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LÉGENDE DU FOOT AFRICAIN : ROGER MILLA

Premier joueur du Continent à avoir disputé trois Coupes du monde, le Camerounais a marqué toute une génération d’amateurs de football.

ROGER MILLA ancien joueur footballeur cameroun

 

La scène a marqué les esprits et s’est incrusté dans la mémoire collective. C’est celle d’une danse caractéristique que Coca-Cola utilisera 30 ans après dans un de ses spots phares de publicité. Nous sommes le 23 juin 1990. Il est un peu plus de 19 heures au mythique stade San Paolo de Naples. Devant 50 000 personnes, alors que son équipe dispute un suffoquant 8e de finale de Coupe du monde, le numéro 9 du Cameroun pique le ballon des pieds du gardien de but René Higuita et marque. Il vient de foudroyer la Colombie durant la prolongation et de rentrer définitivement dans la légende et dans les coeurs. Ce but consacre un doublé pour lui et propulse les Lions indomptables en 8e de finale. Un grand instant de gloire, une performance égalée mais encore jamais surpassée par une autre formation africaine.

Symbole national

En attendant, l’image de Roger Milla dansant le Makossa a traversé le temps et touché plus d’une génération. L’Homme est désormais au Panthéon de la Légende. Premier Africain à disputer trois Coupes du monde (1982, 1990, 1994), il a marqué de son empreinte chacune d’entre elle en inscrivant au total 5 buts, ce qui en fait le meilleur buteur africain de l’Histoire de la compétition (devant le Ghanéen Gyan Asamoah, 4). Quatre ans après l’épopée de 1990, Milla scelle un autre record qui sera bien difficile à battre. A 42 ans et 39 jours, il devient l’homme le plus âgé à marquer lors d’une phase finale d’un Mondial. Ce fut lors d’un match perdu contre la Russie d’Oleg Salenko au Stanford Stadium (1-6), un ultime fait d’armes sportif qui l’a fait passer de joueur inoubliable à joueur-symbole national. Il faut dire que, si les statistiques officielles lui attribuent 102 sélections, il se murmure qu’entre les jeux panafricains et autres compétitions disputées sous la bannière du Cameroun, Roger Milla en totaliserait près de 212. Un chiffre qui illustre le dévouement et une disponibilité sans faille à son pays d’origine. Et qui livre un début d’explication sur une carrière bien plus édulcorée en club.

“Le caractériel le plus génial que j’ai eu” (Claude Le Roy)

Le Tonnerre Yaoundé, Valenciennes, Monaco, Bastia, Saint-Étienne, Montpellier… Autant de points de chute à l’avoir accueilli sans être parvenus à en tirer le maximum. “C’est le caractériel le plus génial que j’ai eu à entrainer”, reconnaitra un Claude Le Roy pourtant aguerri au foot africain, après l’avoir eu sous ses ordres entre 1985 et 1988. La formule résumerait presque le personnage. En dépit d’une bonne centaine de buts (117), son palmarès en club est resté démuni d’un titre majeur hormis deux Coupes de France (1980, 1981). Milla n’était jamais aussi fort que lorsqu’il fallait défendre les couleurs des Lions Indomptables. Au point qu’aucun attaquant n’a réussi à reprendre le flambeau depuis. Olivier Schwob, rédacteur en chef de foot-express.com et auteur de la biographie officielle de Roger Milla*, confirme : “Oman-Biyik, Mboma, Eto’o, Webo, Choupo… Tous ont réussi à faire de belles choses mais sans jamais s’inscrire dans la durée.” La longévité, l’attribut qui a justement forgé la légende de Milla.

Retour 2 ans après son jubilé !

La vie laisse rarement place au hasard. Roger Milla est né le 20 mai 1952, jour de la fête nationale au Cameroun. Catholique protestant, il a toujours mis un point d’honneur à servir la cause de son pays, entretenant le paradoxe entre un statut de superstar parfois capricieuse et une simplicité retrouvée lorsqu’il s’agissait de servir la cause nationale. Du temps où il était encore joueur, il entretenait déjà des rapports de proximité avec Paul Biya, le président camerounais au pouvoir depuis 1982. Dans un pays où les liens entre sport et politique ont toujours été étroits, l’intervention du chef de l’état a plusieurs fois eu son importance. Dans les choix des sélectionneurs, mais aussi des dirigeants et même des joueurs. Le président a pesé de tout son poids sur le retour de Milla à l’aube du Mondial 90, le sortant alors d’une paisible retraite coulée à la Réunion dans un petit club de Division d’Honneur. Même s’il est difficile de savoir lequel des deux a fait le premier pas vers l’autre, ou encore si Biya n’a tout simplement pas cédé à la vindicte populaire qui lui demandait de rappeler le vieux Lion.

Entrée dans les instances

Moins de deux ans auparavant, 120 000 personnes s’étaient massées dans le stade omnisports de Yaoundé pour fêter son jubilé, sorte d’adieu au football. Un match durant lequel Milla avait démontré qu’il pouvait encore largement tenir la route. Cela a servi de terreau à l’idée d’un come-back. “Sportivement c’était une inconnue, concède Olivier Schwob sans totalement écarter l’hypothèse d’une décision politique. Durant la préparation, il n’arrivait pas en terrain conquis et il a dû montrer encore plus que les autres qu’il avait sa place dans les 22.”

De fait, Milla a souvent adopté la ligne de conduite de Biya, appuyant ses candidatures aux présidentielles. Pour le remercier de l’avoir guidé vers le point culminant de sa carrière ? Rien n’est moins sûr. Toujours est-il que par la suite, la trajectoire de Milla l’a conduit à occuper des fonctions diverses au sein des instances nationales. D’abord éphémère président d’honneur de la Fédération de football (Fécafoot, entre 2008 et 2012), il est devenu ambassadeur itinérant pour le Cameroun (depuis 2000) – nommé par Paul Biya, en personne – et pour l’ONU contre le SIDA.

Un discours tranché

En dehors du rectangle vert Roger Milla a rarement gardé sa langue dans sa poche, transpirant parfois l’égocentrisme qui habite tous les grands attaquants. Une tendance qui s’est confirmée une fois son retrait des terrains définitif, en 1994. “Si le football camerounais se porte mal aujourd’hui, les gens comme Joseph Antoine Bell sont responsables, il bavarde partout”, a-t-il par exemple estimé au sujet de son ex-coéquipier en sélection. “Plusieurs fois je l’ai appelé. Je lui ai demandé qu’il vienne pour qu’on se mette ensemble pour sauver le football camerounais qui se meurt. Il a refusé et préfère crier partout dans les médias”. L’ancien portier de l’OM n’est pas le seul à avoir essuyé les attaques du vieux Lion. Désigné comme son héritier, Samuel Eto’o vit lui-aussi une relation ambigüe avec Milla, à l’image de la fraternelle rivalité qu’ils ont toujours entretenue.

“Pour l’instant, Samuel Eto’o a beaucoup apporté à Barcelone et à l’Inter Milan mais jamais rien à l’équipe du Cameroun. Il n’a pas encore répondu aux attentes. C’est aussi une question de discipline : il a un peu malmené les autres joueurs, on n’avait jamais vu ça en équipe nationale. Le Cameroun attend qu’il réagisse”, avait dénoncé Milla quelques semaines avant le Mondial 2010. “Les gens doivent plus me respecter et surtout fermer leur gueule. C’est toujours avant les compétitions que les gens aigris se réveillent. Milla a fait quoi ? Il n’a pas gagné la Coupe du monde, ils ont joué un quart de finale (en 1990, NDLR). Et avec quelle équipe ! Ils avaient l’une des meilleures sélections avec de grands joueurs dans chaque compartiment. Ce n’est pas parce qu’ils ont connu la gloire à 40 ans, qu’ils peuvent parler”, avait répliqué non sans une certaine amertume l’ancien joueur de l’Inter Milan, piqué au vif.

Des échanges qui sont loin de résumer à eux seuls les rapports entre deux hommes souvent mis en opposition. “Pour moi, Roger est une légende, le meilleur footballeur africain de tous les temps”, a pourtant paraphé en conclusion de l’élogieuse préface de la biographie de celui qu’il décrit comme son idole.

“Dites à Finke de rebrousser chemin sinon nous allons le tabasser” (R. Milla)

De sa position de dirigeant, Milla n’hésite donc pas à appuyer partout là où ça fait mal. Conscient du poids de ses mots sur ses compatriotes. Le timing de ses interventions ne doit pas grand-chose au hasard. Aujourd’hui, c’est l’actuel sélectionneur l’Allemand Volker Finke qui en fait les frais. “Le Cameroun a besoin d’un entraineur compétent pour le Mondial”, avait-il lâché fin 2013, une fois les Lions qualifiés pour la phase finale.

Son avis, il l’avait clairement exprimé quelques mois auparavant avant même que Finke ne soit nommé. “Dites à cet entraîneur qui s’apprête à débarquer au Cameroun de rebrousser chemin, sinon nous allons le tabasser avant de le refouler chez lui. Nous ne pouvons pas accepter ces ennemis du pays”, avait lancé Milla dans une interview au quotidien local Le Messager. Des propos sous forme de tir à longue portée.

Ultra interventionniste

“Il dérape souvent. Cette fois-ci, il est allé encore plus loin, et c’est navrant”, avait alors réagi Pierre Lechantre, ancien sélectionneur français du Cameroun (1999-2001) dans Jeune Afrique : “On peut se demander s’il n’est pas un peu xénophobe ou raciste. Mais son intérêt à lui, c’est que la sélection n’obtienne pas de résultat, qu’il prenne la présidence de la fédération afin de nommer un coach qui sera sous son influence”. Moins acerbe, Olivier Schwob admet que Milla “assume peut-être trop de fronts à la fois. Mais il rassemblera toujours, même à plus de 60 ans”.

Suffisant pour occuper à la fois une stature politique et sportive ? Chacun se fera son idée. En attendant qu’un autre joueur du continent vienne le supplanter dans les mémoires, Roger Milla continue d’arpenter le monde avec toujours la même reconnaissance. Celle d’un joueur devenu ambassadeur, à qui l’on pardonnerait presque tous ses excès tant il nous a fait rêver.

* Roger Milla, sur les traces d’un lion, d’Olivier Schwob (2006, Mango Sport), préface de Samuel Eto’o, 189 pages

© Source : Le Point.fr

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