D’un montant de 400 milliards de dollars, il couvre la période de 2018-2030 et vise à limiter les émissions de gaz à effet de serre et permettre aux populations de s’adapter au changement climatique.
C’est hier, un peu après 8 heures (heure locale) que l’avion transportant le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga et sa délégation s’est immobilisé sur le tarmac de l’aéroport international Diori Hamani de Niamey, capitale du Niger. A sa descente d’avion, le chef du gouvernement a été accueilli par son homologue du Niger, Brigi Rafini. Après le cérémonial d’accueil, les deux personnalités ont eu un bref entretien au salon d’honneur de l’aéroport, en présence du ministre de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable, Mme Kéïta Aïda M’Bo, de l’ambassadeur du Mali au Niger, le général Mahamane Touré.
Soumeylou Boubèye Maïga était à Niamey dans le cadre de la première conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Commission climat pour la région Sahel dont l’objectif est de valider un «plan d’investissement climatique» de 400 milliards de dollars. Ce plan, élaboré pour la période 2018-2030, reflète la traduction de l’engagement de nos Etats à travers l’Accord de Paris sur le réchauffement climatique. Un programme prioritaire qui est axé sur six projets visant diverses actions sur le terrain pour limiter les émissions des gaz à effet de serre et pour permettre aux populations de s’adapter aux changements climatiques. Ce programme prioritaire, qui doit être mis en œuvre sans attendre, sera soumis aux partenaires techniques et financiers lors d’une table ronde aujourd’hui à Niamey en vue de son financement.
En outre, le sommet de Niamey permettra de soumettre à la validation des chefs d’Etat et de gouvernement le plan d’investissement climatique élaboré par des experts des 17 Etats. La région du Sahel, qui abrite plus de 500 millions d’habitants pour une superficie d’environ 10 millions de km2, est extrêmement vulnérable au changement climatique, ce qui fragilise à la fois les conditions de vie des populations et les écosystèmes. Outre la pauvreté et les effets du changement climatique, près de la moitié des 17 pays sont confrontés à des activités terroristes.
A l’ouverture des travaux au Palais des Congrès de Niamey, plusieurs allocutions ont été faites à commencer par celle du ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération du Royaume. Nasser Bourita a axé ses propos sur la nécessité pour les Etats africains et leurs partenaires de conjuguer leurs efforts afin de relever les défis du changement climatique. «Le Maroc s’engage à prendre en charge les études de faisabilité pour finaliser le plan d’investissements climatiques », a promis le ministre marocain.
François de Rugy, ministre français en charge de l’Ecologie, a souligné que l’Afrique n’est pas responsable de ces dérèglements climatiques, ajoutant que l’Europe, l’Amérique et l’Asie sont les premiers responsables. Selon le ministre français, le continent africain ne représente que 4% des émissions de gaz à effet de serre, estimant que 65% de la population africaine est touchée par les effets du dérèglement climatique.
«Le dérèglement climatique et la pression démographique sont les deux défis que vous aurez à relever ensemble, car ils ne tiennent pas compte des frontières. La désertification au Sahel est un sujet politique, un défi régional, mais aussi un enjeu mondial.
La sécheresse, la pauvreté, l’insécurité alimentaire ont des conséquences sur la paix et la stabilité», a martelé François de Rugy. Comme possibles solutions, il a plaidé pour le développement à grande échelle de l’agro-écologie qui, selon lui, limite les émissions de carbone. L’agro-écologie, à en croire M. De Rugy, peut contribuer à stabiliser les sociétés, notamment en prévenant les conflits entre éleveurs et agriculteurs. «Sur la période 2014–2018, l’Agence française de développement (AFD) et le Fonds français de l’environnement ont consacré plus de 250 millions d’euros à des projets concourant au développement de l’agro-écologie dans la région du Sahel. L’AFD poursuivra et renforcera même ses efforts», a-t-il conclu. Pour sa part, le président du Congo, Denis Sassou N’Guesso et non moins président de la Commission du Bassin du Congo, a noté les progrès accomplis au plan institutionnel dans nos régions en matière de dérèglement climatique. Selon lui, la question du financement des projets est une priorité.
La diffusion d’un film documentaire sur la résilience de la région du Sahel a davantage édifié l’assistance sur les avantages de l’agro-écologie et les conséquences néfastes du dérèglement climatique. De même, les jeunes, par la voix de leur représentant, Sany Ayouba, ont plaidé pour leur prise en compte dans le plan d’investissements.
Le président du Niger et président de la Commission climat pour la région du Sahel a déclaré que la situation du Sahel montre combien le changement climatique a un impact sur la disponibilité des ressources, sur la pauvreté. Pour Issoufou Mahamadou, il pourrait faire basculer 100 millions de personnes dans le monde d’ici 2030 alors que la pollution atmosphérique est responsable de 5 millions de décès prématurés par an. Le changement climatique est, selon lui, une menace contre la sécurité alimentaire et nutritionnelle ainsi que la stabilité sociale. Le président nigérien a invité les pays africains à s’engager, notamment dans l’utilisation des énergies renouvelables.
Tirant le bilan de sa participation à ce sommet, le Premier ministre a confié qu’il s’agissait de faire le point de la situation créée par la dégradation du climat et faire le point des investissements qui doivent être faits pour y faire face. Selon Soumeylou Boubèye Maïga, la Conférence a adopté les grandes lignes d’un programme d’investissements prioritaires pour la mobilisation qui va nécessiter un certain nombre de ressources.
«Les ministres vont continuer demain (ce mardi NDLR) dans le cadre d’une table ronde qui va affiner davantage la stratégie de mobilisation. Aujourd’hui, il y a un consensus sur le diagnostic qui est fait, en particulier pour un pays comme le Mali. Les axes qui nous intéressent le plus, sont ceux qui portent : sur comment freiner la dégradation des sols, la dégradation des ressources en eau et celle des ressources pastorales», a expliqué le chef du gouvernement.
Pour lui, on se rend bien compte que non seulement cette dégradation a un impact sur l’économie d’une manière générale, mais aussi est à la base d’un certain nombre de tensions qu’on connaît dans nos pays. Parce que, a détaillé M. Maïga, l’accès aux ressources naturelles devient de plus en plus difficile et oppose souvent les populations les unes aux autres. Ce qui contribue à créer un climat d’instabilité. «Donc, le plus important, c’est qu’il y a aujourd’hui une prise de conscience nettement partagée sur l’urgence qu’il y a à agir sur le climat, nonobstant d’autres priorités», a-t-il dit.
En plus de la table ronde des ministres, a annoncé le Premier ministre, bientôt il y aura un sommet pour adopter l’acte constitutif de la Commission climat du Sahel à l’image de ce qui a été fait pour le Bassin du Congo. «Nous allons continuer de travailler dans le cadre de différentes organisations, mais toujours est-il que la thématique du climat sera une thématique omniprésente dans toutes les démarches ou dans toutes les conférences que nous aurons à faire avec nos partenaires», a-t-il conclu, avant de regagner le Mali.
A l’issue de leurs travaux, les chefs d’Etat et de gouvernement ont, entre autres, adopté le Plan d’investissements climat pour la région du Sahel (PIC-RS) sur la période 2019-2030 et son programme régional prioritaire (2020-2025) pour un montant de 1,32 milliard de dollar. Ils ont également noté le caractère ambitieux du PIC-RS de par son coût global estimé à 392,709 milliards de dollars et exprimé leur ferme volonté d’œuvrer ensemble pour le succès de sa mise en œuvre.
Envoyé spécial Massa SIDIBé
L’Essor