Le Premier ministre, le Dr Choguel Kokalla Maïga, a convié à une rencontre d’échange, ce lundi 7 février 2022, le corps diplomatique et consulaire accrédité dans notre pays. Second du genre après celui du jeudi 09 septembre 202. L’exercice hautement diplomatique avait pour but de plaider auprès des partenaires la bonne foi du Mali injustement et inhumainement accusé et sanctionné et d’étayer les arguments de défense du gouvernement qui a toujours besoin d’écoute, de compréhension et d’accompagnement de ses vrais amis. Ne dit-on pas que c’est dans les moments d’épreuve qu’on connait ses vrais amis, des amis dont le soutien n’a jamais fait défaut au Mali.
Dans la salle de conférence de la Primature, l’hôte de la rencontre d’échange était face aux membres du corps diplomatique et consulaire accrédité dans notre pays au nombre desquels le Doyen du Corps Diplomatique par intérim, les Ambassadeurs, les chefs de Mission diplomatique et Poste Consulaire et les représentants des Organisations Internationales mais aussi les membres du Gouvernement de la Transition dont le Ministre des maliens Établis à l’Extérieur et de l’Intégration Africaine, assurant l’intérim du Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération Internationale.
En dépit du contexte de forte tension diplomatique, la rencontre du lundi après-midi s’inscrivait dans la forte tradition de dialogue et de concertation qui caractérise les relations que le Mali entretient avec ses amis, partenaires, organisations sous régionales, régionales et internationales qu’il se fait le devoir de rencontrer, chaque fois que de besoin, sous forme de réunion d’information ou d’échanges, autour de sujets d’intérêt commun, dont l’objectif ultime est de renforcer la compréhension mutuelle.
Introduisant cette très importante réunion d’échange, le Premier ministre, Choguel Kokalla Maiga, dira que l’action diplomatique de notre pays repose sur la coopération, la solidarité, l’entraide, la compréhension mutuelle, le bon voisinage, mais le principe sacro-saint du respect de la souveraineté et de la non-ingérence dans les affaires intérieures.
S’adressant aux ambassadeurs, le Chef du gouvernement a dit donc que pour le Mali, «le partenariat, c’est l’écoute mutuelle, c’est le respect mutuel, c’est agir ensemble, c’est travailler de concert sur des objectifs communs, au bénéficie mutuel de nos pays et de nos peuples respectifs.
Le partenariat, c’est la non-immixtion et la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un Etat ; c’est le respect plein et entier de sa souveraineté et de son indépendance.
Le partenariat, ce n’est pas de nous donner des injonctions, mais de se parler en faisant preuve d’écoute mutuelle, pour comprendre et si possible prendre en compte nos préoccupations réciproques.
Ces principes sacro-saints auxquels le Mali demeure fermement attaché n’ont, hélas pas toujours été observés ni respectés ces derniers temps. Ils sont même mis à mal dans le moment présent par ceux qui se croient fondés à décider pour nous et à notre place».
Choguel Kokalla a expliqué au corps diplomatique les liens forts qui existent entre le Mali et la CÉDÉAO avant d’exposer les divergences sur la base des sanctions injustes infligées à notre pays.
La vocation du Mali étant l’Afrique, son unité, son intégration politique et économique, l’engagement panafricain, a-t-il expliqué, est une constance qui habite notre pays depuis son indépendance. Il est gravé dans le marbre, au travers de toutes les Constitutions dont le Mali s’est doté, depuis le 22 septembre 1960, date officielle de la proclamation de la République du Mali en tant qu’État indépendant et souverain.
Mais, ce qui nous oppose à la CEDEAO en ce moment, a dit Choguel Kokalla Maïga, est la différence de grille de lecture sur la Transition politique en cours au Mali, notamment sur ses spécificités, sur ses défis et ses enjeux qui la différencient de beaucoup de processus politiques similaires en cours en Afrique.
Le Mali prend grief du fait que la CEDEAO use d’un prisme simpliste d’analyse qui ne tient pas compte, du point de vue du gouvernement, ni de l’aspiration profonde du peuple malien au changement et à la stabilité, ni de la complexité de la crise multidimensionnelle qui affecte le Mali depuis plus d’une décennie.
Le Premier ministre, Chef du gouvernement a expliqué que ce qui nous oppose le Mali à la CEDEAO, «c’est cette volonté acharnée, sous le couvert de la préservation de l’ordre constitutionnel, de certains Chefs d’Etat de vouloir vassaliser le Peuple malien pour le compte de l’agenda cachée de puissances extra-africaines, profitant du fait qu’aujourd’hui l’Etat malien est affaibli, ébranlé dans ses fondements et se trouve à terre, pour des raisons sur lesquelles il n’est nullement besoin de s’attarder, car suffisamment connues de tous les observateurs avisés ».
Or a-t-il dit aux ambassadeurs, la Transition actuelle n’est pas le fruit d’une prise de pouvoir classique de la part de militaires ayant fait irruption par effraction sur la scène politique par attrait du pouvoir. Mais le couronnement d’un soulèvement populaire qui a mobilisé le Peuple dans la rue, des mois durant, pour exiger la fin de la dérive et l’abîme dans lesquelles la mauvaise gouvernance, la corruption, l’impunité et l’impasse sécuritaire ont fini par plonger notre pays, menacé de dislocation si non de disparition en tant que Nation, en tant qu’Etat indépendant et souverain.
Plaidant la bonne foi des jeunes officiers qui ont pris le pouvoir le 18 août 2020, le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga dira qu’on ne saurait ramener raisonnablement la Transition, sauf à être dans une approche réductrice, parcellaire ou binaire, à la tenue seulement et uniquement d’élections en occultant le fait que la grave crise politique, sociale et sécuritaire qui a conduit à la démission de l’ancien Président de la République en 2020 (paix à son âme ! ) était née justement d’une crise électorale.
Fustigeant la démocratie électorale sans garantie et la stabilité factice préjudiciable à la quiétude des populations, Choguel Kokalla Maïga estime que la question des reformes politiques est une question fondamentale et un enjeu de stabilité et de survie pour le Mali. De la même manière, il pense que la lutte contre la corruption et l’impunité, ainsi que le retour d’un minimum de sécurité sont des nécessités vitales pour le Mali. Toutes choses qui constituent les priorités qui sont au cœur de la vision de refondation de l’Etat et de l’amorce du Mali Nouveau, le Mali Kura.
Ce que le Mali déplore et condamne c’est l’attitude néo-paternalisme de la CÉDÉAO qui en recevant le projet de chronogramme qu’elle n’a eu de cesse de réclamer avec insistance, sans mener aucune consultation avec le Mali, a préféré lui imposer des sanctions punitives.
Le Premier ministre, a saisi l’opportunité de cette rencontre d’échange avec les diplomates pour rappeler avec force que les sanctions prises à l’encontre de notre pays sont illégales et illégitimes par ce qu’elles ne sont prévues par aucun texte pertinent de l’organisation. Avant d’ajouter qu’en Droit, une telle attitude de déni de légalité n’est ni plus ni moins que le fait du Prince.
Ce que le Mali reproche aussi à la CÉDÉAO c’est qu’au lieu d’ouvrir le dialogue avec lui autour de ses propositions formulées elle a choisi unilatéralement de décréter en son encontre des mesures injustes et sauvages dont l’objectif n’est rien d’autre que de l’asphyxier et de le présenter comme un paria parmi les nations sœurs. C’est pourquoi il n’est pas exagéré de dire que l’objectif inavoué et inavouable de la CÉDÉAO, à court terme d’asphyxier l’économie du Mali, afin d’aboutir, pour le compte de qui l’on sait, et par procuration, à la déstabilisation et au renversement des institutions de la Transition.
En effet, le Premier ministre, Chef du gouvernement a démontré magistralement devant le corps diplomatique accrédité dans pays que la fermeture des frontières n’est prévue par aucune disposition des textes de la CEDEAO, qu’il s’agisse du Traité de la CEDEAO, du Protocole additionnel du 21 décembre 2001 sur la Bonne Gouvernance et la Démocratie, ou de l’Acte Additionnel du 17 février 2012 portant Régime des Sanctions.
Outre les violations graves du droit communautaire, les sanctions de la CEDEAO violent également le droit international, en particulier certains instruments juridiques internationaux pertinents notamment la Convention relative au Commerce de transit des Etats sans littoral de 1966 et la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982.
Choguel Kokalla Maïga n’a pas oublier aussi de fustiger les mesures économiques et financières prises en violation du Traité de l’UEMOA et de l’article 4 des Statuts de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) qui stipule, je cite :
« Dans l’exercice des pouvoirs et dans l’accomplissement des missions qui leur sont conférés par le Traité de l’UMOA et par les présents Statuts, la Banque Centrale, ses organes, un membre quelconque de ses organes ou de son personnel ne peuvent solliciter, ni recevoir des directives ou des instructions des institutions ou organes communautaires, des Gouvernements des Etats membres de l’UMOA, de tout autre organisme ou de toute autre personne…».
Face à l’arbitraire et au fait de Prince de la CÉDÉAO et l’UEMOA que resterait-il au gouvernement et au peuple du Mali ? S’assumer et assumer ses choix souverains ainsi que les attentes légitimes du peuple du Mali. Aussi, le gouvernement du Mali a élaboré le Plan de riposte pour la sauvegarde de la souveraineté et la préservation de l’intégrité du territoire national ; Plan de riposte adopté par le Conseil Supérieur de Défense, 14 janvier dernier.
Choguel Kokalla Maïga s’en pressera de rassurer ses hôtes et interlocuteurs sur l’option du dialogue, de la tolérance et de la non belligérance du Mali : « le Mali demeure une terre de dialogue. Notre pays et notre peuple, profondément pacifistes et tolérants, n’entendent engager de bras de fer avec aucun État, ni avec aucune institution, surtout pas avec les peuples frères de la sous-région avec lesquels il est lié par un destin commun, par l’histoire et la géographie ». Mais le Mali défend et défendra jusqu’au sacrifice suprême son indépendance, sa souveraineté, son honneur, sa dignité, sa fierté, son unité, son intégrité territoriale. Comme son hymne convie chaque Malien :
«Si l’ennemi découvre son front Au-dedans ou au-dehors Debout sur les remparts
Nous sommes résolus de mourir »
Et qu’on se rassure, dans cette lutte pour la restauration de l’honneur et la dignité les fils et les filles ne seront pas seuls et le Mali n’est pas seul et ne sera jamais isolé.
Occasion pour Choguel Kokalla Maïga de renouveler la reconnaissance du Mai à la Communauté internationale pour son soutien et la gratitude de notre peuple et de notre Gouvernement à tous les peuples africains, ici sur le continent et au sein de la diaspora africaine, à la République de sœur de Guinée, à la République Islamique de Mauritanie, et à la République Algérienne Démocratique et Populaire, tous des pays frères et voisins dont la solidarité agissante avec le Mali démontre que nous ne serons jamais isolés et que nous ne sommes pas seuls, a-t-il dit.
PAR MODIBO KONÉ
Source : Info-Matin