«Le peuple malien sera témoin de l’accélération des rapports bilatéraux entre nos deux pays» ! Telle est la promesse faite le 23 août 2022 par le ministre iranien des Affaires étrangères, Dr Hossein Amir Abdollahian, à sa sortie de l’audience accordée par le président de la Transition, Colonel Assimi Goïta. «Les échanges entre les deux pays vont s’accentuer», a assuré le chef de la diplomatie iranienne.
A peine envisagée, le réchauffement de la coopération entre le Mali et la République islamique d’Iran a déjà atteint sa vitesse de croisière avec la tenue, le mardi 23 août 2022, de la première session de la commission mixte de coopération. Une occasion choisie par le ministre iranien des Affaires étrangères, Dr. Hossein Amir Abdollahian, pour effectuer sa première visite officielle sur le continent du 22 au 23 août 2022. Un honneur qui en dit long sur les enjeux du réchauffement des relations partenariales entre Bamako et Téhéran.
Et déjà, ces deux pays membres de la UMA sont dans le concret avec l’ambition de diversifier et d’élargir le champ de leur coopération et de leur partenariat. Si depuis 1979, la présence de l’Iran sur notre continent s’inscrivait dans une «logique d’expansion idéologique et d’antiaméricanisme», aux dépens des relations économiques et politiques, les Iraniens sont de nos jours déterminés à ne plus se contenter du second rôle en Afrique considérée comme le continent de l’avenir à cause de ses richesses et de son immense potentiel humain.
L’élan déjà amorcé dans le réchauffement de ses relations diplomatiques avec le Mali l’atteste. Tout est déjà visiblement mis en œuvre pour rattraper le temps perdu par le renforcement de la coopération dans les domaines scientifiques, technologiques, agricoles et économiques. Et cela en privilégiant surtout le transfert de technologies au bénéfice de notre pays. Les deux Etats entendent également développer leur coopération dans la lutte contre le terrorisme.
C’est dire qu’un vent d’espoir et d’optimisme souffle désormais entre les deux pays qui ont beaucoup de choses en commun en plus de l’islam. Sans doute que ce réchauffement ne doit pas être vu d’un bon œil par certains de nos partenaires. Il s’agit notamment de la France et surtout des Etats-Unis qui ont des relations très tendues avec l’Iran depuis les années 80. Et cela pour des raisons géostratégiques. De la guerre Iran-Irak au différend lié au nucléaire iranien, les Etats-Unis n’ont jamais ménagé les sanctions pour empêcher la République islamique de se positionner dans la région du Moyen Orient (Arabie saoudite, Égypte, Iran, Irak, Oman, Syrie, Turquie et Yémen) comme une puissance économique et militaire.
Entre 2016 et 2019, il y a eu une embellie avec Barack Obama suite à l’Accord de Vienne (Autriche) sur le nucléaire iranien (Joint Compréhensive Plan of Action/JCPOA). Et cela avant que Donald Trump ne vienne mettre le pied dans le plat en remettant en cause cet accord et en imposant aux Iraniens des sanctions visant surtout à favoriser l’effondrement du régime en place. Avec l’élection de Joe Biden, le dialogue est renoué et on serait plus proche d’un accord avec des «concessions» faites par Téhéran.
Mais, on est loin de la fin de l’antagonisme entre l’empire persan et le «Grand Satan» (surnom donné aux USA sous les Ayatollahs). L’Iran a l’ambition de devenir une puissance régionale reconnue et respectée du Moyen-Orient. Ce qui n’est pas du goût des Américains et de leur protégé, Israël ! Et surtout que l’Iran s’est résolument engagé aux côtés de la Russie, de la Chine et de la Turquie en quête d’un nouvel ordre mondial mettant fin à l’hégémonie occidentale. Ce qui n’est pas naturellement du goût de Washington et de ses alliés Européens. Mais, autant en emporte la colère américaine.
Revenant à nos moutons, on constate allégrement que, depuis le début de la transition devant aboutir au «Mali Kura», notre pays semble prendre un malin plaisir à contrarier «ses traditionnels partenaires» par son repositionnement diplomatique. Hier la Russie ! Aujourd’hui l’Iran ! Peut-être demain le Venezuela… En tout cas, les autorités de la transition ne cachent pas leur volonté d’ouvrir notre pays à tous les partenariats. A condition que cela soit dans notre intérêt et se fasse dans le respect du Mali et des Maliens.
Notre pays est-il enfin en train de se réconcilier avec les valeurs du non-alignement, prôné à l’indépendance en 1960, afin de mieux protéger ses intérêts ? Visiblement oui !
Moussa Bolly
Source : Le Matin