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« Les Gabonais ne pouvaient plus supporter la marionnette Bongo »

Quelques minutes après l’annonce de sa victoire, le président a été “mis à la retraite” par ses militaires.

Le scénario était prévisible jusqu’à la proclamation de la victoire d’Ali Bongo, président sortant et fils d’Omar Bongo. Le père et le fils ont “régné” plus de 55 ans sur ce petit pays d’Afrique centrale riche en pétrole. Et le pouvoir du clan devait se prolonger cinq ans de plus après la présidentielle organisée ce 26 août.

Officiellement, le président sortant a remporté le scrutin avec un peu plus de 64 % des voix. Le principal candidat de l’opposition, Albert Ondo Ossa, désigné candidat d’une large plateforme politique à 7 jours du scrutin, n’aurait recueilli que 33 % des voix, selon les chiffres annoncés mercredi sur le coup de 3 heures du matin. Le candidat de l’opposition, qui n’avait cessé de dénoncer des “fraudes orchestrées par le camp Bongo” n’a pas eu le temps de réagir. Les militaires, menés par la garde républicaine, se sont invités sur les antennes de la télévision Gabon24 installée dans les locaux de la présidence de la république pour annoncer avoir mis “fin au régime en place” au Gabon, suspendu toutes les institutions et fermé les frontières. Quelque temps plus tard, ces militaires annonçaient avoir placé en résidence surveillée le président Ali Bongo Ondimba. Plusieurs personnalités proches de la présidence, dont des ministres et un fils du chef de l’État, ont été arrêtées,

Un coup d’État surprise ?

Je ne pense pas que ce coup ait été longuement concerté”, explique depuis Libreville Marc Ona, activiste des droits de l’homme et véritable poil à gratter du pouvoir gabonais. “C’était inimaginable, surtout venant de la garde républicaine. Le général Brice Oligui Nguema, déjà présenté comme le nouvel homme fort, était le sécurocrate du régime Bongo. Quand nous sommes allés voter samedi, la garde républicaine était déployée, c’est elle qui veillait au grain pour le bon déroulement du bourrage des urnes. On avait le sentiment de repartir sur le même scénario qu’en 2016. Les Gabonais votent, le pouvoir tripatouille et on annonce que Bongo prolonge son bail. Tout semblait écrit”, poursuit notre homme qui explique encore qu’il était convaincu de ce scénario quand il a entendu les premiers coups de feu sur le coup de 4 heures du matin. “Je pensais que les militaires fêtaient la victoire de leur favori”.

Les mêmes acteurs

Ce qu’il faut constater, c’est qu’une fois de plus c’est la garde républicaine qui est à l’avant du mouvement”, explique un diplomate africain. “Comme en Guinée, comme au Mali ou au Niger. En fait, c’est la seule structure militaire qui est bien équipée et bien structurée. C’est la garde prétorienne des chefs d’État”, poursuit-il. “Elle a clairement les capacités de mener de telles opérations et suffisamment d’aura pour fédérer les autres forces armées. Certains présidents africains vont devoir rapidement revoir leur dispositif de sécurité”.

Un contexte différent

Ces militaires ont anticipé une colère qui allait être ingérable”, poursuit notre diplomate. “Les premiers retours du pays montrent que la population était vent debout contre un régime Bongo totalement usé, décrédibilisé. L’état de santé du président, victime d’un AVC il y a quelques années, est un élément essentiel de ce mouvement d’humeur”, enchaîne un Belge qui vit une partie de l’année dans ce pays d’Afrique centrale. “Il y a des manifestations de soutien aux militaires dans plusieurs endroits de la capitale et ailleurs dans le pays. Il y a bien quelques heurts, mais c’est très très léger”. “C’est un mouvement qu’on peut qualifier de 100 % gabonais. Ce n’est pas en réaction à la France, l’Occident ou autre. Les Gabonais ne voulaient plus être représentés par ce Monsieur affaibli. Cette marionnette entre les mains des membres de sa famille et de son, premier cercle qui pillaient allègrement les caisses de l’État. Tous les Gabonais savaient que ses proches falsifiaient la signature du président”, ajoute Marc Ona. “Le parti au pouvoir aurait dû se choisir un autre candidat pour garder les rênes du pays. Les militaires ont compris que cette grogne allait durer et qu’elle pouvait les emporter”, explique le diplomate africain.

Une forme d’émulation

Après le Mali, le Burkina Faso, la Guinée et le Niger, Le Gabon est la 5e ancienne colonie française frappée par un coup d’État en moins de 3 ans. “Il est évident qu’il y a un effet d’entraînement. Comme je le disais déjà précédemment, tous ces militaires se parlent. Le Gabon est certes plus au sud, mais ils ont tous des liens”, selon notre diplomate africain. “Les Gabonais considèrent souvent leurs militaires comme des mauviettes”, poursuit un habitant de Libreville. “On entend des réflexions sur le courage des militaires du Mali, du Burkina ou du Niger. Cela doit travailler nos soldats”, explique-t-il. “On peut parler d’une forme d’émulation qui ne fait pas les affaires des pouvoirs en place”, sourit notre interlocuteur qui rejette l’idée d’une entente entre l’opposition politique et les militaires. Dans ce contexte de surchauffe régionale et continentale, les condamnations de l’Onu, de l’Union africaine ou de la France n’auront évidemment aucun impact. “Elles renforceront même le statut des putschistes”, prévoit notre habitant de Libreville qui attendait mercredi soir les annonces des militaires. “J’espère qu’ils ne chercheront pas à s’accrocher au pouvoir. Qu’ils organiseront rapidement de nouvelles élections. L’exemple des autres pays touchés par les coups d’État ne pousse pas à l’optimisme”.

.lalibre.be

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