LE GRAND ANGLE DIPLO – Emmanuel Macron se rend à Alger mercredi pour une visite de quelques heures et il va devoir ménager un partenaire tout aussi crucial que susceptible. Au micro d’Europe 1, la chronique du rédacteur-en-chef international du JDD, François Clemenceau.
Emmanuel Macron n’a pas voulu déroger à une tradition présidentielle française, celle de se rendre dès la première année de son mandat en Algérie. Mais plutôt que d’y organiser une visite d’État comme tous ses prédécesseurs, avec son lot de grands discours et de symboles, il a préféré y passer seulement quelques heures. C’est une visite de travail pour parler sécurité régionale, terrorisme, liens économiques et dossiers en attente. Car c’est sur ces sujets qu’il attend beaucoup de l’Algérie, à commencer par la lutte contre le djihadisme au Sahel.
La France aimerait qu’Alger coopère davantage sur le plan militaire et instrumentalise moins les différents acteurs qui usent de leurs pouvoirs de nuisance, au Mali comme au Niger mais également en Libye. La difficulté tient au fait que l’Algérie ne fait pas partie du G5 Sahel et qu’elle se refuse à intervenir en dehors de ses frontières. Sans compter sur le fait que certains des chefs terroristes opérant dans cette zone immense sont d’origine algérienne et bien connus des services algériens.
La question sensible des flux migratoires
Quelques heures seulement de visite mais des étapes obligatoires… D’abord au Monument des martyrs qui honore les combattants tombés pour délivrer l’Algérie de la puissance coloniale, mais aussi à travers la parole publique pour évoquer ce passé dont les plaies ne sont pas cicatrisées. Emmanuel Macron avait dit pendant sa campagne, sur place à Alger, que des “crimes contre l’humanité” avaient été perpétrés sur place. Non pas pour en faire “repentance” mais pour cesser de “nier” une réalité dont il ne se sent pas responsable, lui qui est né après la guerre d’Algérie. C’est d’ailleurs le premier président de la Ve République dans son cas et il veut en profiter, comme il l’a fait en Afrique, pour regarder droit devant avec une nouvelle génération. Nul doute qu’il rappellera que 65% de la population algérienne a moins de 30 ans et que c’est avec elle qu’il a envie de travailler.
Reste aussi une question sensible entre les deux rives de la Méditerranée, celle des flux migratoires. C’est un sujet dont on parle peu mais c’est vrai qu’en se focalisant sur la Libye, on en oublie que des filières existent en Algérie comme au Maroc pour monter vers l’Europe. Et l’on craint dans les chancelleries et les états-majors qu’en cas de sérieuse instabilité politique, notamment en Algérie avec un président âgé et malade et une guerre des clans qui n’a jamais vraiment cessé, la France ait un jour à affronter une vague massive. Ce sujet est tabou mais là-bas comme dans la diaspora, il inquiète au risque de polluer une relation franco-algérienne toujours empreinte d’une forme de prudence en raison de l’opacité du pouvoir et des ressentiments du passé.