La suspension des opérations militaires françaises au côté de l’armée malienne décidée par Emmanuel Macron tourne au bras de fer. Sa menace de retrait des troupes de l’opération Barkhane ne semble pas impressionner le chef des putschistes.
Après avoir forcé à la démission le Premier ministre et le Président qu’il avait nommé après un premier coup d’État, l’homme fort de la junte, le colonel Assimi Goïta est investi aujourd’hui Président à sa place. Devant le fait accompli, les autorités françaises apparaissent impuissantes malgré 5 100 soldats qui empêchent, avec beaucoup de difficultés, les groupes armés terroristes d’arriver à la capitale Bamako.
« Les menaces ne feront que compliquer la situation »
Paris ne demande plus, de toute manière, la démission du colonel mais la tenue d’élections après la fin de la période de transition, dans neuf mois. Du coup, l’officier chef de l’État devrait nommer un opposant, Choguel Maïga, Premier ministre, pour préparer le retour des civils au pouvoir en février 2022. Ce politicien malien est la figure du mouvement du 5 juin qui a forcé au départ l’ex Président Keïta et permis la venue des militaires au pouvoir.
Devant plusieurs centaines de ses partisans, il a voulu apaiser les relations avec Emmanuel Macron en assurant que son pays tiendra « ses engagements internationaux connus de tous » à condition qu’ils ne soient pas « contraires aux intérêts fondamentaux du peuple malien », ajoutant « que les invectives, les sanctions, les menaces ne feront que compliquer la situation ». Un message destiné aux instances africaines mais aussi au Conseil permanent de la francophonie qui ont suspendu le Mali, et à la Banque Mondiale qui a cessé ses décaissements pour des projets qu’elle finance à hauteur de 1,5 milliard de dollars au Mali.
Négociation avec les jihadistes
Mais c’est surtout à Emmanuel Macron que ces messages ambigus sont destinés. En fait, la junte cherche à ne pas envenimer davantage le bras de fer engagé par le président français, sans lâcher sur l’essentiel. Le chef du mouvement du 5 juin pressenti pour être Premier ministre est proche de l’imam Mahmoud Dicko qui rassemble des milliers de fidèles à chacun de ses prêches enflammés. C’est grâce à ses réseaux que des contacts ont été établis avec des chefs islamistes maliens qui commandent des groupes armés peuls et dans une moindre mesure touaregs. Des responsables que l’armée française cherche à éliminer, alors que du côté des officiers maliens, une négociation avec les jihadistes n’est pas à exclure, comme l’ont fait le régime algérien, et les Américains en Afghanistan pour sortir du bourbier.
Un massacre au Burkina Faso
À Paris, cette option n’est pas à l’ordre du jour bien que depuis deux ans des contacts informels ont lieu entre Bamako et ces islamistes, sans que les autorités françaises ne soient dans le secret et risquent donc d’être prises de court. C’est ce que cherche à éviter Emmanuel Macron en mettant la pression sur le colonel Goïta, aujourd’hui Président, quitte à aggraver au Sahel le sentiment contre la France, accusée de prolonger cette sale guerre en n’étant pas venu à bout des islamistes au bout de huit ans.
Pour l’officier président malien, la suspension des opérations françaises avec ses troupes ne change pas la situation. Assimi Goïta connaît les carences de son armée, la situation sécuritaire catastrophique de son pays, et du Burkina Faso voisin où 160 villageois, dont 30 enfants, ont été tués samedi probablement par des jihadistes. Les offensives conjointes conduites dans cette zone par des unités africaines et les aéronefs de Barkhane n’ont pas pu empêcher ce massacre.
Source: Le Télégramme