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Mali : comment va se dérouler le retrait des troupes françaises ?

C’est finalement lors de la conférence de presse de ce jeudi 17 février que le Président Macron, accompagné de ses partenaires, a annoncé le retrait des troupes militaires françaises du Mali, ainsi que celui des troupes européennes et canadiennes. Cette annonce signe la fin de Barkhane. Comment la France va-t-elle organiser le retrait des 3.000 hommes et de leur matériel ? À quelles difficultés peut-elle s’attendre ? Éléments de réponses avec Bruno Clément-Bollée, ancien officier français et consultant expert en Afrique dans le domaine sécuritaire.

TV5MONDE : Le président Macron a annoncé avec ses partenaires le retrait des troupes françaises, européennes et canadiennes du Mali. De combien d’hommes parle-t-on parmi les troupes françaises ? 

Bruno Clément-Bollée : L’essentiel des forces que nous avons au Mali actuellement représente un peu plus de 2.500 hommes aujourd’hui, quasiment 3.000. Ces forces combattantes s’accompagnent de points d’appui pour être ravitaillées, des bases arrière. Le retrait de ces hommes et de ces bases fait suite à une reconfiguration annoncée en juin dernier et déjà entamée. Elle nous avait déjà fait abandonner certaines emprises, dont Gao et Ménaka dans la zone des “trois frontières”. L’exercice va donc consister à passer ces forces au Niger, qui a été choisi comme point d’appui en toute logique.

Il a été indiqué lors de la conférence de presse de ce jeudi 17 février que les forces maliennes, ainsi que la Minusma aideraient à ce désengagement. C’est une très bonne nouvelle pour nous.
Bruno Clément-Bollée, ancien officier français et consultant expert en Afrique

TV5MONDE : D’un point de vue logistique, comment se passe un tel retrait de troupes et de matériel ?

Bruno Clément-Bollée : C’est une opération logistique en soi. Ce désengagement concerne des hommes, des femmes mais aussi des équipements et du matériel. Il y a du matériel parfois très lourd, comme de gros conteneurs, qu’il va falloir transporter d’une manière ou d’une autre. Certains véhicules peuvent rouler, donc pour ceux-là, ce ne sera pas difficile. Pour le reste, il y aura les équipements que l’on pourra dégager par les airs, et ceux qui seront trop lourds et encombrants et qui ne pourront être transportés que par la route.

Il a été indiqué lors de la conférence de presse de ce jeudi 17 février que les forces maliennes, ainsi que la Minusma, aideraient à ce désengagement. C’est une très bonne nouvelle pour nous. L’aide de la Minusma n’est pas surprenante, celle des forces maliennes l’est un peu plus. Encore que, ça ne l’est pas vraiment pour nos militaires français, parce que sur le terrain, les choses se passent très bien entre militaires français et militaires maliens. Il y a encore eu des opérations communes la semaine dernière.

Pour autant, ce désengagement sera long. Il a été donné à un terme de 4 à 6 mois sur la fermeture des bases, c’est un minimum.

TV5MONDE : Il semble y avoir un décalage entre la réalité du terrain et les déclarations de la junte militaire au pouvoir, qui donnent l’impression d’une véritable hostilité envers les troupes françaises ?   

Bruno Clément-Bollée : Oui, il y a un décalage profond entre les autorités politiques, leurs déclarations très agressives et le comportement des militaires maliens sur le terrain. La junte au pouvoir est engagée dans une espèce de fuite en avant. Pas seulement la junte d’ailleurs, mais aussi ceux qui travaillent avec eux, comme Choguel Maïga, le Premier ministre, qui n’est pas un militaire.

TV5MONDE : La saison des pluies arrive bientôt au Mali. Cela peut-il présenter un risque de retard pour l’opération ? Bruno Clément-Bollée : Le retrait devrait déjà être bien entamé avant le début de la saison des pluies, qui commence en mai-juin. C’est sûr que cela n’aide pas, mais on sait faire. Je pense plutôt à d’autres difficultés.

TV5MONDE : D’ordre sécuritaire, par exemple ? 

Bruno Clément-Bollée : Oui, notamment. N’oublions pas que nous sommes en pleine zone de l’EIGS {État islamique dans le Grand Sahara}, de l’État Islamique et aussi de certaines Katibas {unités combattantes} d’AQMI. L’autre difficulté à prévoir, c’est la réaction de la population. J’espère qu’elle ne sera pas manipulée comme on a pu le voir ici ou là pour bloquer des convois. Quand vous avez des femmes et des enfants qui sont devant les convois, on ne peut rien faire. On a vu les déboires de notre convoi qui a mis un mois à monter vers le Burkina Faso, puis le Niger et le Mali.

Minusma qui reste, cela traduit surtout que le Mali n’est pas abandonné par la communauté internationale.
Bruno Clément-Bollée, ancien officier français et consultant expert en Afrique

TV5MONDE : La force de l’ONU, la Minusma reste au Mali. Que cela signifie-t-il pour les troupes françaises, mais aussi pour la population ? N’y a-t-il pas un risque de confusion ?  

Bruno Clément-Bollée : Vous avez raison de poser la question dans ces termes-là. Il faut examiner en détail chaque entité, parce que chaque entité a un regard particulier sur cet évènement. Commençons par la Minusma, pour qui ce n’est pas une bonne nouvelle. Il y avait des accords entre la Minusma et Barkhane/Takuba. La Minusma bénéficiait d’appuis, notamment quand les choses pouvaient mal se passer.  On l’a déjà constaté. Dorénavant, elle devra se défendre elle-même. Je pense qu’elle va être amenée à se reconfigurer, suite à ce départ.

La deuxième chose, c’est le regard de la population face à Barkhane et Takuba qui partent et Minusma qui reste. Cela traduit surtout le fait que le Mali n’est pas abandonné par la communauté internationale. Les autorités politiques ont fait le choix de partenaires dits alternatifs comme la Russie, la Chine, ou encore la Turquie. Elles ont choisi de rompre avec les alliés traditionnels. Mais on voit quand même que la communauté internationale est encore présente en nombre.

La Minusma est la deuxième plus grosse opération de maintien de la paix des Nations Unies, après le Congo {Monusco}. Ce n’est pas rien. C’est une bonne chose qu’elle reste, parce que cela permet de conserver le canal, de garder un lien et le jour où cette fuite en avant des autorités politiques aura cessé, ce sera plus facile de renouer avec des contacts qui ne demandent qu’à l’être. C’est comme cela qu’il faut le voir.

On va vers des systèmes basés sur beaucoup plus de renseignements et des forces moins nombreuses, mais plus souples, plus réactives, plus mobiles, plus faciles à soutenir.
Bruno Clément-Bollée, ancien officier français et consultant expert en Afrique

TV5MONDE : Vous parliez plus tôt du redéploiement des forces vers le Niger, vers la zone des “trois frontières”. S’agit-il d’un déplacement des mêmes hommes, d’un envoi d’un nouveau contingent ?

Bruno Clément-Bollée : La France, quand elle fournit des forces, organise son engagement. Pour ce genre d’opérations, la durée d’engagement est d’environ 4 mois, et ensuite on relève le contingent, quoi qu’il arrive. Dans le cas présent, certains soldats arrivant à la fin de leur engagement sur cette opération rentreront et seront remplacés. Pour ceux qui sont arrivés plus récemment, ils resteront.

Ensuite, pour comprendre la forme que va prendre ce déploiement au Niger, il faut le situer dans la reconfiguration qui avait été annoncée ces derniers mois. Aujourd’hui, selon les états-majors et les autorités françaises, un engagement de type Barkhane ne correspond plus à la façon dont il faut gérer la situation. Il était donc prévu de faire évoluer la force de notre présence en un détachement beaucoup moins lourd que Barkhane.

Barkhane s’était répartie sur l’ensemble du territoire avec beaucoup d’emprises sur le terrain. L’une des difficultés rencontrées a été la lourdeur de la logistique nécessaire pour maintenir toutes ces emprises. Les manœuvres étaient compliquées. Compte tenu de la façon dont les forces djihadistes combattent, il y a une adaptation de notre engagement dans la forme. On va vers des systèmes basés sur beaucoup plus de renseignements et des forces moins nombreuses, mais plus souples, plus réactives, plus mobiles, plus faciles à soutenir. Un engagement moins massif, mais beaucoup plus ciblé sur la façon d’agir des katibas. Ce système de combat nécessite moins d’effectif. Cela arrange tout le monde. Les annonces pour début 2023 parlaient d’environ 2500 hommes.

Source: TV5

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