Dans les bibliothèques et autres centres de lecture, nombreux aujourd’hui sont les usagers qui se tournent vers les documents digitalisés. Les raisons ? Ceux-ci sont plus facilement manipulables et les moteurs de recherche facilitent le travail
L’essor phénoménal du numérique a bouleversé les habitudes dans différents domaines de la vie socio-économique, politique et culturelle. La lecture en tant que socle du savoir et de la recherche ne fait pas exception à la règle. Le secteur est aujourd’hui affecté par l’évolution des Technologies de l’information et de la communication. En effet, les TIC étant à l’origine de la dématérialisation croissante de documents et de procédures administratives, l’on assiste à la multiplication des bibliothèques virtuelles pendant qu’experts et chercheurs partagent instantanément leurs savoirs sur les médias sociaux. Le phénomène emballe tant la jeune génération que certains prédisent un avenir peu radieux pour le livre imprimé.
Quel doit être le positionnement ou la conduite à tenir par les structures de documentation par rapport à cette nouvelle donne ? Pour mieux cerner la question, il convient d’abord de comprendre la nature du livre numérique et ses formats de lecture. Tidiane Diawara, bibliothécaire de l’Institut français explique qu’il existe deux grands formats en la matière : Électronique publication ou publication électronique (EPUB) et Portable document en format (PDF).
M. Diawara lie la floraison des écrits digitaux à la présence importante de liseuses compatibles avec les systèmes Androïde, Windows et autres systèmes à travers lesquels la technologie tente de s’imposer, constituant ainsi une menace pour le livre sous sa forme classique et même pour l’avenir du métier de bibliothécaire. Selon lui, actuellement, les jeunes s’intéressent peu au livre imprimé et sont beaucoup plus attirés par les formats numériques et autres contenus web. Grâce aux réseaux sociaux et autres sites d’informations, ils pensent plutôt pouvoir se passer du livre imprimé, poursuit notre interlocuteur.
Pourtant au Mali, une grande partie des bibliothèques n’a pas encore suivi le mouvement, faute de moyens, constate Tidiane Diawara. Mais des structures comme l’Institut français du Mali ayant conscience de cette percée du livre digital, ont su s’adapter à cette évolution. C’est ainsi qu’une bibliothèque numérisée permettant aux lecteurs de télécharger des livres à distance y a été initiée, indique le bibliothécaire. En dépit de cette innovation, l’affluence reste la même à l’Institut français, fait remarquer le spécialiste. Grâce à un partenariat qu’entretient l’institut avec des écoles de la place, les élèves s’y inscrivent en groupe. En termes de fréquentation, la structure comptait environ 2.173 lecteurs en 2018. «L’affluence diminue pendant les vacances, surtout au mois de juillet», souligne notre interlocuteur.
SE RÉINVENTER- Diadié Koné, chef de division à la Bibliothèque nationale, explique que l’affluence dans sa structure dépend des périodes de l’année. Ainsi, par exemple, pendant les périodes d’examens, de nombreux étudiants, notamment de l’École de médecine, fréquentent les bibliothèques. Après les tests, leur nombre diminue. Ce sont les jeunes diplômés sans emploi et des enseignants préparant leurs thèses de doctorat qui
constituent les potentiels clients. «Si les gens ont à choisir entre les deux modes de lecture, c’est sûr qu’ils choisiront le modèle numérique», explique le chef de division, estimant que les documents classiques sont peu sollicités de nos jours. Si nous sommes un pays de l’oralité (contes, mythes, épopées, etc.), certains préfèrent exploiter les facilités offertes par les TIC, souligne M. Koné en raison du fait que grâce aux moteurs de recherche, il est plus facile de retrouver les informations, sans être obligé de lire un document du début à la fin. Toute chose qui permet, selon lui, une économie de temps et d’énergie. C’est d’ailleurs pour cette raison que des jeunes comme Ousmane Cissé préfèrent les solutions digitales. Cet étudiant dit se sentir plus à l’aise en lisant les documents numériques. «Entre le support papier et le numérique, je choisirai le numérique, car c’est facile à manipuler», explique l’étudiant de la Faculté de droit public, tout en reconnaissant que les informations électroniques sont souvent incomplètes.
Face à cette réalité, il appartient aux centres de lecture de se réinventer pour attirer les amateurs du digital. A cet effet, les bibliothèques dont l’organisation et le fonctionnement ont été définis pour les collections de livres imprimés, doivent se restructurer en profondeur pour accueillir ce nouveau produit culturel. «En somme, nous, spécialistes de ce métier, devons anticiper en mettant en place des stratégies focalisées sur la gestion et la communication du numérique», estime-t-il, ajoutant que le nombre de travailleurs employés dans les structures documentaires pourrait également diminuer.
Aminata Diakité