Le Mali à l’instar de la communauté internationale observe depuis quelques jours le ramadan, mois de pénitence, de prières de manifestation de la dévotion des musulmans envers Allah, l’Unique, le Tout-puissant. Pendant ce mois béni, de partage des repas de rupture de jeûne, et d’exaltation de la solidarité, il est de coutume à Bamako, que les couples apportent des plats spéciaux, aux proches parents et particulièrement à la belle famille.
Ce geste est plein de symbole de respect, de reconnaissance, de quête ancestrale des bénédictions auprès des personnes âgées. Ce repas spécial appelé «bouranfana» en bambara, constitue une marque de respect et de considération. Il consolide les liens familiaux. La préparation de ces repas spéciaux, au cours de ce «ramadan 2019» pose d’énormes soucis aux nombreux couples de faibles revenus. Les prix des condiments et d’autres ingrédients ont pris l’ascenseur, en cette période. Les couples tous les jours font de la gymnastique pour faire bouillir la popote et garnir le plateau des boissons de rupture de jeûne. Le contexte socio économique de 2019 est difficile.
A ce sujet, nous avons recueilli les confidences de quelques femmes. Mme Diarra est mariée depuis une dizaine d’années. « Ce mois sacré demande des dépenses supplémentaires. Quand on jeûne forcément, les habitudes alimentaires changent. Et tout devient cher. Au cours des premiers jours, la priorité est accordée au don de sucre fait aux proches parents. Pendant tout le mois, les préparatifs de la fête de fin de ramadan occupent les esprits. Où trouver de l’argent pour faire face à la surenchère exercée par les commerçants sur les prix de toutes les parures ? »
Mme Diarra continue : « S’il faut offrir plusieurs plats aux parents et connaissances, cela devient compliqué, au regard de la situation socio économique qui prévaut dans le district de Bamako. Surtout que les plats doivent être de qualité supérieure ». Elle ajoute que sa bourse ne lui permet pas cette année de faire face à cette tradition. « C’est une tradition que je respecte depuis la première année de mon mariage. Mais cette année, je n’offrirai pas de repas spéciaux ni à ma belle famille, ni à mes propres parents. A moins de bénéficier d’une rentrée surprise d’argent.» A l’impossible nul n’est tenu. Elle espère sur la bonne compréhension de ses proches.
50 000 FCFA. Tout comme Mme Diarra, Mme Diawara, mariée depuis six ans se plaint de la charge liée au respect, cette année, de ce geste de solidarité. « Mon mari me donne une somme forfaitaire chaque année, qui ne couvre pas toutes les dépenses. Tout devient cher pendant ce mois ci. Je suis obligée de contribuer également», a-t-elle souligné. Chaque année, cette épouse modèle apporte de la nourriture à certains membres de sa belle famille, à certains de ses parents proches, notamment sa marraine, celle de son mari, sa mère, le témoin de son mari et le sien. Les dépenses liées à ce geste avoisinent 50 000 Fcfa. Cette année elle a décidé d’exclure certaines personnes. « Le mois de carême tombe sur un moment un peu difficile. J’ai décidé de diminuer le nombre de personnes à servir. Je me rachèterai le jour de la fête en leur réservant un plat ». Les conditions de vie dans une grande famille l’oblige à réduire ses ambitions. Les années passées, elle avait les moyens de préparer le « bouranfana » dans des grosses marmites. Elle faisait plaisir à chacune des belles sœurs de son mari, sans oublier ses sœurs mariées à côté de leur famille.
La mariée depuis deux ans, bamada Mme Traoré affirme qu’elle est obligée de perpétuer la tradition, malgré la crise financière qui l’affecte durement. « L’année dernière, j’ai préparé à mes frais. J’ai déboursé une grosse somme. Cette année, je ferai de même. Si je me soustrais à cette obligation, ma belle famille ne va pas comprendre. Nous les nouvelles mariées d’aujourd’hui, sommes critiquées de tous les côtés», a-t-elle soutenu. «Ma première année, J’ai prévu tous les parents proches de mon mari et les miens. J’ai acheté 10 poulets accompagnés de frites et de banane plantain», rappelle-t-elle. Pour diminuer les dépenses en 2019, elle va préparer le plat fétiche de concert avec sa sœur. « La situation actuelle de rareté de l’argent nous y oblige. Nous avons décidé de préparer du «djouka», met à base de fonio, accompagné de poisson. Chacune apportera sa contribution. Le repas préparé en commun sera partagé entre nos belles familles», a-t-elle expliqué.
«Les temps sont durs. Les parents doivent comprendre que ce n’est pas facile. Mon mari ne gère pas ce côté des dépenses. C’est à mes charges chaque année. Si je ne le fais pas, la grande famille n’accusera pas mon mari, mais moi son épouse», a conclu Mme Traoré. Cette année, l’enseignante Mme Coulibaly, mariée depuis 5 ans, a réduit le cercle des bénéficiaires du « bouranfana» L’année prochaine si les moyens sont suffisants, je servirai les autres parents », a promis l’enseignante. Depuis quelques années elle se pliait en quatre pour satisfaire sa belle famille. Elle est soulagée,dira-t-elle, d’avoir pris cette décision.
Aminata Dindi
SISSOKO
Source: L’Essor- Mali