On ne peut faire partie d’une organisation sans en respecter les règles de fonctionnement. Il en est ainsi d’une équipe de football de quartier, d’une association de promotion du genre a fortiori d’un regroupement de quinze États qui œuvrent à bâtir un destin commun. L’une des dispositions centrales du Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance, dont la CEDEAO s’est dotée depuis 1993, est le non changement du pouvoir par la voie non constitutionnelle. Les meneurs du mouvement de contestation populaire, qui a conduit à la démission du président IBK dans un camp militaire, ne l’ignoraient pas. Ils avaient été mis en garde plusieurs fois par les différents émissaires de cette organisation sous-régionale qui se sont succédé à Bamako pour tenter d’éviter un tel dénouement. En vain.
En plus d’avoir dérogé à cette règle essentielle, les autorités consacrées à la tête de l’Etat, au moyen d’une violence faite à la Constitution de 1992 toujours en vigueur, se sont appliquées à renier les engagements pris sous serment, notamment celui afférent au respect de la charte de la transition disposant que la durée de celle-là est de 18 mois. Laquelle durée a été validée par la CEDEAO, lors de son sommet extraordinaire sur le Mali, tenu à Accra en septembre 2020 et, à travers elle, a reçu l’onction de la communauté internationale.
Les sanctions de gel des avoirs financiers et d’interdiction de voyage, qui viennent d’être édictées par Abuja à l’encontre de 149 personnalités maliennes dont le premier ministre Choguel Maïga, des ministres et des membres du CNT ont donc été , dans une large mesure, recherchées par les tenants du pouvoir en place. Au lieu de saisir la main tendue par la CEDEAO et d’autres partenaires pour les aider à sortir de la période d’exception, dans le délai convenu et sans trop de heurts, ils ont délibérément opté pour une prorogation, source de division à l’interne et de conflit à l’externe. Venant s’ajouter à la suspension du Mali de toutes les instances communautaires, de celles de l’Union africaine et aux restrictions sécuritaires, économiques et financières qui lui sont imposées par certains alliés stratégiques depuis » le coup d’Etat dans le coup d’Etat inacceptable » du 24 mai 2021, elles rendront intenable, à coup sûr, la situation du pays.
En effet, il n’est guère besoin d’être un spécialiste de la prospective pour comprendre que ces sanctions conjuguées vont générer assez rapidement un effet déstabilisant accru sur un pays fragilisé à la fois par une insécurité pandémique et un mouvement revendicatif récurrent. Au point de le précipiter dans le chaos total.
Mais il est encore temps d’éviter le pire, qui serait constitué par les sanctions supplémentaires brandies par la CEDEAO, au détour de son sommet du 12 décembre prochain si la transition malienne ne change pas de trajectoire et le relais qui ne manquera pas d’être pris par la communauté internationale. Déjà l’Union européenne, un soutien majeur du Mali au double plan de l’aide au développement et de la lutte contre le terrorisme, travaille sur un plan de sanctions contre l’équipe au pouvoir à Bamako, croit-on savoir. Cela est possible en s’engageant hic et nunc (ici et maintenant) dans l’organisation des élections présidentielles couplées aux législatives le 27 février 2022, comme prévu par le calendrier électoral publié en avril 2020.
Un pari parfaitement tenable d’avis d’expert dans le temps qui nous sépare de cette échéance à condition que le gouvernement- son chef surtout- renonce à ses deux projets non consensuels que sont la tenue des Assises nationales de la refondation de l’Etat et la création d’un organe unique de gestion des élections. Et s’en remette, pour tourner la page de la transition, au système électoral antérieur à la chute du président IBK.
Saouti HAIDARA
Source: l’Indépendant