Pour la première fois depuis le début de l’épidémie de choléra en Haïti, les Nations unies admettent publiquement leur rôle dans l’irruption de la maladie dans le pays. D’après de nombreux rapports scientifiques, le choléra a été introduit en octobre 2010 par des casques bleus népalais de la Minustah, la mission onusienne sur l’île des Caraïbes, et a fait près de 10 000 morts et 800 000 infectés. Mais jusqu’ici, l’ONU avait toujours nié son implication.
« L’ONU est parvenue à la conclusion qu’elle doit faire beaucoup plus étant donné sa propre implication dans le déclenchement (de l’épidémie de choléra, NDLR) et au regard de la souffrance de ceux touchés (par la maladie, NDLR) ». Ces mots ont été écrits par Farhan Haq, l’un des porte-parole du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. Et il poursuit : « Une nouvelle réponse sera présentée au public dans les deux mois à venir », en coordination avec les autorités haïtiennes.
Selon le New York Times, ces déclarations interviennent alors qu’un nouveau rapport interne de l’ONU fustige dans des termes cinglants la stratégie de l’organisation internationale vis-à-vis de l’épidémie de choléra en Haïti. Le rapporteur Philip Alston, un professeur de droit à l’université de New York qui conseille les Nations unies sur des questions de droits de l’homme, qualifie cette stratégie de « moralement inadmissible, légalement indéfendable et politiquement suicidaire ». Les 19 pages de son rapport remis le 8 août n’ont pas encore été publiées. C’est le New York Times qui a pu en obtenir une copie.
Une victoire pour des milliers d’Haïtiens
En Haïti, les avocats des victimes du choléra, qui depuis cinq ans réclament des indemnisations, ont salué ce qui semble être un changement de cap. « C’est une victoire majeure pour des milliers d’Haïtiens qui, pour obtenir justice, ont marché, ont signé des pétitions et ont finalement traîné l’ONU devant un tribunal », expliquent-ils dans un communiqué. « Il était grand temps pour l’ONU de montrer que le principe « les droits de l’homme pour tous » s’applique également aux Haïtiens ».
Mais l’ONU s’est immédiatement employée à freiner cet enthousiasme. Le porte-parole adjoint du secrétaire général a déclaré à l’Agence France-Presse que « la position juridique de l’ONU n’a pas changé ». Depuis 2011 et les premières plaintes déposées par les victimes du choléra en Haïti contre les Nations unies, l’organisation internationale fait valoir l’immunité conférée à toutes les missions onusiennes.
De leur côté, les familles des victimes ne l’entendent pas de cette oreille. « Les Nations unies doivent joindre les actes aux paroles », a estimé Beatrice Lindstrom de l’Institut pour la justice et la démocratie en Haïti. Les avocats réclament « des excuses publiques, l’établissement d’un plan pour verser des compensations aux victimes qui ont tant perdu, et la garantie que le choléra soit éliminé d’Haïti à travers de solides investissements dans les infrastructures d’eau et sanitaires. Nous allons continuer notre lutte jusqu’à ce que cela soit fait ».
Source: RFI