échanger avec les populations.
Le silence d’Etat sur le massacre de Doungoura a engendré un sentiment de frustration et de révolte intérieure, parce qu’il apparait comme un quitus octroyé aux malfaiteurs qui ont commis beaucoup de crimes plus tard. Ainsi, de nombreux citoyens, administrateurs et notabilités furent ciblés puis assassinés… Dans ce lot, il y a Boubou Tiello Tamboura, accusé d’excès de loyauté et froidement abattu dans sa concession, devant ses femmes et ses enfants à Saré-Kouyé (commune rurale de Toguéré Coumbé) le 4 mars 2015 ; le chef du poste forestier de Diafarabé (cercle de Ténenkou), criblé de balles sur son lieu de travail le 6 avril 2015 ; le chef du village de Dogo (cercle de Youwarou), Amadou Issa Mody Dicko, assommé pour refus de se soumette au diktat des djihadistes, le 22 avril 2015.
Le 31 décembre 2015, Souleymane Bah dit Kouragal a été assassiné entre Nampala et Dioura. Le 7 janvier 2016, Dioura a été attaquée et les locaux de la mairie saccagés.
Le lendemain, 8 janvier 2016, Ténenkou a été prise pour cible à un moment où le Gouverneur de la région y tenait une conférence de cadres. Les assaillants reviendront à Ténenkou, le 16 janvier 2016. Ils y seront chassés par les forces de défense et de sécurité malienne.
En avril 2016, un homme âgé, Nabé Tamboura, est assassiné à son domicile, à Samina. Le samedi 27 août 2016, quatre personnes ont perdu la vie à Falada, à 20km de Dioura.
En réaction à ce silence coupable des autorités, les communautés des secteurs concernés, meurtries dans leur chair et dans leurs âmes, ont décidé d’organiser la riposte. À l’issue d’une grande rencontre qui a regroupé le mercredi 26 février 2014, 46 villages après le massacre de Doungoura, une association de 120 membres avait été formée sur place pour suivre, encadrer et veiller à l’exécution d’une instruction: « Défendez-vous ! Financez-vous ! Préservez votre cheptel, vos biens, vos vies ! Un mauvais signe dans un pays.
Plus tard, naîtra un vaste mouvement armé peul appelé Alliance nationale pour la sauvegarde de l’identité peule et la restauration de la justice (Ansiprj). Dirigé par Oumar Aldjana, son objectif est de mettre fin aux exactions contre tous les Peulhs du Mali, mais particulièrement ceux du Centre du pays, victimes d’amalgame : « on les tue, on les agresse pour cela. Ils sont la cible de l’armée, mais aussi de milices proches du gouvernement. Dans la région de Ténenkou, le pouvoir a mis en place une milice bambara pour attaquer les Peuls. Cette milice a reçu des armes, et elle est dirigée par un capitaine de l’armée basé à Ténenkou. Il est temps de réagir. Des gens meurent. D’autres fuient dans des camps de réfugiés en Mauritanie. Nos familles sont dispersées. Les responsables maliens doivent mettre fin à cette barbarie. Tant qu’ils ne feront rien, nous nous battrons ».
Pour Oumar Aldjana, l’ennemi, c’est l’armée malienne, qui s’en prend à tous les Peuls. « Nous ne tolèrerons plus un seul mort. Nous ne sommes ni des djihadistes, ni des indépendantistes. Nous ne revendiquons pas un territoire. Nous ne sommes pas contrel’accord de paix d’Alger. Nous réclamons aussi la justice. En 2013, l’armée a tué trente Peuls à Léré, qu’elle a balancés dans des puits. Il n’y a eu aucune enquête. Le mois dernier, 90 Peuls ont été tués près de Ténenkou. Des hommes ont été arrêtés, puis ils ont été libérés. C’est inadmissible. Nous ne faisons que réclamer le droit de vivre, comme tout citoyen de ce pays. Et nous irons jusqu’au bout pour sauver l’identité peule. Partout où nous croiserons des soldats maliens, nous les attaquerons ».
Source: L’ Aube