Les messages ont été poignants, dimanche dernier au Centre International de Conférence de Bamako. L’émotion a gagné une bonne partie du public qui n’a pas pu cacher ses larmes. C’était au cours de la première audience publique de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation. A l’occasion, les anciens Premiers ministres et le président de la Transition, Dioncounda Traoré étaient invités.
Selon l’émouvant récit de T.S. il a été séquestré par le MNLA et a failli perdre la vie à Kidal en 2014. Il a été épargné de justesse, alors que d’autres ont succombé à la barbarie de leurs tortionnaires. Aujourd’hui, a-t-il assuré, même certains de ses parents pensent qu’il est devenu fou, parce qu’il a gardé des tessons de balle dans la tête. Il lui arrive de faire des cauchemars, la nuit, en entendant des tirs. Y.H. a pris une balle des terroristes, dans le pied. La balle, a-t-il dit, est restée 5 mois dans son corps, avant son extraction. I.A.M. a dénoncé les FAMAS qui, selon lui, l’ont séquestré, pour lui arracher des informations. Il dit avoir été torturé et humilié. T.S. âgé de 88 ans, est un paysan, qui s’est déclaré victime de la révolte dite de Ouélessébougou. Il s’est plaint de détention arbitraire et de tortures. Les récits de Mme D.D. infirmière, séquestrée, selon ses dires, par le MNLA, à Léré en 2012 et de Mme A.T. qui a parlé d’enlèvement et de séquestration en 2016, à Ansongo, ont été poignants. Des sanglots ont éclaté dans la salle. La thérapie a fait son effet. Même un journaliste a pleuré à chaudes larmes.
Le représentant des victimes, Oumar Sidi Traoré a déclaré : « dans le but de mener le travail de sensibilisation du pays et son entrée dans une ère de paix et de réconciliation, la CVJR veut redonner la parole aux victimes, les aider à obtenir la vérité, la justice et la réparation des préjudices subis. Dès les premières heures, elle a bénéficié de l’accompagnement et du soutien des organisations des victimes, des organisations de défense des droits humains et de la société civile, en général. » Pour Lassine Bouaré, ministre de la Cohésion sociale, de la Paix et de la Réconciliation nationale, les audiences publiques se tiennent à un moment où le Mali connait une situation sécuritaire particulièrement difficile. Il a affirmé la volonté du gouvernement de punir toutes les formes d’atteinte à la liberté. Il a, aussi, conscience que la construction de la paix et de la réconciliation sont une lutte de longue haleine. Le président de la CVJR a soutenu : « les messages que nous entendrons aujourd’hui nous rappellent l’extrême gravité que revêt la privation de liberté, nous entendrons des témoignages émouvants qui peuvent nous affecter profondément et des histoires qui nous feront réfléchir sur différentes périodes de notre histoire nationale. ». Il a précisé qu’il ne s’agit pas d’audiences judiciaires, car, seules les victimes seront entendues.
B.D.
Source: Journal le Canard Déchainé