Le livre de Mamadou Dramane Traoré, intitulé Le berger au pousse-pousse, nous rappelle l’une des valeurs traditionnelles que la société moderne semble avoir oubliées : que « le travail bien fait et l’esprit de sacrifice, seuls, mènent à la réussite sociale ». 

Je préfère le dire tout de suite : Le berger au pousse-pousse (éditions Cauris livres, février 2020) est l’un des meilleurs livres, sinon le meilleur, que j’ai lus depuis le début de cette année 2020. De page en page, l’auteur Mamadou Dramane Traoré, enseignant de carrière basé à Koulikoro, nous fait visiter les coins et les recoins de la sagesse traditionnelle bamanan, avec un talent de conteur incroyable.

Il nous fait souvent rire avec les blagues du cousinage à plaisanterie, notamment entre Peuls et forgerons. Il nous fait aussi pleurer, surtout quand Nantan, un brave chasseur promis à un bel avenir et qui est l’un des personnages clés du livre, se fait dévorer par une panthère monstrueuse, laissant sa jeune femme et son petit enfant en détresse.

Le secret de la fortune 

Le berger au pousse-pousse suivi d’autres nouvelles, c’est d’abord l’histoire d’un jeune berger peul, Hamady Malal Boubou Diallo, qui décide de quitter son village pour gagner un peu d’argent en ville. Alors que son pousse-pousse rempli de ciment lui fait souffrir sans lui rapporter grand-chose, il rencontre le forgeron Gouantoumè, son camarade d’initiation coutumière et son sinankoun (cousin à plaisanterie), qui a fait fortune. Le riche forgeron décide alors de révéler à son « cousin » « le secret » de sa fortune.

S’en suivent alors plusieurs histoires où la réalité se mêle au merveilleux et au fantastique. On se croirait dans une des histoires merveilleuses des Milles et une nuit. Sauf que cette fois-ci l’histoire ne se passe pas dans un califat asiatique mais au cœur même de la culture bamanan. Après nous avoir raconté les fortunes et les infortunes du grand-père et du père de Gouantoumè, le narrateur nous fait savoir que le riche forgeron a amassé sa fortune en travaillant dur et en étant honnête et juste, après avoir connu la souffrance, l’exil et l’humiliation.

L’esprit de sacrifice

L’auteur de Les soupirs du baobab (L’Harmattan, 2009) laisse se profiler une leçon de morale à travers son nouveau livre : « Le travail bien fait et l’esprit de sacrifice, seuls, mènent à la réussite sociale incarnée par Gouantoumè », comme on peut le lire sur la quatrième de couverture. Ainsi, on peut dire que le livre de Mamadou Dramane Traoré est une critique indirecte du Mali et même de l’Afrique « moderne », où les jeunes et les moins jeunes cherchent à s’enrichir, ici et maintenant, en passant par tous les raccourcis. Ce qui ouvre les portes à toutes formes de corruption.

On peut donc lire Le berger au pousse-pousse comme une invitation à nous réapproprier les valeurs traditionnelles de solidarité, d’humilité, de respect mutuel, de justice et du sens de l’honneur, car « qui oublie ses racines égare son avenir ».

Un dernier mot sur le style : Le berger au pousse-pousse est très bien écrit et plein de poésie. Même si le sous-titre « suivi d’autres nouvelles » laisse penser que c’est un recueil de nouvelles, il se lit comme un vrai roman délicieux, puisque les différentes « nouvelles » sont liées les unes aux autres. Je ne peux que vous recommander de le lire.

Source : Benbere