Du 28 janvier au 1er février 2019, Plan International Mali a initié une caravane médiatique dans le cercle de Baraouli en 4ème région. Il s’agissait pour l’Ong de montrer à l’opinion nationale et internationale, les acquis et les difficultés dans la lutte contre la pratique de l’excision dans la zone. Au total ce sont 19 villages dans 3 communes couvertes qui ont abandonné l’excision.
La caravane composée d’une dizaine de journalistes, conduite par Diallo Fatoumata Ibrahim Samaké, chargée du programme MGF Excision et Tingé Coulibaly, chargé à la communication de Plan International Mali s’inscrit dans le cadre de la journée internationale contre les pratiques néfastes aux femmes, célébrée ce 6 février 2019.
Pendant 5 jours, les caravaniers accompagnés par les responsables de l’unité locale de Plan International Mali notamment Ibrahim Bolezogola, coordinateur des programmes de l’unité de Baraouli, Allaye Dolo, coordinateur du programme ERAD ont échangé avec les communautés de six villages dans les commune de Konobougou, Kalaké et Sanando.
Ainsi, le 28 janvier 2019, les caravaniers ont été reçus par le préfet de Baraouli, Dieudonné Sagara et l’ensemble des membres du comité local pour l’abandon de l’excision composé de la société civile, les autorités administratives et communales, la jeunesse, les autorités sanitaires et religieuses, la Cafo, le Recotrad. Ce comité présidé par le préfet est la pierre angulaire de la lutte au niveau des villages.
Le préfet de Baraouli qui a exprimé sa joie d’accueillir la caravane. « Moules programmes sont conçus pour lutter contre l’excision. Ici, ERAD et Plan International Mali travaillent main dans la main pour l’abandon de la pratique. Nous manquons de fonds aujourd’hui. Si nous avons ce fonds ça aidera en plus de la sensibilisation. Si une femme voit sa voisine qui s’est déclarée et a été guérie, ça peut pousser certaines ». Il a souhaité la bienvenue dans le territoire du Do.
Diallo Fatoumata Ibrahim Samaké, chargée du programme MGF Excision, chef de la mission a reconnu le rôle important du CLAPN pour l’accompagnement et l’appui. « Depuis 1996, plan international Mali lutte contre les pratiques néfastes aux femmes. Le but c’est de montrer ce que fait Plan International Mali dans le cercle. Les acquis dans la lutte et les difficultés rencontrées par les acteurs. Malheureusement dans les communautés, des femmes vivent avec les séquelles de cette pratique mais qui refuse d’en parler ».
Ces propos de la patronne de la missions sont corroboré par le médecin chef du CsRef de Baraouli. « 90% prévalence des femmes en âge de procréer sont excisées. En 2018, nous avons connu 6 cas compliqués prises en charges par le fonds ASDAP », ajouté Dr Oumar Nouhoum Traoré.
Toujours s’agissant des conséquences de l’excision, le coordinateur du programme ERAD a indiqué qu’en 2018 ERAD et Plan International Mali ont identifié 5 cas pris en charge à Bamako. « Plan International Mali a formé des agents pour la prise en charge psycho-sociale. Les victimes ont reçu une somme symbolique de 75.000FCFA pour leurs permettre d’entreprendre des activités. Il y a une synergie d’actions entre les services. Si ASDAP assure la prise en charge sanitaire, Plan International Mali assure la réinsertion socio-économique », a expliqué M. Dolo.
De retour à Konobougou, la délégation a rendu visite au sous préfet. Le représentant de l’État, Sekou Kanta, a affirmé avoir pris part à beaucoup d’activités de l’ONG ERAD en partenariat avec Plan International Mali. « L’excision fait plus de mal que de bien. 12 villages (23 villages couverts par l’Ong) sur 45 villages de la commune de Konobougou, ont déposé les couteaux. Même si nous n’avons pas de loi interdisant la pratique, l’État interdit les structures sanitaires de pratiquer l’excision. ERAD et Plan International Mali sont nos partenaires privilégiés ».
Sanando abandonne officiellement la pratique de l’excision
Le 29 janvier dernier était un jour heureux pour la population de Sanando, commune rurale du cercle de Baraouli. Cette vaillante population a, au terme d’une grande de sensibilisation décidé de son plein gré d’abandonner la pratique de l’excision. Une cérémonie officielle au son des instruments du terroir a été organisée mardi 29 janvier 2019 dans la cours de l’école. C’était en présence du chef de village, du maire, et d’une foule nombreuse.
Après la bienvenue du chef de village de Sanando par son représentant Mamadou M. Traoré, le maire adjoint de Sanando, Souleymane Keïta, a déclaré que la mise en œuvre du projet dans la commune a permis un changement de comportement. « Grâce aux sensibilisation de l’Ong ERAD, les populations ont compris les méfaits de l’excision et ont décidé de ne plus la pratiquer. Je demande aux populations de consolider les acquis ». Il a invité les autres communes à s’inspirer du cas de Sanando pour le bonheur des filles.
Selon Allaye Dolo, coordinateur de l’Ong ERAD, depuis 2011, une forte campagne de sensibilisation des populations a été initiée et soutenue par les autorités locales. « Cet abandon signifie que les populations sont convaincues des méfaits de l’excision et sont soucieuses de la santé des enfants. Ainsi, 19 villages dont 5 villages de Sanando ont déposé les couteaux ». Toutefois, l’arbre ne doit pas caché la forêt. « Abandonner est un acte et maintenir le statut d’abandon en est une autre. C’est pourquoi j’invite les communautés à maintenir le statut d’abandon », a indiqué M. Dolo avant de saluer les populations et les autorités qui ont accompagné le projet.
La présidente des femmes, Assitan Coulibaly, s’est réjouit de l’évènement. « Après la période de sensibilisation, nous avons compris que la pratique cause d’énormes problèmes sur la santé des filles. C’est pourquoi, nous avons décidé d’abandonner l’excision. Si nous appréhendons quelqu’un on va l’amener chez le chef de village. Il payera une amende de 75.000FCFA FCFA et sera exclu même des activités du village », a-t-elle déclaré.
Abondant dans le même sens, le représentant du chef de village, Mamadou M. Traoré, a demandé aux populations d’abandonner totalement cette pratique. « Nous savons que ce n’est pas facile de se débarrasser d’une vieille pratique, nous allons nous employer à faire cesser la pratique pour le bonheur de nos enfants.
Pour parvenir à ce résultat, la chargée du programme MGF, Diallo Fatoumata Ibrahim Samaké a révélé que Plan International Mali s’appuie sur les communautés elles-mêmes. « Nous les sensibilisons sur les dangers de l’excision et nous les amenons à comprendre l’intérêt de l’abandon ».
Prenant la parole, le directeur adjoint du PU de Baraouli, Ibrahim Tienzié Bolezogola a déclaré que Sanando vient de faire un grand pas. Il a exhorté les populations à promouvoir les droits des enfants sans violences et servir d’exemple pour les autres villages. Un sketch des enfants sur la nécessité d2 l’abandon de l’excision a clôturé la cérémonie.
Tissala sur les traces de Sanando
Après Sanando, les caravaniers ont mis le cap sur Tissala, une localité de la commune de Sanando. Ici, une rencontre avec les populations a permis de jauger le niveau d’engagement des populations dans la lutte contre la pratique de l’excision.
Amadou Coulibaly : représentant ERAD Tissala et conseiller municipal Sanando. « L’excision se pratiquait jusqu’en 2011 à 100%, mais avec ERAD, on a connu les méfaits de l’excision. Je peux dire qu’elle a baissé de 85% aujourd’hui. C’est une ville traditionnelle…on travaille pour que Tissala puisse emboîter le pas à Sanando en abandonnant la pratique.
La représentante du regroupement de femmes Benkadi, Mme Coulibaly Ayeré Mallé a confirmé cette tendance du village vers l’abandon. « Nous avons constaté les méfaits à travers la sensibilisation. ERAD a permis de réduire l’excision au village. Ceux qui le faisaient ne viennent plus. A travers Benkadi nous nous informons sur la santé des enfants notamment la lutte contre la pratique de l’excision ».
On nous chassait avant, mais aujourd’hui on peut en parler sans craindre
La 3ème journée de la Caravane a concerné la commune rurale de Kalaké et le village de Délai. La délégation a été reçue par les autorités communales avec à leur tête le maire Mamadou Sangaré ainsi que l’ensemble du comité communale de lutte contre les pratiques néfastes aux femmes.
Kaké Diarra : Représentant ERAD : « Le projet est là dans 7 villages. Le village de Diago était difficile mais les uns et les autres ont compris grâce à la sensibilisation. Ndjilla et zanfina en 2018 ont abandonné la pratique. On nous chassait et c’était difficile d’en parler, mais aujourd’hui on peut en parler sans craindre. Chez nous, nous ne connaissons pas d’exciseuses or avant ça se faisait en groupe ». Ces propos sont appuyés par le maire Mamadou Sangaré. « ERAD et Plan International Mali travaillent sur le sujet ici. Dans la commune, deux villages sur 7 ont abandonné la pratique de l’excision officiellement ».
Représentante des femmes : Fatoumata Sylla : « Ce n’était pas facile d’en parler, mais aujourd’hui on en parle sans problème. L’information fait bouger les lignes ici. Certains villages non couverts par le projet sont dans la dynamique d’abandonner l’excision ».
Dr Mamoutou Traoré, médecin généraliste, CSCOM de Kalaké : « 7 malades dont la cause est peut être l’excision ou le mariage précoce ont été identifiées. En 2018, nous avons référé 27 à Baraouli pour la césarienne dont des cas nette d’infubilation. Par mois, nous enregistrons au minimum 1000 cas de consultations dont les femmes et les enfants occupent 70% ».
Les droits des enfants, une priorité à Dela
« Après Kalaké, les populations de Dela sont sorties massivement pour accueillir la délégation. Ici, les communautés largement sensibilisėes ont inscrit le respect des droits des enfants notamment la petite fille dans les priorités. « Avant les filles étaient excisées, aujourd’hui on peut rencontrer des filles non excisées. Ce n’est pas fini, on le fait clandestinement surtout », a confié le représentant Chef village, Mamoutou Sangaré.
Mody Sangaré, président de la jeunesse : « Nous souhaitons que ERAD puisse couvrir tous les villages environnants pour éviter que nous rencontrons des problèmes au lors des mariages entre villages ».
Maya Keïta, présidente des femmes et Djelika Diarra, comité d’observation et de veille confirment que ce n’est pas en un seul coup que ce sera fini. « Avec ERAD on travaille, ce n’est pas facile. La sensibilisation initiée est en train d’apporter ses fruits. Il n’y a pas de cas signalé d’abord, nous ne le souhaitons pas ».
La journée du 30 j1nvier s’est achevée par la visite de la Radio Sikidolo de Konobougou. Une radio communautaire créée en 2007, partenaires du programme. « Depuis qu’on ne pouvait pas en parler, la radio à travers la sensibilisation a encouragé les villages ou les communautés à s’intéresser. Plan International Mali à travers ERAD nous dote en matériel », a ajouté Adama Tessougué, directeur.
11 villages de Konobougou sur 23 couverts par le programme ont abandonné l’excision
Au 4e jour, la Caravane a rencontré, le 31 janvier 2019, à la mairie de Konobougou, M. Boubacar Sidiki Djenepo, conseiller communal, 1er adjoint au maire. L’édile a déclaré que grâce à plan international Mali, la commune de Konobougou avec ses 43.377 habitants (2017) s’est engagée dans la lutte contre la pratique de l’excision dans 23 villages sur 45 villages. « Aujourd’hui, 9 sur 23 ont abandonné pendant la première phase et pour la deuxième phase en cours 2 villages ont déjà abandonné. Aujourd’hui on en parle, les gens ont connu les méfaits à travers la sensibilisation menée par ERAD et Plan International Mali. Beaucoup de familles à Konobougou ville ont même abandonné d’eux-mêmes. Du côté des religieux, beaucoup ont compris grâce aux formations et la campagne de sensibilisation. Ils en parle même lors de leurs rencontres pour sensibiliser. Il y a une grande avancée dans la lutte. Le conseil communal a introduit la lutte contre l’excision et toutes formes de violences basées sur le genre dans le PDSEC 2018-2022 », a expliqué M. Djenepo.
Parlant des difficultés, il a évoqué la réticence de certains leaders religieux. « Il faut travailler à amener eux-mêmes à être des acteurs de la lutte. Il faut aussi envisager en plus du suivi, des formes de soutiens à ceux qui acceptent d’abandonner la pratique de l’excision », recommande le maire adjoint.
Ladji Coulibaly, conseiller municipal, maître Medersa, représentant les leaders religieux, secrétaire administratif du groupement de musulmans précise : « Le premier souci était ceux qui ont amené le projet. Ils sont considérés comme des « Nassaras » en français les blancs. La méthode d’ERAD et de Plan International Mali qui consiste à associer toutes les communautés est fort appréciée et a permis à beaucoup de gens de comprendre. Il faut aller dans ce sens en formant et en sensibilisant les plus réticents pour qu’ils s’impliquent dans la lutte », a ajouté M. Coulibaly.
Mme Diallo Fatoumata Ibrahim Samaké, chef de mission a rassuré le maire des activités prévues courant le 1er trimestre de 2019 dans les villages qui ont abandonné.
Une fille de 3 mois décédée suite à l’excision à Wėlegara
A Welegara environ 769 habitants, les caravaniers ont été reçus par le chef de village, Soumaïla Konté, dans son vestibule entouré de ses conseillers. Sur la question de la lutte contre la pratique de l’excision, il a mis l’accent sur la sensibilisation.
« Nous avons bénéficié des formations, mais ce n’est pas encore bien compris. Pour l’heure, la question de l’abandon n’est pas dans l’ordre du jour. Il faut plus de sensibilisation et de formation pour que les gens comprennent. Moi-même j’ai pas trop d’informations sur la question. ERAD et Plan International Mali travaillent mais il nous faut plus de temps », a déclaré Bakary Maganė, conseiller du chef de village.
Pour la présidente du regroupement de femmes, Aminata Sylla, les gens le font discrètement, ils amènent leurs filles ailleurs pour les exciser. « Les frais d’excision s’ėlèvent à 1500 Fcfa. Il faut accentuer la sensibilisation et la formation surtout les hommes. Nous voulons que cela cesse définitivement, mais ce sont les hommes qui doivent le comprendre pour que l’excision soit abandonnée définitivement. Depuis 7 ans ERAD intervient. Il y a 13 ans ma petite fille de 3 mois est décédée suite à l’excision à Wėlegana », a confié Mme Konté Oumou Konté .
La rédaction