La colère marocaine ne retombe pas. La crise qui a éclaté le 26 août entre Rabat et Tunis à propos du Sahara occidental est vouée à durer, jetant une ombre sur les équilibres stratégiques d’un Maghreb à la stabilité déjà fragilisée par la fracture algéro-marocaine. Le royaume chérifien s’emploie à maintenir la pression sur le président tunisien Kaïs Saïed qui a franchi à ses yeux la ligne rouge des convenances diplomatiques en accordant un accueil digne d’un chef d’Etat à Brahim Ghali, le chef du Front Polisario, le mouvement indépendantiste du Sahara occidental en conflit avec les forces marocaines.
L’affront a été commis à l’aéroport de Tunis-Carthage la veille de l’ouverture du sommet Japon-Union africaine, en rupture avec la tradition diplomatique tunisienne qui avait jusque-là opté pour la « neutralité » dans ce conflit sahraoui mettant aux prises Rabat et Alger, principal soutien du Front Polisario.
Le geste protocolaire de M. Saïed a été dénoncé comme une « attitude hostile et préjudiciable » par le ministère marocain des affaires étrangères qui a aussitôt rappelé son ambassadeur en poste à Tunis – mesure à laquelle la Tunisie a répliqué en rappelant son propre représentant à Rabat.
Depuis lors, les efforts d’apaisement ne semblent guère avoir abouti. « La position du Maroc par rapport à l’accueil grave et inacceptable » du chef de la « milice séparatiste » du Front Polissario par le président tunisien « reste inchangée », a déclaré le 7 septembre Nasser Bourita, le chef de la diplomatie marocaine. Simultanément, la presse marocaine évoquait une possible « suspension » de l’accord de libre-échange signé en 1999 entre le Maroc et la Tunisie.
Pris en étau
Le courroux marocain se nourrit d’une conviction : l’incident de l’aéroport de Tunis-Carthage n’est pas un simple accident, mais découle d’un alignement grandissant de la Tunisie sur l’Algérie depuis l’élection du président Kaïs Saïed en 2019, et plus particulièrement depuis son coup de force de juillet 2021 grâce auquel il s’est arrogé les pleins pouvoirs. « La Tunisie a clairement perdu sa souveraineté en matière de politique étrangère, déplore Nizar Derdabi, ancien officier supérieur de la gendarmerie royale et expert en question de sécurité. Il est clair que le régime algérien lui dicte désormais sa volonté, en tout cas sur le dossier du Sahara. »
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Source: Le Monde