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L’œil de Le Matin : En panne de vision pour impulser le développement

Il est vrai que l’exploitation de nos richesses, les programmes économiques imposés et inadaptés à nos besoins, l’ingérence extérieure dans le choix de nos dirigeants politiques… ont une grande part de responsabilité dans le sous-développement des pays africains comme le nôtre. Mais, quand on observe aussi certains faits et qu’on analyse en profondeur certaines situations, on peut facilement parvenir à la conclusion qu’il aurait fallu un miracle pour que nous puissions réellement décoller économiquement.

Ainsi, pendant une dizaine de jours, des quartiers de Bamako ont été privés d’eau. Et cela malgré la canicule. Dans des familles, on a veillé des nuits entières espérant voir la précieuse liquide couler enfin des robinets. Hélas ! Le hic, c’est que la société d’exploitation ne se donne aucun devoir de nous expliquer pourquoi cette coupure et quand cela allait prendre fin. Il est vrai que, dans des quartiers comme Lafiabougou-Bougoudani (commune IV de Bamako), on est habitué à cela depuis des décennies. Mais, avec le projet d’adduction d’eau de Kabala, la situation avait réellement évolué puisque le robinet pouvait couler plusieurs fois dans la journée et on avait plus besoin de passer des nuits blanches pour recueillir la quantité d’eau suffisante pour ses besoins.

Et presque pendant la même période, on suffoquait dans presque tous les quartiers de la commune IV une fois la nuit tombée (malheureusement cela continue en certains endroits). Et cela à cause de la fumée nauséabonde et étouffante qui se répandait partout. Une fumée produite par l’incinération des déchets ménagers qui s’entassent devant les familles.

Faute de place au «Kilimandjaro», le dépôt de transit qui jouxte le cimetière de Lafiabougou, il a été interdit aux GIE de ramassage d’ordures d’y décharger leurs charrettes. Ne disposant pas d’une autre décharge de transit, ceux-ci ont donc arrêté de ramasser les ordures qui, de jour en jour, s’entassent devant les domiciles. Dans les familles, on n’avait d’autre choix que de les brûler tard dans la nuit. Si certains prenaient le soin d’étaler les ordures au soleil afin de les trier, d’autres ne se donnaient pas cette peine.

La mauvaise gestion du «Kilimandjaro» illustre à elle seule la cécité politique de nos décideurs en termes de vision pour le développement. Ce problème est posé depuis au moins trois décennies sans qu’aucune solution efficace ne soit trouvée ni par la municipalité ni par l’Etat. Tout est presque parti du laxisme de la voirie municipale dont les équipes venaient passer la journée à se prélasser sur place alors que les camions étaient loués à des particuliers avec leurs carburants. Cela a fait la fortune de certains.

De temps en temps, des particuliers comme Toguna SA et récemment Batouly Niane ont engagé des moyens importants pour vider le dépôt. Malheureusement, quelques jours après, les ordures y reprennent leur droit. C’est curieux que, jusque-là, aucune solution pérenne n’ait été trouvée pour éviter que les ordures ne s’entassent à la porte de nos morts.

Des décennies durant, la même équation est restée posée, sans réponse. La municipalité et l’Etat ont été incapables de trouver la meilleure solution. Que de discours démagogiques promettant souvent la fin du calvaire une fois que le dépôt final de Noumoudougou/Tienfala sera réalisé.  Un autre projet sans cesse annoncé, mais qui n’est pas prêt de voir le jour, pas en tout cas dans la forme dont elle est annoncée comme une bouée de sauvetage des politiques d’assainissement de notre capitale.

Que l’on soit incapable de mener la réflexion pour initier un projet autour de ce défi, cela peut encore passer. Mais, que nous ne puissions pas comprendre qu’il ne s’agit pas d’inventer la roue, mais de s’inspirer des cas de réussite d’autres grandes villes à l’échelle africaine voire mondiale, cela frise le ridicule. Comment une ville comme Kigali réussi-t-elle à être propre ? Comment Accra fait-elle pour rester coquette et attrayante ? Comment ces deux exemples africains ont-ils réussi à résoudre l’équation du ramassage et du traitement des ordures ménagères ? Comment s’en inspirer en tenant compte des spécificités Bamakoises voire Maliennes ? Des questions que nos décideurs municipaux et nationaux ne se sont jamais posées parce qu’ils sont plus à l’aise dans la tchatche démagogique que dans la réflexion pour satisfaire les préoccupations des citoyens.

Un pays incapable de trouver la solution à la présence d’un dépôt de transit peut-il réellement  aspirer au développement ? Depuis la fin de la première République, a-t-on réellement pensé développement dans ce pays ? Constitutions, programmes, projets de société, systèmes éducatifs… Tout est calqué sur d’autres sans jamais faire la part des choses comme par exemple tenir compte de l’environnement spécifique de notre pays.

Le plus important pour nos décideurs, c’est de répondre au canevas imposé par certains partenaires techniques et financiers (PTF) en fonction de leurs propres intérêts ou de ceux de puissants lobbies qui œuvrent à ce que nous ne puissions jamais nous épanouir en nous émancipant sur les plans politiques et économiques. Nous sommes souvent surpris d’entendre certains critiques reprocher à nos dirigeants leur «manquer de vision» !

Comment quelqu’un qui lie son sort et l’avenir de son pays à la générosité extérieure, à la bienveillance de ceux qui pillent nos richesses et nos ressources peut-il avoir une quelconque vision ? Il n’est pas maître de sa propre pensée pour y parvenir. Pour lui, avoir une vision  c’est nourrir son peuple d’illusions… C’est pourquoi depuis la fin de la première République, tout est  baliverne, amusement de la galerie… Le vrai développement, on n’y pense presque jamais…

Développer, c’est résoudre des équations, relever des défis. C’est  transformer des défis en opportunités… Et c’est dans cet exercice que se reconnaissent les grands dirigeants, les vrais leaders politiques. Et le Mali en manque cruellement !

Moussa Bolly

Source : Le Matin

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