Un litige foncier dure depuis 23 ans à Madiga Sacko dans le cercle de Diéma. Le marathon judiciaire devenu un véritable jeu de ping-pong s’apprête à connaître son énième procès ce 26 août.
La Justice de paix à compétence étendue de Diéma a remis une nouvelle assignation à Mallé Sacko, Diamberé Sacko, Makangoula Sacko, tous du village de Madiga Sacko. Cet énième procès est prévu pour le 26 août 2024. Mais cette assignation, dont l’objet est “l’arrêt des travaux champêtres” ne fait nullement mention de l’Arrêt n°229 du 29 juin 2021 de la Cour suprême du Mali. Mystère !
Force est de se rendre à l’évidence que le calvaire vécu par ces pauvres paysans est loin de connaître son épilogue, tout simplement parce que Dianguina Sacko, cultivateur et riche propriétaire de bétails, vient d’initier une nouvelle procédure contre eux, dans le secret espoir d’arriver à ses fins, avec l’aide et la complicité de quelques autorités locales. Lesquelles viennent de procéder à un troisième bornage (dont les résultats ne sont pas encore connus) en plus des deux précédents, avec toujours comme objectif : l’arrêt des travaux champêtres par Mallé Sacko et tous les autres occupants de leurs parcelles. Cela au grand mépris de l’Arrêt n° 229 du 29 juin 2021 de la Cour suprême du Mali qui n’est pas favorable au sieur Dianguina !
Pour rappel, par acte de pourvoi n° 01 du 15 janvier 2014, Me Djandouba Diallo, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de ses clients : Mallé Sacko, Housseyni Sacko, Makangoula Sacko, Idrissa Sacko, Makan Biba Sacko, déclare formuler pourvoi contre l’Arrêt n° 36 du 27 décembre de la Cour d’Appel de Kayes, lequel ordonnait l’expulsion de ses clients des terres du hameau de « Ballandougou » issue du bornage effectué par l’IGM de Kayes intitulé « bornage selon Dianguina ». Me Diallo a vigoureusement soutenu que ses clients sont tous originaires et natifs du village de Madiga-Sacko, qu’ils exploitent leur champ de culture situé dans la zone dénommée « Mahina » relevant des droits coutumiers collectifs du village de Madiga Sacko. Peut-on alors les priver de la jouissance de leurs terres ancestrales?
B. CAMARA
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Un petit rappel des faits vingt-trois ans après
Courant 2001, les nommés Diadié Sacko et Baba Sacko du village de Madiga Sacko (Sita Koumpoula) procédaient au défrichement de parcelles à usage agricole dans la zone dite « Mahina » située entre les villages de Madiga Sacko et Tinkaré. Les défrichements effectués sans autorisation suscitaient la réaction de Dianguina Sacko revendiquant la propriété coutumière de la zone concernée. Après avoir vainement tenté une solution amiable dans le cadre des structures traditionnelles des règlements de litiges dans le Kaarta, l’affaire fut portée devant l’administration de Diéma où les nommés Diadié et Baba obtenaient du Délégué du Gouvernement dans les communes de Diéma et de Madiga Sacko une autorisation de défrichement pour régulariser la situation. Cet acte n’ayant pas permis de mettre fin au conflit était annulé par décision n° 01-026-CD en date du 17 juillet 2001 du délégué du gouvernement dans le cercle de Diéma qui, par lettre n°022/CD du 20 juillet 2001 transmettait au greffe du tribunal de céans, la requête de Dianguina Sacko pour compétence.
A l’appui de sa requête, Dianguina Sacko a soutenu tant à la barre que dans ses conclusions, sous la plume de son conseil, Me Ousmane Aldiouma Touré, avocat à la Cour, que depuis des décennies, ses grands-parents, propriétaires d’animaux auraient quitté le village de Madiga Sacko pour s’installer un peu plus loin dans un endroit devenu le hameau de culture « Ballandougou ». Selon lui, toutes les terres environnantes de ce hameau habitées à présent par sa famille seraient unanimement reconnues par tout le Kaarta comme faisant partie de leur propriété foncière. Que non seulement ils y habitent avec leurs animaux mais aussi y cultivent. Que personne d’autre en dehors de sa famille n’a jamais exploité les terres litigieuses sans l’aval de ses parents. Que les nommés Diadié et Baba avaient déjà défriché des champs dans cette brousse et auraient été déguerpis par son père. Qu’animés d’une foi manifeste, ils veulent profiter de l’état de santé de celui-ci, qui du fait de sa maladie, serait incapable non seulement de se déplacer mais aussi de parler. Que c’est pourquoi, il sollicite qu’il plaise au tribunal recevoir sa demande dire et juger qu’il est seul titulaire de droits coutumiers sur les terres litigieuses, ordonner l’exécution provisoire de la décision
Quant à Diadié Sacko et Baba Sacko ayant pour conseils Maitres Hamidou Dembelé, Towéfo Mounkoro, et Bolly Koné tous avocats à la Cour, ils ont soutenu qu’ils sont nés à Madiga Sacko, tous comme leurs parents et grands-parents. Selon eux, dans les coutumes du village, nul n’a besoin de s’adresser à quelqu’un pour défricher un champ de culture, s’agissant des terres non encore exploitées. Et conformément à cette coutume, ils auraient défriché des champs à l’Est du village de Madiga Sacko pour leurs besoins champêtres dans une zone appelée « Mahina ». Qu’ils ont obtenu pour ce faire des autorisations de défrichements de l’administration. Que cependant Dianguina Sacko du même village installé au hameau de culture de Ballandougou, éleveur de son état voulait s’opposer à l’exploitation desdits champs au seul motif, que la zone serait réservée pour le pâturage de ses animaux. Qu’en tant que citoyen de ce pays, ils n’entendent pas laisser les terres à des animaux.