Le Gouvernement vient d’adopter le Décret n° 2023-0275 du 03 mai 2023 qui fixe le régime des marchés de travaux, de fournitures et de services exclus du champ d’application du code des marchés publics et des délégations de service public.
Rien d’anormal. Le Gouvernement peut toujours modifier ? voire abroger tous les actes législatifs (lois), réglementaires (décrets, arrêtés) et d’administration (instructions, circulaires et notes de services). Mais, le hic sinon le scandale dans le cas précis, c’est que ce décret a un effet rétroactif comme disposé à son article 17 selon lequel “le présent décret qui abroge toutes dispositions antérieures contraires, notamment celles du Décret n° 2014-0764 du 09 octobre 2014 fixant le régime des marchés de travaux, de fournitures et de services exclus du champ d’application du code des marchés publics et des délégations de service public prend effet à compter du 1er août 2020.” Cela veut simplement dire que ce décret a des conséquences pour le passé ou, en d’autres termes, qu’il régit des faits et des situations passés. Or, par principe, la règle juridique ne peut régir que les situations juridiques qui viennent à survenir (postérieures) après son entrée en vigueur. Ce principe sacro-saint est consacré par la loi et est l’objet de la célèbre maxime de droit qui dit que la loi (dans son sens générique, englobant la loi elle-même, les actes réglementaires et les règlements d’administration publique) ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif.
La loi peut cependant être expressément rétroactive. Mais, il est communément admis que seule la loi à proprement parler peut l’être. Ce qui exclut ainsi les actes réglementaires et autres règlements d’administration. A cet égard, le Décret n° 2023-0275 du 03 mai 2023 est à tout le moins illégal. Pour en revenir à la rétroactivité, elle vise à faire prendre en charge (ou à couvrir) par la loi des actes et des faits passés, à leur donner une couverture légale. Ainsi, en donnant un effet rétroactif au Décret n° 2023- 0275 du 03 mai 2023 il est évident que le Gouvernement veut donner une couverture légale à des actes passés. En tout cas, ce décret est un aveu de la part du Gouvernement, celui de la reconnaissance que des marchés ont été attribués en toute violation de la procédure qui existait alors.
Si tel n’était pas le cas, et si rien n’était à reprocher aux marchés et aux personnes la rétroactivité ne se justifie pas et n’a aucune utilité. La question qui se pose alors est de savoir quels marchés le Gouvernement veut “blanchir” et qui le Gouvernement veut couvrir en lui (ou en leur) conférant à travers ce décret, l’immunité, traduction manifeste de l’impunité. Avec la date indiquée par le décret comme la limite, à savoir août 2020, c’est à dire depuis la chute de Ibrahim Boubacar Keita, le Gouvernement donne déjà des indications même s’il ne cite pas de marchés ni de noms. La suite dans nos prochaines éditions
Source: Nouvelle République