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Macron, le visa, le gaz et le reste

L’Elysée affirme que « Ce déplacement contribuera à approfondir la relation bilatérale tournée vers l’avenir au bénéfice des populations des deux pays, à renforcer la coopération franco-algérienne face aux enjeux régionaux et à poursuivre le travail d’apaisement des mémoires » selon l’AFP.

Tout ce qui se rattache aux relations franco-algériennes ne peut s’abstenir de ne pas relever la complexité des visas. Certes, dans l’échange inter-nation ,y a plus consistant, de l’urgence des priorités aux enjeux géopolitiques, de l’alignement de thèses au positionnement politique, des attraits économiques aux aiguilles de la balance commerciale. C’est ainsi que cette «visite» aura à surfer sur pas mal de points de vue, des couleurs du temps, de ses éphémères nuages, de ses furtives éclaircies, des amours effilochées, des écarts de langage, des colères emprisonnées, de tous les supposés droits de l’homme et d’expression sans toutefois ne pas lorgner, d’une façon ou d’une autre à ce dossier. Tous les autres dossiers en leurs diverses natures concernent les institutions et les organes publics des deux pays; le visa, quant à lui ; est lié à deux populations, semble-t-il, se dire dans l’air d’Alger. C’est pour ça que l’on en parle.

Le visa de Macron

Son visa est pluriel. C’est plus qu’une estampille adhésive. Il est ancestral. C’est un renouvellement et non une primo demande. Le visa dans ce sens là, n’est pas celui qui se délivre dans un consulat. Non plus, celui qui s’obtient par la moitié d’un nombre qu’une politique étrangère eût à fixer dans l’euphorie des convulsions diplomatiques. Son visa est une invitation, sans l’exigence de certificat d’hébergement ou de réservation d’hôtel. Il n’avait pas à servir des cases via un prestataire de service ou justifier de moyens de subsistance suffisants durant son séjour, ni souscrire une assurance voyage ni produire un pass-sanitaire. Il s’est engagé solennellement à ne tenter nulle procédure le menant à s’installer sur le territoire d’accueil. La conquête des territoires n’est plus à la mode. Sa caution morale serait une garantie sûre pour le croire d’abord sur parole de bon citoyen, ensuite sur déclaration officielle. Sa présence, sa frimousse au faciès bien fait et son ménage parfaitement équilibré ne constituent aucun risque majeur d’une hypothétique immigration clandestine. Il a ses attestations de travail, son affiliation de sécu sociale, son p’tit compte en dinars convertibles, ses bilans financiers. C’est dire que le visa de Monsieur Emmanuel Macron, président de la République française, en visite officielle en Algérie doit être un visa serti par un seau populaire. Une bienvenue signée par le peuple. Le cachet y apposé n’est pas sec. Il est encore et toujours humide. A chacun de faire ses recherches et s’en convaincre, quant à l’origine et la substance de cette humidité. Peut-on les trouver dans des pages encore fraîches d’un livre d’histoire qui ne s’est pas terminé de s’écrire ? Ou doit-on les entrapercevoir dans le voile brumeux d’un jour à venir qui refuse de se lever ?

Le visa des autres

Ce « déplacement » annonce t-il vient « renforcer les relations entre les populations ». Et ceci n’est pas sans évoquer le « fameux » visa. Les peuples ne peuvent se libérer du carcan de leurs propres convictions, étant coincé chacun dans son coin ; que si échange y est. L’interaction des cultures favorise la compréhension l’un de l’autre.

Pour ce qui de la délivrance ou la réduction des visas, c’est une question de souveraineté sans ambages. La France est libre dans ses décisions. Néanmoins consentons à le dire que si ce visa est parfois la clef d’un rêve pour toute cette nouvelle génération éprise d’évasion et de liberté ou son accès vers un cauchemar insoupçonnable ; il est surtout un enjeu diplomatique obscur dans un enjeu politique versatile. A une situation donnée, on le brandit tel un outil de pression, omettant ainsi qu’il ne peut toujours atteindre l’objectif escompté. Chaque pays tend à protéger son intégrité, veiller à la sauvegarde de ses fondamentaux, de ses référentiels doctrinaux, de ses repères socio historiques. Il est dommageable que de tels flux migratoires soient pour les uns la fuite d’une négation sociale et l’entorse d’une harmonie sociale pour les autres. Chacun est dans sa légitimité lorsque chacun est dans sa tourmente. Il y sera certainement, quoique en filigrane, question des cas d’expulsion, de retour de ces anonymes désespérés, de ces perdus sans papiers, de ces exils basanés, de ces sentences en exéquatur, de ces chahuts offshore.

Le visa des autres n’est pas toujours une fraude ou une installation hasardeuse sur le pont de Barbès. Il peut être un pont de famille, un ticket d’accès à une certaine humanité, une tribune culturelle ou un tourisme que les moins de vingt ans ne peuvent connaitre. Les frapper de refus, c’est un peu se mettre une dose de haine supplémentaire, une sorte de démenti des valeurs dites républicaines.

Le visa de la mémoire

Oui, « approfondir les relations bilatérales tournées vers l’avenir » est un indice révélateur de bonne foi, et qui ne peut aucunement faire l’impasse sur un passé qu’il ne faudrait éthiquement qu’assumer en toute responsabilité. Quelle que soit la longueur de la nuit, le soleil finira par se lever aurait dit un Victor Hugo apprécié.

L’histoire est un fait têtu et non pas un libre commentaire d’historiens. On ne joue pas avec. « C’est un produit dangereux ». Ça ne sera pas à un rapport de 146 pages blanches inélégamment remplies d’encre et de style mi-figue, mi-raisin de pouvoir effacer des horreurs remplies de noir et de sang. Réconcilier les mémoires est une nécessité. Apaiser les douleurs mémorielles est une thérapie pour une histoire qui souffre de plaies et de dénis. Ce n’est pas à un jeu de mots ou une simple embrassade entre deux présidents mortels qui aura à le faire. On n’efface pas d’une signature ce que la monstruosité coloniale a causé comme crimes restés sans châtiment. L’on peut ne regarder que l’avenir, l’on peut s’empêcher de crier encore, l’on peut absoudre la bêtise reconnue. Seule la vérité, telle qu’elle était vécue est capable de dissoudre l’équivoque et de dégeler

A lire la presse algérienne, suite à la diffusion du rapport Stora ; l’on sent de la déception chez tout citoyen. Une dépossession de gloires. Il a exacerbé davantage le sentiment de la francophobie au lieu de savoir le contenir. Un regard en conséquence à ce qui lui a été répondu, tant par ses collègues algériens que par la large opinion publique ou par les simples observateurs dont votre serviteur qui s’est vu bloqué sur twitter par le Monsieur, à la publication de son avis ; est à jeter dans une nouvelle lecture des faits historiques (ma chronique « le jeu des mémoires, l’enjeu de histoire » in Quotidien d’Oran du 05 février 2021). Ainsi, le premier apaisement ne vient pas, à vrai dire, des politiques ; mais de la lecture désinteréssée, impassible, impartiale et juste des mêmes faits.

L’oubli est un produit qui ne se fabrique pas du jour au lendemain. Il ne bloque pas d’avoir cependant la tête « tournée vers l’avenir ». Si les excuses seraient difficiles à prononcer, elles ne doivent pas toutefois être impossibles. Cela exige du courage et de la tranquillisation des consciences morfondues.

Cette visite devait le mener à Oran, façon de voir la maison rénovée en musée du couturier Yves Saint-Laurent. C’est une façon de rentrer dans une certaine mémoire. A Arris, les Aurès ; y a la maison de Mostefa Benboulaid rénovée en musée et y a ainsi l’autre façon de rentrer dans la même mémoire. Fallait éviter tous les musées, car un musée c’est un miroir silencieux d’un passé qui hurle encore. Il ne reflète nullement le regard à tourner vers l’avenir que l’on carillonne dans le communiqué. Le temps saura faire des choses, et des meilleures. Fixons l’avenir.

Le visa des intérêts

Les États coopèrent sur la base de l’intérêt réciproque.ils tentent, pour les détenteurs de puissance d’amarrer à leur borne ceux qui sont à la lisière d’un monde qui persiste à se faire sans eux. Mais ce monde bouge trop vite tellement les tenants et aboutissants changent aléatoirement de mains. L’Europe n’est plus un ensemble d’Etats indépendants. Engloutis par une union précaire qui a son tour suit le vent atlantique. En son propre sein, les jalousies économiques et les partenariats nouvellement actés ne se laissent plus s’adoucir par cet esprit communautaire. Le « gagnant/gagnant » fait abstraction de toute appartenance continentale. Les privilèges d’accords changent de camp autant que changent les positions.

L’actualité se bouscule et entoure ainsi cette « visite» de plusieurs volets géographiques. L’Ukraine n’est pas la Libye et Taïwan n’est pas le Mali. La Palestine, le Sahara occidental, le Yémen ou la Syrie ne font pas le même menu et ne s’écrivent pas des mêmes caractères politiques. Les visions diffèrent aussi pour la Russie, la Chine, l’Inde ou l’Iran.

Un visa peut apparaître dans l’autre sens comme un robinet de gaz que l’on manipule au gré du froid ou de la chaleur politique. Il change de destination, selon la direction des pipelines et suivant, non pas le cours boursier ; mais bel et bien la mercuriale des relations bilatérales. Les « enjeux régionaux » dont parle l’Elysée ne sont pas uniquement inscrits dans des zones d’influence, ils sont des rapports de force conjoncturels qui persévèrent à stopper toute émergence de nouveaux blocs tout aussi puissants.

SOurce: http://www.lequotidien-oran.com/

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