Excellence, la question des entraves à la libre circulation des personnes dans l’espace CEDEAO devient de plus en plus préoccupante. En effet, il y’a un décalage énorme entre les normes communautaires en la matière et les pratiques qui se font sur le terrain. Sans rentrer dans l’énumération des textes consacrant la libre circulation des citoyens au sein de la CEDEAO, nous savons que pour aller d’un pays à un autre, il suffit de disposer d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité et d’un carnet de vaccination à jour. Hélas, cela n’est pas une réalité au niveau des différents corridors et même à l’intérieur des pays.
Le M.C.I est une association communautaire de droit sénégalais ayant son siège social à Dakar et disposant de coordinations nationales dans huit pays de l’Afrique de l’ouest (Bénin, Burkina, Côte D’Ivoire, Ghana, Mali, Mauritanie, Togo, Niger). Conformément à l’un des ses objectifs, à savoir appuyer l’édification de la libre circulation des personnes en Afrique de l’ouest, le M.C.I a lancé le 02 octobre 2015 à la gare des baux maraîchers sise à Pikine (Sénégal) une activité communautaire dénommée : « Pétition citoyenne pour l’effectivité de la libre circulation en Afrique de l’ouest » qui a été bien accueillie par les voyageurs et les acteurs du transport communautaire.
A travers cette pétition, le M.C.I a entendu mettre à nue le phénomène du « rackettage », sensibiliser les voyageurs sur leurs droits en matière de libre circulation tout en les invitant à signer les fiches de pétition pour marquer leur engagement dans la lutte contre les entraves à la libre circulation ; cette initiative sera également répétée dans les autres Etats membres de la CEDEAO. C’est d’ailleurs sur cette perspective que le Coordonateur Général du mouvement s’est rendu à Bamako pour la préparation du lancement de l’activité au Mali.
Voyageant par la route, le bus qu’il a emprunté a quitté Dakar le dimanche 01 novembre 2015 à 18h15mns et est arrivé au poste de la police des frontières du Sénégal de la ville de Kidira, le lundi 02 novembre aux environs de 5h30mns du matin. Le contrôle des voyageurs lors du passage d’une frontière à une autre étant une nécessité, surtout dans le contexte actuel, les agents de la police des frontières du Sénégal ont récupéré les documents d’identité de tous les voyageurs afin de procéder à des vérifications. Après une trentaine de minutes, les voyageurs de nationalité sénégalaise ont été appelés et leurs documents d’identité leur ont été remis sans autres formalités, puis ce fut le tour des voyageurs expatriés. A ces derniers, il leur a été demandé, à chacun et sur un ton menaçant, de donner la somme de 1000FCFA avant de récupérer leurs documents d’identité. Notons qu’aucune quittance n’est remise aux voyageurs contre ce paiement. Quant il a été demandé au Coordonnateur Général du M.C.I de donner cette somme avant de récupérer sa carte d’identité, il a fait comprendre aux policiers qu’il ne dispose pas d’une telle somme ; l’un des agents rétorque : « comment pouvez-vous voyager sans argent ? Si vous ne donnez pas les 1000FCFA, votre carte d’identité va rester ici, et vous ne pourrez pas continuer votre voyage ». Toutes les tentatives de médiation des autres voyageurs afin que la carte d’identité soit remise sont restées infructueuses. Face à cette situation, il a été demandé aux agents de police de délivrer un document montrant qu’ils ont « pris » la carte d’identité et d’y indiquer les raisons. Cette demande a également rencontré un refus catégorique.
Alors le Coordonnateur a fait comprendre à ces policiers qu’il est citoyen de l’espace CEDEAO et de ce fait, il lui est permet de voyager avec sa pièce d’identité et un carnet de vaccination à jour ; la réponse de l’un des policiers fut la suivante : « Si tu fais le malin on te casse la gueule et on t’enferme ici, il n’y aura rien. Tu ne connais pas le droit plus que nous, nous avons été à l’Université avant toi. Si tu ne donnes pas 1000FCFA, ta pièce va rester ici ».
Excellence, les 1000FCFA n’ont pas été donnés, et la carte d’identité est restée à la police des frontières du Sénégal de Kidira, elle y est d’ailleurs à ce jour. Malheureusement, ces pratiques ne sont pas propres au Sénégal seulement, les voyageurs sont victimes de ces Rackets au Mali, au Burkina, au Togo, au Benin, au Ghana. Ces entraves à la libre circulation constituent les vrais obstacles du processus d’intégration impulsé par la CEDEAO et l’UEMOA. N’est-il pas inscrit sur nos passeports : « Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest » ? Pourtant au niveau des corridors, il n’existe point de communauté. Le triste constat est qu’au niveau des corridors, les voyageurs disposant de tous les documents d’identités pour voyager sont ceux qui sont victimes des rackets ; les agents chargés des contrôles ne s’intéressent également en réalité qu’au paiement des 1000FCFA par les voyageurs, ne prenant pas le temps de vérifier les identités réelles de ces derniers. Nous savons tous que le monde est en danger, danger que constituent les actes de terrorismes. Allons laisser des agents chargés de notre sécurité nous mettre en danger de mort pour propres intérêts, pour 1000FCFA ?
Excellence M. le Président, depuis votre accession à la Magistrature suprême du Sénégal, vous n’avez cessé de promouvoir la bonne gouvernance dans un Etat de droit, respectant les engagements internationaux du Sénégal ; vos nombreux efforts pour la paix et la stabilité dans la sous région ouest-africaine qui ont marqués votre leadership au niveau communautaire, ont fini de convaincre vos pairs qui vous ont fait confiance en vous désignant Président en Exercice de la Conférence de Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO. En plus de vos qualités personnelles, le Sénégal est un exemple en matière de démocratie en Afrique dont les autres Etats ne cessent de s’inspirer. Le comportement de ces agents de la police de frontières de Kidira n’est pas de nature à donner une bonne image du Sénégal et plus grave, cela constitue un acte punissable par la loi.
Le Mouvement Citoyen pour l’Intégration en Afrique de l’Ouest condamne fermement ces rackets dont sont victimes les voyageurs dans l’espace CEDEAO, condamne avec la dernière énergie le comportement des agents de la police des frontières de Kidira qui est aux antipodes des textes communautaires. Ces agissements sont de natures à réduire à néant les multiples efforts et les acquis en matière de libre circulation dans l’espace CEDEAO et doivent donc être sanctionnés de façon exemplaire. En ce qui concerne le M.C.I, nous userons de toutes les voies légales afin que la carte d’identité de notre Coordonateur lui soit remise dans les meilleurs délais, au besoin en utilisant la voie judiciaire.
Excellence M. le Président, nous espérons que dans les jours à venir, des mesures fortes seront prises par votre gouvernement ainsi que par les Chefs d’Etats de la CEDEAO afin de mettre fin au « rackettage » des voyageurs sur nos routes communautaires.
Pour la Coordination Générale
Par délégation, le Coordonateur National/Sénégal
Omar Sow
Doctorant en droit public-UCAD
+221 77 709 43 53
mci.ouestafrica@gmail.com