Au Mali, la pauvreté est très fréquente chez les femmes, surtout les femmes rurales de Nafadji, un village-quartier situé au Nord de la Commune I du district de Bamako. Pour subvenir aux besoins familiaux, des femmes de cette localité s’adonnent au ramassage de gravier sur la colline dont la revente aux propriétaires de chantiers de construction leur apporte quelques revenus. Pour lever un coin de voile sur cette activité peu connue par la population malienne, nous nous sommes rendus, le mardi 17 octobre dernier, sur ce site devenu aujourd’hui un lieu de gagne-pain pour de nombreuses femmes de Nafadji et environnants. Mais dans quelles conditions ?
Il est 9 heures du matin. Sous un soleil peu brûlant, nous arrivons sur le site qui s’étend sur quelques hectares. Une quinzaine de femmes, en majorité des vielles, prennent d’assaut les lieux, munies de grillages, piques, seaux et pioches et pelles. En mot tout l’outillage qui leur permet de creuser pour trouver du gravier à amasser. Leur passage laisse un terrain dégradant qui met toujours en colère les propriétaires desdits parcelles.
Mansa Daou, une cinquantaine qui se présente comme chef du groupe, nous confie qu’elle exerce ce travail depuis environ 10 ans pour avoir commencé son activité en 2007. “C’est la pauvreté qui nous a poussées à faire ce travail. La majeure partie de ces femmes que vous voyez ici ont perdu leur mari qui ont laissé des enfants à leurs charges, donc nous sommes obligées de faire ce travail, même si c’est dur, pour subvenir aux besoins de la famille puisque les enfants sont trop jeunes”, a-t-elle expliqué.
A quelques mètres d’elle et son groupe de travail, Awa Mona Traoré, une autre vieille femme qui se prépare à commencer à piocher pour creuser des trous. Elle précise qu’elle ne s’adonne pas à ce travail par plaisir. “C’est la pauvreté qui m’a poussée à faire ce travail. Pour éviter de voler ou de faire autre chose qui ne m’honore pas, je viens ramasser les graviers pour les revendre après. Avec un camion de gravier, je peux gagner 30 000 Fcfa à 35 000 Fcfa. C’est avec cet argent que j’arrive à subvenir à mes besoins et à ceux de la famille”, a-t-elle précisé.
Sur le site, nous avons même trouvé des jeunes filles, à l’image de Awa Coulibaly, 19 ans, mariée avec 1 enfant. Elle explique que son mari travaille, mais gagne peu donc pour l’aider à subvenir aux besoins de la famille, elle vient travailler sur ces lieux, auprès de sa tante.
“Avec ce travail, nous sommes exposées à toutes sortes de maladies comme la toux, le rhume, etc. sans compter la fatigue journalière causée par ce travail qui demande beaucoup d’efforts physiques. Toutes les veilles dames qui travaillent ici sont confrontées à des problèmes respiratoires à tel point que souvent, si elles tombent malade, il faut qu’elles partent à l’hôpital pour se soigner car avec les médicaments de la rue cela ne marche pas”.
Combien d’heures travaillent-elles par jour ? Mansa Daou, chef de groupe, a révélé qu’elles commencent tôt le matin, jusqu’à 13 ou 14 heures pour prendre la pose et prier, avant de continuer jusqu’aux environs de 19 heures. “Avec ce travail, il n’y a de repos si on veut gagner beaucoup. Moi, personnellement, je commence le matin et termine aux environs de 19 heures pour rentrer à la maison. Une fois à la maison, c’est la douleur musculaire qui nous attaque jusqu’au matin. Vraiment, ce travail est dur, mais que faire si on n’a pas quelqu’un pour nous prendre en charge ?”.
A la question de savoir si les autorités communales leur ont rendu visite sur les lieux et ont fait quelque chose pour améliorer leur situation, Mansa Daou répond : “Depuis que nous avons commencé ce travail, personne n’est venu nous rendre visite, que cela soit les responsables communaux et d’autres responsables. Je pense que le problème vient de nous parce que nous n’avons pas trouvé quelqu’un qui puisse nous mettre en contact avec les responsables communaux”, a-t-elle précisé. Elle a conclu ses propos en lançant un appel à l’endroit des autorités du pays afin qu’elles aident ces femmes à sortir de cette difficulté. Ces femmes ramasseurs de graviers peuvent mener d’autres activités, pour peu que les autorités les soutiennent et les accompagnent. “On ne fait pas ce travail dur parce que nous l’aimons, mais seulement parce que nous n’avons pas le choix”.
Mahamadou TRAORE