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Le retour de l’âge d’or des mercenaires : d’Ukraine au Moyen-Orient, les guerres d’aujourd’hui se combattent différemment

Les “sociétés militaires privées” sont devenues une tendance lourde de tous les conflits impliquant des armées régulières, ou lors d’interventions extérieures. Loin de l’image “aventurière” qu’elles ont dans la perception collective, leur action influe cependant les logiques de coopération de Défense.

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Atlantico : Lors du conflit en Irak, le grand public avait découvert l’importance des “sociétés militaires privées” (SMP), avec notamment Blackwater – renommé depuis “Academi”. Concrètement, à quoi peut servir pour une autorité étatique ou para-étatique de faire appel à une SMP ? Qu’apportent-elles aux conflits ?

Philippe Chapleau : Depuis quarante siècles, c’est la même règle : un manque de capacités et de moyens. On parle de capacités humaines, financières ou techniques. Comme les politiques ont des besoins du fait d’opérations, et que leurs capacités internes ne sont pas suffisantes, on fait appel au secteur privé. Ce système est toujours le même, une relation, triangulaire entre un pouvoir politique, un entrepreneur militaire et des exécutants, que l’on appelle “mercenaires”, même si depuis la décolonisation ce mot a pris une connotation différente de son sens originel.

De l’Irak à l’Afghanistan en passant par l’Afrique, on est toujours dans cette logique de volonté de pallier les carences. Cela peut aller de la formation au transport aérien ou maritime, le renseignement, le soutien logistique, et – plus rarement – des opérations de combat.

Aujourd’hui, il y a une recherche de légitimité de plus en plus forte de ces SMP. Le temps où il s’agissait de groupes plus ou moins informels de “barbouzards” est plus ou moins révolu. L’approche aujourd’hui est très “business”. Il y a cinq ou six types de prestations majeures couramment proposés : une de niveau sécuritaire bien sûr (le plus souvent de la protection de sites ou de personnalités, du déminage ou de la sécurité maritime ; la formation des armées, du militaire de base au pilote de chasse ; l’appui logistique où les capacités des armées sont souvent insuffisantes ; la maintenance des équipements ; le soutien médical (la France n’est pas concernée mais l’Australie ou le Canada ont de moins en moins de capacités propres) qui a une très grosse valeur ajoutée en termes d’image ; le renseignement, malgré son côté “régalien” par excellence ; et enfin le maintien de la paix : il n’y a pas encore de “casques bleus privés”, mais beaucoup de casques bleus sont formés sur place par des SMP.

Aujourd’hui quels sont les principaux pays de provenance des SMP les plus actives, et sur quels théâtres nouveaux d’opérations se déploient-elles ?

Les acteurs majeurs sont anglo-saxons car le milieu s’est structuré dès les années quatre-vingt-dix et les PME de l’époque – un niveau où la France est restée – sont devenues de très grosses entreprises avec des divisions spécialisées, quand elles n’ont pas formé d’énormes consortium. Une entreprise comme DynCorp International a aujourd’hui 24 000 employés et sont sur tous les domaines d’activités du secteur !

Il existe de nouveaux “émergents” en provenance d’Australie par exemple. L’armée de ce pays était un gros client des SMP, ce qui a impulsé la création d’acteurs locaux. Des Français ou des Scandinaves se positionnent sur des marchés de niche. Et on voit arriver des outsiders comme les Turcs, les Chinois, ou les Russes. Pour ces derniers, ils ne sont cependant pas si présents que cela, en comparaison de leur importance supposée, même si la démobilisation dans leur armée, cycliquement, peut amener une offre assez forte de personnels. On avait eu d’ailleurs un phénomène assez similaire avec les Sud-africains, ou de nombreux anciens militaires démobilises dans les années quatre-vingt-dix se sont retrouvés en Afrique, en Irak et en Afghanistan.

 

Pour les terrains d’opération : pendant longtemps cela a été l’Irak et l’Afghanistan. En Irak, quand il y avait 120 000 militaires déployés, il y avait dans le même temps 120 000 “contractors”, qui n’étaient pas tous des mercenaires cependant puisque le terme “contractors” peut aussi bien regrouper un homme menant une action quasi-militaire, que le Philippin embauché pour faire la plonge, ou le routier. Les gros contrats dans ces régions s’éteignant peu à peu (mais pas complètement, on assiste même à un certain retour), et on retrouve beaucoup de SMP en Afrique, sur des questions de formation au maintien de la paix et de logistique.

Il y a même une grosse concurrence entre français et américains pour la formation des armées africaines. Les Américains sont par exemple très présents au Ghana, les Français au Tchad, en Mauritanie, en Côte-d’Ivoire…

Quelles sont les problématiques des SMP sur ces nouveaux marchés, qui nécessitent principalement des missions de formations au détriment des actions de sécurité et de protection ?

Quand l’armée française n’est plus capable d’assurer sa mission de formation, elle donne le feu vert à des entreprises privées françaises pour prendre le relais. L’idée en tout cas reste d’apporter des capacités supplémentaires à ces pays, notamment ceux qui font face à des troubles, comme le Nigéria. Et la question complexe est celle de la formation des cadres, mission lucrative et pourvoyeuse de crédibilité pour les SMP. Mais c’est une mission complexe, car on peut former des soldats de base en quelques semaines, mais les officiers demandent beaucoup plus de temps. Or, les SMP recherchent une pérennité des financements. Quand l’Etat français décide de financer lui-même, tout va très bien, mais considérant la situation budgétaire actuelle c’est de moins en moins le cas. Les SMP se demandent donc si elles vont être payées… Et si les garanties ne sont pas là, il faut s’assurer de financement extérieur via l’ONU, l’Otan, la Banque mondiale, le FMI ou d’autres organismes. Et c’est ce que font justement les SMP actuellement : elles cherchent à s’assurer de financements sérieux.

Les SMP étant bien organisées et parfois très puissantes, que peut-il se passer si les relations avec l’Etat qui s’attachent leurs services tournent mal, du fait d’un contentieux financier par exemple ?

Si les SMP se retrouvent sans financement, on court le risque de voir ce qu’il s’était passé en 1990 quand les Sud-africains sont arrivés en Angola et au Sierra Leone, à savoir qu’ils se sont fait payer une partie en cash, et une partie en concession minière.

Source: atlantico.fr

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