Des projets ambitieux et transnationaux peuvent être menés à bien, grâce à une coordination efficace des interventions d’investisseurs nationaux et internationaux.
Les besoins de l’Afrique en matière d’investissement sont immenses. Combler son déficit en matière d’infrastructures nécessiterait environ 90 milliards de dollars par an (soit 15% du PIB de la région), évaluait une récente étude de la Banque Mondiale et du Consortium des Infrastructures pour l’Afrique. Historiquement, les financements étaient principalement issus de prêts d’institutions internationales et bilatérales dédiées au développement. Mais aujourd’hui, les montants en jeu ne permettent plus de poursuivre dans cette voie.
La capacité d’emprunt des Etats a ses limites
En premier lieu, il ne peut pas être indéfiniment fait appel à l’endettement public. Accroitre la dette des Etats n’est pas une solution viable à moyen et long terme. Leur capacité financière a ses limites. La construction, par exemple, du barrage d’Inga en République Démocratique du Congo pour plusieurs milliards de dollars ne peut être assumée par ce seul pays. En outre, les institutions prêteuses elles-mêmes sont soumises à des contraintes prudentielles. Leurs expositions par pays sont strictement encadrées et limitées. Dans ces conditions, de nouvelles approches doivent être imaginées. Du point de vue strictement financier, il apparaît judicieux de faire reposer les financements non pas sur la dette, mais sur l’investissement, et ainsi d’y associer des acteurs privés.
Les actifs à très long terme, objets des gros projets d’infrastructures, ont l’avantage de pouvoir générer des revenus réguliers sur de longues échéances. Aussi les grands investisseurs institutionnels africains et internationaux (fonds de pension, fonds souverains, compagnies d’assurance, voire banques centrales ou banques de développement), ne s’y trompent pas. Ils sont de plus en plus nombreux à souhaiter s’engager aux côtés des pays africains. L’annonce récente du fonds souverain norvégien, plus important fonds souverain mondial, qui a exprimé sa volonté de nettement renforcer ses investissements sur le continent africain, est emblématique de cette tendance de fond. Il faut donc savoir répondre à leur souhait d’investir en capital, en leur offrant l’opportunité de prendre directement des participations dans des sociétés de projet, contre des certificats d’investissement/de propriété au prorata d’un actif tangible sous-jacent et dont le rendement est adossé sur les revenus généré par ledit actif.
Aménagements de souveraineté
Les économies africaines sont fragmentées, isolées et pas compétitives par rapport à celles des autres régions du globe. Quinze (15) pays enclavés parmi les 31 pays les moins avancés se retrouvent en Afrique. Les Etats Insulaires sont plus ou moins isolés du reste du continent. Et pourtant l’un des principaux enjeux en matière d’infrastructures est la mise en œuvre de connections entre les régions, dans la perspective de la création de vastes marchés et du développement des échanges commerciaux, à l’échelle du continent. Les projets – de types autoroutes, lignes de chemin de fer, centrales électriques et lignes de transport à haute tension, ports et aéroports – auront donc de plus en plus vocation à répondre aux besoins de plusieurs pays, au-delà de leurs frontières respectives. Ces infrastructures communes nécessiteront naturellement des aménagements voire des abandons de souveraineté de la part de chacune des parties prenantes. D’ores et déjà, certains pays en ont accepté le principe. C’est ainsi par exemple qu’à travers l’OMVS, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal ont conçu ensemble plusieurs barrages hydroélectriques au Mali. Ils sont bien détenus sous forme d’ouvrages communs par l’ensemble des pays participants, qui en perçoivent les fruits, soit un droit d’usage de l’électricité ainsi produite, bien que l’ouvrage soit situé dans l’un seulement de ces pays. Un tel schéma pourrait efficacement être reproduit à l’avenir dans le cadre de concessions en PPP, auxquelles participeraient donc des acteurs privés, investisseurs, ainsi qu’entreprises de travaux publics ou d’équipementiers du secteur énergétique.
La BAD doit pouvoir jouer ce rôle de catalyseur
Le pilotage de ces projets, de l’organisation de leur financement en amont, à leur réalisation, devrait en conséquence être attribué à une institution supranationale. Une telle institution serait à même d’assurer que ces projets soient toujours menés à bien et que leur modèle économique ne puisse être remis en cause, indépendamment des évolutions politiques dans les pays concernés.
Elle jouerait aussi un rôle de catalyseur. De ce point de vue, la Banque Africaine de Développement (BAD) pourrait, du fait de l’expertise technique de ses équipes et de sa participation à plusieurs projets d’infrastructures, apporter une réelle valeur ajoutée à tous les intervenants. En tant qu’institution régionale de proximité, la BAD deviendrait ainsi la porte d’entrée privilégiée des investisseurs africains et internationaux, offrant sa capacité à coordonner leurs interventions, à les conseiller sur la viabilité d’un projet, mais aussi à fédérer des pays autour d’une initiative commune.
Sa propre participation financière, également sous la forme d’un investissement en capital et pas nécessairement d’un prêt, apporterait une caution morale pour le succès de l’opération. Même symbolique, et donc à risque calculé, son investissement aurait pour effet de rassurer sur la pérennité d’une opération.
A propos de Birama Boubacar Sidibé
Birama B. Sidibé, de nationalité malienne, est un expert des enjeux politico-économiques impliquant l’Afrique.
Il débute sa carrière à la Banque Africaine de Développement en 1983. Il y joue un rôle clé à partir de 1996, lorsqu’il s’implique dans le programme de modernisation de la banque, suite à la crise institutionnelle de 1995. Son intervention en tant que principal architecte du plan d’urgence de la BAD marque l’histoire de l’institution. En 2005, il est nommé Vice-président par interim de la Région Nord, Est et Sud de la BAD.
En 2006, il quitte la BAD et intègre le poste de Directeur Général de Shelter-Afrique, une institution régionale africaine à capitaux privés et publics, dont l’activité principale est le financement à moyen terme des promoteurs du secteur privé, en Afrique. Il y gère également la relation avec les 44 nations africaines, actionnaires de Shelter-Afrique, ainsi qu’avec la BAD et Africare.
En 2009, il fait son entrée à la Banque Islamique de Développement (BID) à Djeddah, en Arabie Saoudite, en tant que Vice-Président. Il se consacre notamment à la mise en œuvre du Programme spécial pour le Développement de l’Afrique (SPAD – financement au travers de projets variés de 22 pays africains à hauteur de 4,2 milliards de dollars).
Doté d’une vision innovante sur les questions de développement économique en Afrique, Birama B. Sidibé est aujourd’hui candidat à la présidence de la BAD, dont l’élection se tiendra le 28 mai prochain, à l’occasion de l’assemblée annuelle de la Banque, à Abidjan (Côte d’Ivoire).
A propos de La Banque Africaine de Développement
La (BAD) est une banque multinationale de développement dont le siège se trouve à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Elle est chargée de promouvoir le développement économique et le progrès social dans les pays africains. Fondée en 1964, elle compte 53 pays membres africains, et est soutenue par 24 pays européens, sud et nord-américains, et asiatiques. Lire la suite sur http://www.finyear.com/Les-modes-de-financement-des-projets-d-infrastructures-en-Afrique-doivent-evoluer_a32974.html